Éducation

La réforme Haby, modifiée, ne reste qu'un projet

Les défauts du système d'éducation français sont bien connus. Joseph Fontanet, avant de proposer « sa » réforme, les avait répertoriés. L'école, qui, en France, assure l'avenir d'une minorité privilégiée, rejette les autres – que défavorise déjà leur origine sociale – sur le marché du travail sans leur offrir une formation suffisante : elle se caractérise donc à la fois par une injustice profonde et un rendement médiocre.

Pour remédier à cette situation, Joseph Fontanet avait envisagé de réorganiser l'enseignement secondaire de manière à permettre une répartition plus rationnelle des élèves entre les différentes branches du système (Journal de l'année 1973-74).

René Haby, le successeur de J. Fontanet, reprend le problème à l'envers, en recherchant non pas tant un meilleur fonctionnement de l'institution scolaire qu'un meilleur développement des enfants scolarisés. L'optique du pédagogue remplace celle du technocrate. D'où un projet beaucoup plus ambitieux.

Primaire

À la différence du projet Fontanet, la réforme Haby intéresse l'enseignement élémentaire : école maternelle et école primaire. C'est la base du système ; c'est en même temps le lieu où, de l'avis des psychologues, se joue pour une large part le sort de l'enfant. Aussi la principale innovation proposée en ce domaine par René Haby – hormis la réduction progressive à 35 élèves des effectifs des classes maternelles – est-elle l'allongement de la scolarité primaire (de cinq à six années), compensé, pour les meilleurs, par la possibilité d'y accéder un an plus tôt, à l'âge de cinq ans, et, le cas échéant, de sauter une ou deux classes.

À l'issue de l'enseignement élémentaire – c'est-à-dire à l'entrée en sixième –, les enfants, formés chacun selon son rythme propre, seraient donc à peu près de la même force, ce qui rendrait inutile l'existence de filières séparées dans le premier cycle de l'enseignement secondaire.

Le raisonnement de René Haby est simple. Ou bien on maintient, dans chaque classe, le principe d'une stricte égalité d'âge et, compte tenu des différences non seulement d'aptitudes, mais surtout d'environnement socioculturel, on est conduit à établir des parcours distincts. Ou bien on se propose de mettre en place un parcours unique, et on est alors obligé d'admettre que les élèves d'une même classe ne soient pas tous du même âge.

C'est la solution retenue : elle doit permettre, en principe, à ceux que leur milieu familial désavantage de parvenir, sans redoublements, au terme d'un cheminement plus lent, au même niveau que les autres.

Deux reproches peuvent être faits à cette nouvelle organisation. Le premier est qu'elle favorise dans les classes maternelles, dès lors qu'une fraction des élèves pourra entrer plus tôt à l'école primaire, un apprentissage prématuré de la lecture et de l'écriture, contrairement aux recommandations officielles qui insistent sur les activités d'éveil. Le syndicat général de l'éducation nationale (CFDT) souligne même que l'école maternelle, chargée de se prononcer désormais sur l'aptitude des enfants à passer plus ou moins vite en cours préparatoire, s'en trouvera dénaturée.

Le deuxième reproche qu'encourt la réforme Haby est qu'elle n'atténue pas les inégalités sociales. Bien au contraire. En encourageant les enfants les plus doués (c'est-à-dire, pour la plupart, les plus favorisés) à sauter des classes, le nouveau système tend à dégager dès le premier degré, donc plus tôt encore que précédemment, une sorte d'élite. Aussi le syndicat national des instituteurs (FEN) estime-t-il, non sans raison, que le projet se fonde sur « une conception sélective et élitiste de la société, dont il fige les inégalités et les structures ».

Collèges

La suppression des filières, l'un des volets majeurs de la réforme du second degré, déjà prévue par le projet Fontanet, doit recevoir sa pleine efficacité de l'aménagement de l'école élémentaire, puisque de celle-ci sortiront désormais des enfants en principe de même force, quoique d'âges différents. Mais la réforme proposée par René Haby ne s'arrête pas là.