La vie religieuse

Catholiques

Le synode, l'Année sainte et les inquiétudes du Vatican

Le 24 décembre au soir, quelques minutes avant la messe de minuit, le pape ouvre au moyen d'un petit marteau d'argent l'une des portes de la basilique Saint-Pierre : Paul VI veut ainsi marquer le début de l'Année sainte, dont il entend faire l'année de la réconciliation.

Mais, ce soir-là, les téléspectateurs qui assistent à la cérémonie par l'entremise de 45 réseaux de télévision remarquent tout d'abord la démarche fatiguée et le visage vieilli du souverain pontife. Du coup, se trouvent relancées les rumeurs concernant une maladie du pape, rumeurs toujours démenties officiellement mais toujours ravivées au Vatican même. Paul VI a tenté d'y mettre personnellement un terme, en déclarant aux évêques participant au synode que « la vieillesse en elle-même est une maladie ». Mais il ne paraît pas avoir convaincu. Et de nombreux observateurs, notamment dans les milieux diplomatiques proches du Saint-Siège, notent que, cet infatigable travailleur ayant quelque peu ralenti son activité, l'administration vaticane qui dépend de lui ne fonctionne plus avec la même régularité, se trouve en quelque sorte grippée.

Synode

Le ralentissement des activités du pape est, il est vrai, tout relatif. D'abord, bien sûr, il se soucie d'accueillir les nombreux groupes de pèlerins qui se pressent au Vatican : malgré la crise économique et les difficultés italiennes, et en partie grâce au fabuleux progrès des transports depuis 1950, date de la dernière Année sainte, il apparaît très vite que jamais Rome n'aura connu une telle affluence.

Mais, surtout, le pape suit de très près les travaux du synode des évêques, réuni du 26 septembre au 26 octobre 1974. Venus du monde entier, 211 prélats participent à cette réunion consacrée aux problèmes de l'évangélisation, et qui commence par la présentation de rapports détaillés sur la situation de l'Église dans les différents continents. De l'ensemble de ces rapports et des discussions qui suivent, se dégage un certain sentiment d'optimisme, comme si le monde catholique, après avoir été bouleversé par une grave crise, recouvrait une vitalité perdue.

Les observateurs notent aussi la part importante prise dans les débats par les représentants des jeunes Églises d'Afrique et d'Asie. Ceux-ci s'en prennent à l'occasion au centralisme romain. Ils revendiquent pour leurs communautés chrétiennes le droit d'adopter des rites et des formes d'organisation originaux, en rapport avec la culture de leur pays, et posent, par exemple, la question de l'ordination sacerdotale des hommes mariés.

Pour la première fois peut-être, une assemblée d'Église donne ainsi le sentiment d'être mondiale plus qu'occidentale. Mais bien des évêques sont déçus par les textes qu'ils adoptent à l'issue de leurs travaux et qui n'en reflètent pas, assurent-ils, la richesse. Et ils remettent en cause, une fois de plus, les méthodes de travail qui leur sont imposées par les organisateurs romains du synode.

Jésuites

Le pape Paul VI suit aussi de très près (bien qu'il n'y participe évidemment pas) les travaux de la 32e Congrégation générale des Jésuites. Car cette assemblée est d'une extrême importance. Non seulement parce qu'elle est exceptionnelle (32 réunions depuis la création de la Compagnie par Ignace de Loyola, et dont la plupart n'avaient pour but que d'élire le supérieur général, c'est peu).

Non seulement parce que la Compagnie de Jésus constitue l'ordre religieux numériquement le plus important (il y avait 29 436 jésuites dans le monde au début de l'année 1974, la plupart en Europe et dans les Amériques). Mais surtout parce que ce qui se passe à l'intérieur de la Compagnie de Jésus finit toujours par influencer tous les religieux, quels qu'ils soient.

Or, le Vatican estime que certains jésuites s'écartent un peu trop des normes fixées par leur fondateur, font trop bon marché de leur vœu spécial d'obéissance au pape, tandis que leur supérieur général, le R.P. Pedro Arrupe, ne les remet pas assez fermement dans le droit chemin. Le Vatican craint donc que cette réunion de 237 délégués venus du monde entier pour procéder à l'aggiornamento de la Compagnie n'entraîne de trop audacieux bouleversements.