Porté au faîte de la gloire, le chancelier Willy Brandt a brusquement disparu de la scène, à la suite de la découverte dans son entourage d'un espion à la solde de la République démocratique allemande. Son successeur, l'ancien ministre des Finances Helmut Schmidt, désigné dans des circonstances dramatiques, a hérité d'une situation politique intérieure qui n'avait fait que se dégrader depuis des mois.

De même, la politique à l'étranger a connu bien des vicissitudes. L'œuvre de réconciliation avec l'Est, entreprise par W. Brandt, a certes été parachevée par la signature d'un traité avec la Tchécoslovaquie, ratifié par le Bundestag le 20 juin, et l'établissement de relations diplomatiques avec la Hongrie et la Bulgarie. Mais les difficultés n'ont fait que s'accumuler avec la RDA.

Sur le plan économique, en revanche, le bilan est plus réconfortant. Les sévères mesures anti-inflationnistes décidées au cours du premier semestre de 1973 ont permis de mieux contenir les prix que chez la plupart des voisins. Grâce aux énormes excédents de sa balance commerciale et à la confiance envers sa monnaie, la RFA apparaît plus que jamais, en 1974, comme la puissance économique la plus solide du continent.

Les affaires Guillaume et Nollau

Le 24 avril 1974 au matin, les membres du groupe de sécurité de Bonn arrêtent, dans un petit appartement d'un quartier tranquille de Bad-Godesberg, un homme rondouillard d'une cinquantaine d'années. L'homme répond au nom de Günther Guillaume. Il est chef de cabinet du chancelier Willy Brandt. Les services de sécurité, qui observent ses activités depuis au moins huit mois, en sont arrivés à la conclusion que Guillaume est un espion à la solde de la République démocratique allemande. L'annonce de l'arrestation de Guillaume provoque en Allemagne fédérale une émotion considérable. Les premiers éléments de l'enquête font apparaître des négligences troublantes de la part des services de sécurité de la RFA et de certains ministres. Entré en Allemagne fédérale en 1956 comme réfugié, Guillaume a adhéré l'année suivante au SPD. Il en est vite devenu un permanent. Promu secrétaire de la section de Francfort, il appartient à l'aile droite du parti. En 1970, il est appelé à la section de la chancellerie et, en 1972, il devient le numéro un du cabinet de W. Brandt. Il est responsable de la liaison avec le parti et de l'organisation des voyages en province du chancelier. En dépit de certains soupçons (Egon Bahr déconseille son emploi à la chancellerie), il a passé avec succès tous les tests de sécurité.

Le gouvernement assure que Guillaume n'a pas eu accès à des documents confidentiels. Mais, au cours d'un séjour en Norvège, l'espion s'est trouvé seul avec le chancelier et il a eu connaissance de tous les messages transmis de Bonn au chef du gouvernement. Devant l'ampleur de l'affaire, W. Brandt remet sa démission dans la nuit du 6 au 7 mai. Dans sa décision, la crainte d'une campagne de dénigrement le visant personnellement semble avoir pesé.

À peine l'affaire Guillaume est-elle un peu retombée qu'une nouvelle bombe éclate à Bonn : le journal Capital affirme détenir un document de la CIA prouvant que Günther Nollau, chef du contre-espionnage ouest-allemand, est lui aussi un espion de la RDA. Toutefois, cette affaire fait long feu : le gouvernement dément énergiquement ; Günther Nollau se défend avec fermeté. Finalement, le prétendu document de la CIA se révèle être un faux, et Capital renonce à sa publication. Ce nouvel épisode de la guerre des services de renseignements accroît à tel point le sentiment d'espionnite que le nouveau chancelier H. Schmidt lance à ses concitoyens un appel à la raison.

Piétinement

Dans la réalisation de la politique des réformes qu'il avait annoncée dès 1969, le chancelier W. Brandt a rencontré deux séries d'obstacles : sur sa droite, le parti libéral, allié aux sociaux-démocrates dans la coalition gouvernementale, mais désireux d'être l'élément raisonnable de l'équipe dirigeante ; sur sa gauche, les Jeunes socialistes (Jusos), partisans d'un changement de société et extrêmement réservés, pour ne pas dire hostiles aux « réformettes » du SPD.