Les dernières représentations, consacrées à deux pièces contemporaines, Protocolo de Luis de Pablo et Syllabaire pour Phèdre de Maurice Ohana, très contestées mais excellemment réalisées, remplissent la salle jusqu'au deuxième balcon. Le public a rajeuni. Annonce d'un temps meilleur ?

Danse

Des spectacles qui permettent d'espérer

L'éclat de la dernière saison chorégraphique permet d'espérer que la danse ne fera plus désormais figure de parent pauvre. Le meilleur accueil est réservé aux troupes étrangères qui se produisent sur les scènes parisiennes. Les connaissances des amateurs s'enrichissent : ils découvrent des ballets inédits pour eux et l'œuvre de nouveaux chorégraphes.

La qualité du spectacle est parfois contestée lorsqu'il s'agit de soirées expérimentales, mais l'unanimité se fait autour des ballets du répertoire et de leurs interprètes. Cependant, plusieurs points noirs demeurent à ce bilan positif : aucune création à l'Opéra, la salle Favart ferme ses portes, le 9e Festival international de danse est le dernier du genre, les troupes privées n'existent plus en France. Les perspectives d'avertir compromises, nos meilleurs artistes signent des contrats à l'étranger. Cette situation est d'autant plus paradoxale que les spectateurs affluent aux représentations du Bolchoï et du Ballet du XXe siècle, que les soirées au Théâtre de la Ville se donnent à bureau fermé et qu'un intérêt sans cesse croissant est accordé au ballet et aux artistes un nombre toujours plus grand de téléspectateurs.

Le théâtre Bolchoï

Cette année, la danse traditionnelle est à l'honneur grâce à la présence à Paris, à l'Opéra puis au Palais des Sports, du théâtre Bolchoï de Moscou venu au grand complet avec sa pléiade d'étoiles, son corps de ballet et ses musiciens.

Pendant deux mois, le Bolchoï inscrit à l'affiche les pièces maîtresses de son répertoire : Le lac des cygnes, Casse-Noisette, Spartacus. Ces ballets sont présentés dans les versions de Iouri Grigorovitch, l'actuel directeur de la danse. Il est aussi possible de découvrir la version d'Alexandre Gorski pour Don Quichotte et celle de Leonid Lavrovski pour Giselle. Le public retrouve son idole Maïa Plissetskaïa, l'exceptionnelle interprète du Lac des cygnes. Vladimir Vasiliev réalise ses meilleures performances. Il est inégalable dans le rôle de Spartacus et brille dans la variation de Don Quichotte avec sa partenaire Ekaterina Maximova. Tous deux déchaînent les passions les plus vives et s'imposent désormais au public comme de prestigieux danseurs. Maris Liepa se révèle le danseur noble de grande classe, également apprécié pour son talent d'acteur, et la jeune Natalia Bessmertnova apparaît comme une ballerine lyrique au jeu sobre et mesuré.

Une entreprise audacieuse

Les chorégraphes français, considérés pendant plus de vingt ans comme les plus représentatifs de l'après-guerre, ne peuvent plus désormais avec leurs récentes créations retenir l'attention de la nouvelle génération.

Le ballet Allumez les étoiles, inspiré à Roland Petit par la vie du poète Maïakovski, reçoit un accueil réservé à Marseille, et les deux créations de Janine Charrat à l'Opéra-Comique : le pas de deux Dyade et le ballet Les collectionneurs, sur une partition d'Ivo Malec, ne soulèvent guère l'enthousiasme.

C'est toujours vers Béjart que le public semble attiré. Le Ballet du XXe siècle qu'il anime occupe la scène du Palais des Sports pendant plusieurs semaines, avec Nijinsky, clown de Dieu sur une musique de Pierre Henry et des séquences de Tchaïkovski. Joëlle Roustan et Roger Bernard signent les costumes. Béjart confie le rôle de Nijinsky à Jörge Donn, qui est entouré de quatre anges gardiens destinés à figurer les visages des plus grands rôles de l'illustre danseur des Ballets russes de Serge de Diaghilev. Tout au long du spectacle, la voix de Laurent Terzieff récite des textes extraits de l'œuvre écrite de Nijinsky : son Journal. Avec Nijinsky, clown de Dieu, Béjart s'attaque à une entreprise audacieuse qu'il mène avec une extrême maîtrise. L'homme de spectacle est admirablement secondé par des danseurs plus que jamais réellement conscients de la mission qui leur est confiée pour livrer un message aussi émouvant que le visage de l'artiste exceptionnellement doué que fut Nijinsky.