Par contre, dans le textile, la pharmacie et les cosmétiques, la demande de produits chimiques reste soutenue. Au total, 1974 pourrait être une année de croissance modérée, mais de bénéfices élevés.

Investissements

Et au-delà ? Se pose alors tout le problème des investissements. Certains sont urgents, comme un nouveau vapocraquage qui a été (enfin) décidé à Feyzin en avril. C'est en effet le seul moyen de nous procurer le benzène qui nous manque. Un surcroît de production de naphta serait également souhaitable : il suppose simplement une réorientation de la production des dérivés du pétrole, notamment au détriment de l'essence. Technique qui risque d'être facilitée par une certaine stagnation de la consommation des automobilistes, laquelle a baissé de 7 % au cours du premier trimestre 1974 par rapport à 1973.

Mais les pétroliers se feront tirer l'oreille, car leurs marges sur le naphta (dont le prix a été fixé autoritairement, pour la première fois début 1974, par le gouvernement) sont plus faibles que sur les autres produits.

Par ailleurs, les investissements lourds font désormais peur aux industriels de la chimie : ne risque-t-on pas, une fois de plus, de créer une surproduction mondiale, surtout si les Arabes se mettent de la partie ? Et comment rentabiliser les installations avec de l'argent emprunté à 12 ou 13 % l'an ?

Il se pourrait également que l'on assistât à une certaine modification des structures, notamment vers une plus grande intégration verticale entre pétroliers et chimistes. CDF-Chimie sera peut-être tenté par l'aventure. À côté des interrogations d'une industrie de 60 milliards de francs de chiffre d'affaires annuel, la prise de contrôle des laboratoires Roussel-Uclaf par l'Allemand Hoechst, suivie de la prise de contrôle par la famille Roussel de la centrale Roussel-Nobel (peintures, explosifs, panneaux particules) apparaissent comme des épiphénomènes, conséquence de l'héritage de Jean-Claude Roussel. Même si Hoechst double de ce fait son potentiel pharmaceutique et se hisse au rang des premiers mondiaux de la branche.

Textiles

Une industrie qui retrouve son rythme

Vues de l'extérieur, les difficultés se sont accumulées en 1973 dans l'industrie textile. Les taux d'intérêt ont augmenté de 40 %, ce qui est considérable pour un secteur traditionnellement endetté. Les cours de certaines matières premières, comme le coton, se sont envolés (doublement en un an, mais légère baisse en 1974). Les prix des fibres synthétiques, stables depuis plusieurs années, ont brutalement décollé vers le mois de septembre 1973, peu après ceux du coton, et se sont maintenus à 80 % au-dessus de leur niveau de début d'année. Certains filateurs et tisseurs ont même eu du mal à s'approvisionner, du fait de la politique de rétention des stocks pratiquée par les fabricants de fibres pendant l'embargo pétrolier. Les salaires enfin, en raison de leur niveau relativement bas, ont augmenté plus rapidement (16,1 %) que dans l'ensemble de l'industrie (15,3 %).

Obstacles

Parallèlement à cette hausse brutale des coûts, le textile s'est heurté, au niveau de ses débouchés, à deux obstacles : le gouvernement et le marché. La marge de hausse des prix accordée par le gouvernement reposait (jusqu'au début de 1974) sur les cours moyens des matières premières des trois années précédentes. Une mécanique bien évidemment inadaptée à une envolée brutale des cours. Par ailleurs, tout au long de l'année la demande a été très faible. Les ventes d'articles textiles ont augmenté de 0,5 % seulement pendant l'année 1973, malgré un excellent mois de décembre, caractérisé par des achats de précaution. Avec des coûts en ascension rapide, un contrôle sévère des prix et des débouchés limités, comment n'y a-t-il pas eu de crise dans l'industrie textile en 1973 ?

D'abord, ce qu'elle n'a pas su vendre en France, l'industrie textile française l'a exporté. En un an, les exportations sont passées de 9,3 à 11,5 milliards, soit une augmentation de 23,2 %. Des progrès exceptionnels ont été réalisés sur certains marchés proches : en Italie (+ 53 %), au Royaume-Uni (+ 44,7 %), mais également dans des pays jusqu'ici peu perméables aux produits français, comme le Japon (+ 80,7 %), l'Espagne (+ 53,8 %) et l'Europe de l'Est (+ 53,2 %). Le marché allemand a été plutôt maussade, et l'accroissement de nos ventes en valeur (+ 11,5 %) masque une relative baisse en volume, du fait de la réévaluation du deutsche Mark.