Dans les régions développées, de nouvelles tensions surgissent, conséquence d'une expansion trop rapide : suréquipement de villes rivales, concentration et saturation urbaines, conditions de travail difficiles et participation insuffisante. Les institutions régionales (leurs pouvoirs ont grandi, mais demeurent limités) s'inquiètent à l'idée que l'État puisse vouloir freiner leur croissance. Elles réclament un pouvoir effectif de décision et l'obtiennent. De 1975 à 1980, Rhône-Alpes, puis l'Alsace, le Nord, la Lorraine, la Provence et le Languedoc accèdent à la maturité. Lyon commence à rivaliser avec Paris.

Parallèlement, les régions faibles continuent à dépérir. L'Ouest obtient pourtant, pour des raisons internes, le pouvoir de décision. Ailleurs, à part quelques points forts (Caen, Bordeaux, Nantes, Saint-Nazaire), c'est le vieillissement, l'abandon de la terre, l'aigreur et les revendications d'arrière-garde (contre le manque d'emplois non qualifiés, contre les structures de production archaïques).

Urbanisation

En 1985, moins de 30 % de la population vit en dehors des zones de polarisation, c'est-à-dire des régions dynamiques, situées au contact des pays voisins. Ces zones poursuivent une croissance régulière. Finalement, le centre de gravité du pays se déplace de Paris vers la région Rhône-Alpes.

En 1985, on compte 57 millions de Français et une population active de 21,9 millions, dont 70 % travaillent dans les zones de polarisation, urbanisées à 90 % (taux d'urbanisation en 1974 : 60 %). Trois ports assurent l'essentiel du trafic maritime : Marseille, Le Havre et Dunkerque.

Les préoccupations des forces économiques et sociales se tournent nettement vers l'Europe. Géographiquement, le pays s'intègre de plus en plus à ses voisins : c'est la France aux frontières. Frontières de l'Est et du Nord, mais aussi frontières du Sud avec les communications Nice–Italie et Perpignan–Espagne. Paris tend à se développer vers le nord-est plutôt qu'en direction de la vallée de la basse Seine. Le Centre, l'Ouest et le Sud-Ouest constituent des zones de dépression, où se pratiquent le tourisme et les activités de loisir.

Le problème des villes n'est pas résolu partout. Certaines stagnent (Brest, Angers, Poitiers, Limoges) ; d'autres, comme Toulouse, ont grandi sur leur environnement. Dans les zones de polarisation, les centres-villes historiques ont été doublés de centres fonctionnels, plus adaptés, mais leur périphérie est soumise à un urbanisme sauvage, favorisé par le relogeaient à bon compte des migrants. La population s'évade dès qu'elle le peut à la recherche de culture et de loisirs, qui prennent une part de plus en plus importante dans son budget (12 à 13 % contre 8 % en 1974).

La structure sociale a beaucoup changé. D'industrielle, elle est devenue urbaine, car l'urbanisation a atteint même les zones autrefois rurales. C'est au niveau urbain, et non plus au niveau industriel, que se manifestent les principales tensions : ségrégation sociale, cloisonnement en microsociétés où se réfugient les tenants des valeurs industrielles (propriété individuelle, famille, nation).

Planification

Mais la France industriellement forte (celle des zones de polarisation) est humainement fragile ; elle est bien souvent invivable. Les sociétés multinationales, principaux moteurs du développement des grandes villes et des régions riches, le comprennent ; vers 1985, elles commencent à se mettre au vert en s'implantant en dehors des zones de polarisation. Elles y trouvent en effet, outre une certaine qualité de vie, de la main-d'œuvre et des terrains à bon marché. De plus, certains citadins évolués, d'un niveau intellectuel élevé – les innovateurs –, ont décidé de quitter les grandes villes, trop monstrueuses.

Tout ceci inquiète profondément les responsables des régions fortes, qui voient partir l'essentiel de leurs richesses et qui, pour maintenir une partie au moins de leur pouvoir, demandent à l'État un renforcement de l'unité nationale.