Que le budget fût équilibré, ce n'était pas vraiment une caractéristique, puisqu'il était le cinquième à être présenté ainsi : depuis son retour rue de Rivoli en 1969, Valéry Giscard d'Estaing s'est toujours plié à cette règle de l'équilibre, qu'il voulait faire inscrire dans la Constitution. La chose est d'ailleurs unique dans l'ensemble des grands pays : les Américains et les Allemands ne font que s'approcher de l'équilibre, tandis que les Britanniques supportent un déficit qui atteint 6 % de leur PNB, et les Italiens, 11 % ! Alors qu'en 1973 l'exécution du budget s'est soldée, en France, par un excédent de 0,5 % du PNB.

Toutefois, la deuxième caractéristique attribuée par le ministre des Finances au budget de 1974 (la possibilité de relancer l'activité en cas de besoin) montrait que la rigueur de la politique budgétaire française ne tendait pas à être accentuée, au contraire. Un crédit de 1,6 milliard de francs était inscrit en réserve au Fonds d'action conjoncturelle (FAC). Mais surtout, en se bornant à maintenir l'équilibre, le gouvernement choisissait de consommer toutes les plus-values apportées par la hausse des prix, ce qui n'est guère stabilisant. La première alerte sur le franc, en septembre 1973, a montré que les spéculateurs ne se trompaient pas sur le sens (expansionniste) de ce budget.

Économies

Là-dessus, avec la guerre du Kippour, la crise pétrolière est survenue. Un premier relèvement de tarifs est intervenu le 1er novembre 1973. Puis l'indice du coût de la vie d'octobre, connu fin novembre, a monté de 1,1 %, hausse la plus forte depuis janvier 1969. Aussi le gouvernement a-t-il été contraint de prendre, début décembre, de nouvelles mesures anti-inflation. Pour ne pas faire porter tout l'effort de stabilisation sur la politique monétaire, il a renforcé l'austérité budgétaire : les dépenses publiques ont été freinées (en particulier les programmes d'investissement des entreprises nationales) ; du côté des recettes, le premier acompte de l'impôt sur le revenu a été porté de 33 % à 43 %, et celui des sociétés, majoré et avancé.

Mais, à Noël, un deuxième relèvement, encore plus massif, des prix du pétrole a entraîné une flambée sans précédent de l'indice des prix en janvier (+ 1,7 %) et février (+ 1,3 %). Fin mars 1974, le gouvernement a donc adopté un nouveau miniplan de stabilisation. La mort du président de la République n'a pas rendu possible le vote de ses dispositions législatives (nouvelle majoration des acomptes de l'impôt direct) et la dérive de l'économie s'est encore aggravée.

Aussi, dès le 12 juin, le nouveau ministre des Finances, Jean-Pierre Fourcade, a présenté un plan de redressement, comportant un alourdissement des impôts sur les revenus des sociétés et des particuliers et sur les profits immobiliers, un relèvement des taux d'intérêt sur l'épargne, et des économies d'énergie. Un milliard de francs d'économies a aussi été imposé sur le fonctionnement des services administratifs, mais non sur les équipements collectifs ; les crédits du FAC ont cependant été gelés. En sens inverse, les décisions sociales concrétisant les promesses électorales ont augmenté les dépenses. À la veille des vacances, un collectif budgétaire a rassemblé ces diverses mesures, les augmentations de coût étant compensées par les majorations de recettes, de sorte que le solde du budget est resté équilibré. Les plus-values fiscales nées de l'inflation ont même été partiellement stérilisées, le Trésor remboursant au 1er juillet le quart de sa dette vis-à-vis de la Banque de France (3,5 milliards de francs).

Déjà, la prise en compte de 400 millions d'économies sur les dépenses de fonctionnement de l'État incluses dans le plan de décembre a entraîné dans la loi de finances votée par le Parlement un excédent plus que symbolique de 328 millions de francs. Il n'en reste pas moins que c'est cette catégorie de dépenses qui progresse le plus vite de 1973 à 1974 : + 12,6 % (elles comprennent la masse des traitements des fonctionnaires). Les créations d'emploi sont cependant inférieures à celles de 1973 (les deux tiers concernent l'enseignement). Mais un effort spécial est fait pour la justice (suite aux incidents dans les prisons) et les services judiciaires en particulier.