Journal de l'année Édition 1974 1974Éd. 1974

La querelle des rapports entre l'Europe et les États-Unis a contribué à détériorer les relations à l'intérieur même de la Communauté. Les Allemands, par exemple, n'ont pas apprécié la diplomatie de Michel Jobert, ministre des Affaires étrangères du dernier gouvernement P. Messmer, qui les mettait périodiquement en demeure de choisir entre les États-Unis et la France ; or, les Allemands ne peuvent pas choisir : ils ont besoin des Américains pour leur défense ; et ils ont besoin des Français pour leur économie. Car le Marché commun est devenu pour eux un véritable marché intérieur où ils peuvent écouler les produits d'une industrie trop puissante pour l'Allemagne seule.

Le changement de dirigeants en France et en Allemagne ainsi que le fait que plusieurs pays européens (dont la France) doivent s'endetter à l'extérieur modifieront sans doute les données du problème. C'est ainsi, par exemple, que la Communauté pourrait emprunter des capitaux sur le marché international, en vue de les reprêter aux pays membres qui en auraient besoin.

Mais les crises de l'année 1973-74 ont montré que l'Europe ne pouvait pas faire face aux difficultés sans un supplément de volonté politique. Le ministre allemand Walter Scheel déclarait : « L'objectif ne saurait être atteint si chacun dit : l'Europe c'est moi. »

En élargissant sa majorité aux centristes de Jean Lecanuet, européens convaincus, V. Giscard d'Estaing a manifesté son intention d'avancer dans la voie de l'unification. Il a réaffirmé sa volonté d'atteindre une union politique pour 1980. Mais il en cherche les moyens. Il risque, en outre, de se heurter aux réticences anglaises, dont il ne peut plus se débarrasser puisque les Anglais sont membres de la Communauté. Georges Pompidou voulait jouer avec les Anglais pour circonscrire la puissance allemande. Son successeur va s'efforcer de jouer avec l'Allemagne pour surmonter les résistances anglaises.