Législation

La lutte contre la drogue : frapper les grands trafiquants

L'Assemblée nationale vote, le 19 décembre 1970, un projet de loi visant à renforcer les moyens de lutte contre le trafic de la drogue et la toxicomanie, publié au Journal officiel du 3 janvier 1971.

Ce projet a d'abord été bien reçu, dans son économie générale. Mais il a recueilli l'hostilité de certains parlementaires après l'introduction d'un amendement portant à quatre jours — contre deux actuellement en matière de droit commun — la durée de la garde à vue, et autorisant les perquisitions nocturnes dans les affaires de drogue, alors que le domicile était, en principe, inviolable de 21 heures à 6 heures du matin.

Alertés par le Syndicat de la magistrature, plusieurs députés et sénateurs ont exprimé leurs craintes que ces deux dispositions puissent être détournées de leur objet — la lutte contre la toxicomanie — et constituer, à terme, une menace pour les libertés individuelles.

La nouvelle loi établit une distinction beaucoup plus nette que par le passé entre les trafiquants et les utilisateurs de stupéfiants.

Les toxicomanes seront, désormais, considérés davantage comme des malades que comme des délinquants : le nouveau texte insiste davantage sur leur désintoxication que sur leur punition. Ceux qui auront fait usage de stupéfiants pourront, certes, être punis d'un emprisonnement de deux mois à un an et (ou) d'une amende de 500 à 5 000 francs. Mais le texte ajoute aussitôt que « l'action publique ne sera pas exercée à l'égard des personnes qui se seront conformées au traitement médical qui leur aura été prescrit » par le procureur de la République.

La nouvelle loi dispose, en effet, que le Parquet peut enjoindre à toute personne ayant fait un usage illicite de drogue de suivre une cure de désintoxication ou de se placer sous surveillance médicale. En ce cas, il est prévu que l'« autorité sanitaire » (c'est-à-dire, essentiellement, la direction départementale de l'hygiène et de la santé publique) exercera une sorte de tutelle médicale sur le toxicomane durant tout le temps de sa cure, vérifiant, en particulier, qu'elle a été poursuivie jusqu'à son terme.

L'intervention de la justice ne sera, d'ailleurs, pas systématique en ce qui concerne les drogués. Il peut arriver que des cas de toxicomanies soient signalés par des médecins et des assistantes sociales à l'autorité sanitaire. Ce sera alors cette dernière, et non la justice, qui enjoindra aux toxicomanes de suivre une cure.

Si, d'autre part, un drogué se présente spontanément dans un service de désintoxication, il pourra se faire soigner sans contrôle d'autorités d'aucune sorte — judiciaires ou sanitaires — et sous couvert de l'anonymat.

S'agissant non plus, cette fois, de l'usage mais du trafic des stupéfiants, le législateur a voulu que les juges aient la main beaucoup plus lourde que par le passé. Il a en particulier voulu frapper fortement ceux qui occupent des postes clés dans ce commerce international : les producteurs, les fabricants, les importateurs et les exportateurs. Tous ceux-ci sont passibles désormais de dix à vingt ans de prison, et (ou) d'une amende de 5 000 F à 50 000 000 de francs.

Les autres activités liées au trafic de la drogue et à la propagation de la toxicomanie — détention, offre, acquisition — ou tendant à faciliter la consommation des stupéfiants — prêt ou location d'un local ad hoc, délivrance d'ordonnances fictives — sont passibles de peines de prison moins élevées que celles des grands trafiquants : de deux ans minimum à dix ans maximum, le minimum étant porté à cinq ans si ces activités ont eu pour conséquences de procurer de la drogue à des mineurs.

Les tribunaux peuvent, en outre, prononcer l'interdiction des droits civiques pour une durée de cinq à dix ans, l'interdiction de séjour (de deux à cinq ans), décider le retrait du passeport, ainsi que la suppression du permis de conduire pour une durée maximale de trois ans.