Budget

Vers une plus grande justice fiscale

Le budget de l'État subit les contrecoups d'une conjoncture mouvementée en 1973-74. Comment n'aurait-il pas été affecté tant par la recrudescence de l'inflation que par les menaces de récession liées à la crise pétrolière, sans parler du changement intervenu à la tête de l'État ?

Mais, précisément à cause de l'ampleur des incertitudes conjoncturelles, sa conception et son exécution n'ont nullement été bouleversées. Et la hausse des prix, ce Janus, en même temps qu'elle provoquait des mesures de désinflation, a continué de faire rentrer dans les caisses de l'État d'abondantes plus-values... qui permettaient de financer de nouvelles dépenses et même un début de réforme fiscale. Le collectif budgétaire voté après l'élection de Valéry Giscard d'Estaing a cependant pu en stériliser une partie, en alourdissant par ailleurs les impôts.

La loi de finances initiale pour 1973 avait été votée en équilibre (avec un excédent symbolique de 3 millions de francs). Mais, au début de l'année, on doutait qu'elle puisse être exécutée en équilibre, à cause de l'allégement de TVA intervenu en janvier : celui-ci devait coûter 7,5 milliards de francs de recettes au Trésor ! Des dépenses supplémentaires ont dû être engagées, en particulier pour financer le programme social du second gouvernement Messmer (programme exposé avant les élections de 1973, à Provins) : le tout pour un montant supérieur à 5 milliards, régularisé dans le collectif de fin d'année. Au mois d'août, le ministre des Finances a d'ailleurs adressé à ses collègues une sévère mise en garde concernant l'emploi des fonds publics...

Poincaré

Pourtant, en dépit du trou creusé par l'opération baisse TVA et des dépenses nouvelles, non seulement l'exécution du budget n'a pas fait apparaître de déficit, mais elle s'est soldée par un substantiel excédent : plus de 5 milliards de francs, soit un retournement de l'ordre de 18 milliards par rapport aux prévisions ! Ce surplus, beaucoup plus important que le chiffre de trois millions publié dans la loi de finances rectificative, apparaîtra dans la loi de règlement du budget de 1973 (une perte de change de 3,2 milliards liée à la seconde dévaluation du dollar devant cependant être compensée).

Ainsi, après l'excédent de 1970 et celui de 1972, le budget de la France a de nouveau été exécuté en excédent en 1973. Valéry Giscard d'Estaing a surpassé Poincaré (auteur de la stabilisation 1926-1928).

Inflation

Reste à savoir comment cela a été possible. D'abord, incontestablement, grâce à la très forte expansion réalisée en 1973 : plus de 6,5 % (en volume), la meilleure année depuis neuf ans (si l'on excepte le rattrapage de 1969). Mais la hausse des prix a, elle aussi, été rapide, beaucoup plus que prévu. Malgré l'allégement de TVA (qui a fait gagner 1,2 % à l'indice), l'augmentation du coût de la vie a atteint 8,5 % du début à la fin de l'année 1973 : un record depuis 1958 ! Comment s'étonner, dans ces conditions, que le supplément de recettes fourni par la TVA, par exemple, ait représenté 7 milliards de francs ?

Or, en 1974, une fois calmée les angoisses nées de la crise pétrolière, les mêmes phénomènes se sont reproduits. Certes, l'expansion a été moins forte : après l'exceptionnelle performance de 1973, un ralentissement était inévitable, en France comme dans les autres pays, et la pénurie puis le renchérissement pétrolier l'ont accentué. Mais la vacance du pouvoir pendant deux mois après la mort du président Pompidou a agi en sens inverse en accélérant la dérive.

Mais 1974 n'a donc pas été une année de croissance zéro pour la France : une expansion de l'ordre de 5 % est attendue. Et, par ailleurs, l'inflation a été encore plus vive. Compte tenu du relèvement des tarifs pétroliers, la hausse du coût de la vie dépassera 15 % en 1974. Au total, la production en valeur devrait augmenter de 20 % environ, se partageant en un quart pour les volumes et trois quarts pour les prix. La baisse des recettes fiscales due au ralentissement économique aura donc été plus que compensée par le supplément de plus-values sécrétées par l'inflation.

Équilibre

Déjà, la loi votée par le Parlement est assez différente du projet présenté par le ministre des Finances. Celui-ci voyait en septembre trois « caractéristiques essentielles » : « d'abord il est en strict équilibre, ensuite il prévoit un soutien calculé à l'activité économique pour faire face aux incertitudes qui pèsent sur l'année 1974, enfin il est accompagné d'une importante initiative en matière de justice fiscale ».