En réalité, cette tripartition favorise une ségrégation sociale entre les élèves des sections II et III (sortis en général de familles modestes), qui se trouvent souvent orientés vers l'enseignement technique (après la troisième) ou vers la préparation aux CAP et à l'apprentissage (après la cinquième), et les élèves des sections I (issus de milieux plus aisés), conduits pour la plupart vers l'enseignement général.

La loi voulait créer un corps unique d'enseignants du premier cycle. Ces professeurs auraient été formés en deux ans, dans des centres « créés par convention avec les universités ». Ce projet avait déjà été annoncé par Olivier Guichard (Journal de l'année 1971-72). Pour les disciplines de base (français, mathématiques, langue vivante), des groupes de niveaux devaient réunir, pour chaque matière, les élèves de même force, une action de soutien étant prévue pour les plus faibles, afin d'éviter les redoublements.

Ce système devait, selon ses promoteurs, mettre fin à la discrimination entre les classes nobles et les classes dépotoirs, sans pour autant que le niveau général de l'enseignement en soit abaissé. Plus équitable, l'organisation du premier cycle aurait été en même temps d'un meilleur rendement, en permettant à un plus grand nombre d'enfants d'acquérir une formation convenable.

– Second cycle. Depuis la réforme Fouchet, en 1966 (Journal de l'année 1966-67), les lycéens choisissent leur série dès la classe de seconde et abordent ainsi soit la voie royale des études scientifiques, soit l'impasse des études littéraires. Mais dans la loi Fontanet, la seconde devait être commune à tous les élèves de l'enseignement général et les trois sections (lettres, sciences, économie) offertes en première et en terminale étaient rééquilibrées par le jeu des matières à option, par une introduction à l'économie et à la technologie, par un meilleur partage de l'enseignement des mathématiques.

Dans ces lycées auraient enseigné des maîtres formés (comme ceux du premier cycle) dans les nouveaux centres ; le CAPES, acquis en trois ans, est nécessaire, l'agrégation devenant un concours de promotion interne.

La modification la plus spectaculaire était la réforme du baccalauréat, qui ne donnait plus accès automatiquement à l'enseignement supérieur. Seuls étaient admis les bacheliers bénéficiant à l'examen de notes suffisantes dans les matières qu'ils se proposent d'étudier à l'Université. Les candidats éliminés auraient pu suivre une formation professionnelle d'un an, organisée avec les milieux professionnels.

Le ministre entendait ainsi, dans les deux cycles de l'enseignement secondaire, donner une chance à ceux qui, aujourd'hui, pour s'être fourvoyés dans des filières aux débouchés incertains, préfèrent souvent renoncer avant même la fin de leurs études. Aux termes de cette loi, l'école devait tenir meilleur compte des aptitudes de chacun. Elle assurait une orientation plus rationnelle des élèves, afin de mettre fin tout à la fois au gaspillage de nombreux talents et aux injustices sociales. Une réforme des procédures d'orientation aurait été parallèlement menée à bien par le ministère de l'Éducation nationale.

Sur ce problème fondamental de l'orientation, les organisations d'enseignants ont manifesté, pour la plupart, leur réserve ou leur opposition à l'égard du projet gouvernemental.

Sans doute, certaines de ces dispositions (unification du premier cycle, classe de seconde commune, premier pas vers un corps unique des professeurs, formation pédagogique des maîtres) vont-elles dans le sens des revendications des principaux syndicats. Cependant, le Syndicat national de l'enseignement supérieur (SNES) estime que « l'élimination en cascade sera renforcée, de la sortie de l'école primaire à l'entrée dans l'enseignement supérieur ».

Le 7 mars à Paris, 20 000 lycéens défilent dans les rues aux cris de « À bas la sélection sociale ! » et « Sélection, répression, c'est la loi des patrons ! ». Le 14 mars, ils sont 30 000 à Paris. Des manifestations en province, aussi importantes, se produisent dans les jours qui suivent. Le mouvement se développe et s'amplifie sur le même thème dans les semaines précédant les vacances de Pâques. Plusieurs lycées sont fermés.