Le cadre du régime avait été établi par la loi du 12 juillet 1966. Il s'agissait de faire bénéficier du principe de la solidarité des personnes — artisans, commerçants, membres des professions libérales — ne relevant pas du régime général et ne disposant pas de ressources suffisantes pour contracter une assurance volontaire. Il fallait aussi s'adapter de façon très souple à la diversité des situations et à la multiplicité des institutions existantes, du fait de l'absence de régime obligatoire pour ces catégories.

La loi du 12 juillet 1966 prévoyait :

– un régime totalement autonome vis-à-vis des autres régimes ;

– la gestion par des caisses mutuelles régionales, distinctes selon les catégories d'assurés : soit 2 caisses — Paris et province — pour les professions indépendantes (7 % des assurés), 26 pour les artisans (38 % des assurés) et 26 pour les commerçants (55 % des assurés) ;

– la coordination du régime au niveau d'une Caisse nationale unique, administrée par des représentants élus des caisses mutuelles ;

– des cotisations forfaitaires, variables selon le revenu de l'assuré, et des prestations uniformes, étendues au conjoint et aux enfants à charge (couvrant le gros risque maladie, les frais de maternité et, pour les personnes âgées et les jeunes enfants, tous les cas de maladie, moyennant un ticket modérateur) ;

– le recouvrement des cotisations et le service des prestations par des organismes tels que mutuelles et sociétés d'assurances.

Les premières cotisations

Le gouvernement s'était engagé à élaborer les décrets d'application en accord avec les intéressés. Dans une première étape, les conseils provisoires des caisses sont établis fin 1967, Gustave Deleau, délégué général adjoint des PME, est élu président de la Caisse nationale. Des conventions sont passées avec les quelque 500 mutuelles et sociétés d'assurances.

Fin 1968, enfin, sont réglementées les modalités de calcul des cotisations et des prestations. Les représentants des assujettis (par l'intermédiaire du conseil d'administration provisoire de la Caisse nationale) donnent un avis favorable aux propositions du gouvernement.

Pourtant, ces modalités vont alimenter pour une large part la flambée de mécontentement des commerçants et artisans durant les premiers mois de l'année 1969.

C'est au moment où l'application de la TVA irrite les commerçants, où les projets de réforme de l'impôt sur le revenu paraissent insuffisamment avantageux aux non-salariés, que sont perçues les premières cotisations pour le nouveau régime obligatoire.

Deux grèves

Les revendications des intéressés portent notamment sur le montant des cotisations : elles vont de 250 F à 1 300 F par an (parfois plus coûteuses qu'une assurance volontaire pour une moindre couverture des risques) et sur certaines modalités d'affiliation.

À la suite des mouvements de grève des 5 mars et 16 avril 1969, le gouvernement propose quelques modifications, dont l'essentiel est inclus dans une loi rectificative. M. Schumann, après avoir mis en cause l'autorité et la représentativité du Conseil d'administration provisoire, ce qui provoque la démission de son président G. Deleau, fait les propositions suivantes :

– les cotisations seraient, comme c'est le cas pour les autres régimes, déductibles des déclarations fiscales ;

– les cotisations des économiquement faibles titulaires du Fonds national de solidarité seraient prises en charge par le budget de l'État ; coût : 40 millions ;

– la liste des maladies graves donnant droit à remboursement serait notablement allongée.

En fin de compte, malgré diverses complications, le régime a effectivement commencé à distribuer des prestations à compter du 1er avril 1969. Le montant de ses ressources, en année pleine, doit être d'environ 1,5 milliard de francs. Les conseils d'administration définitifs, enfin, devraient être élus à l'automne 1969.

Démographie

Premiers résultats du recensement 1968

Les premiers résultats du recensement 1968 (Journal de l'année 1967-68) ont été publiés entre janvier et juin 1969. L'opération no 1 a consisté en une gigantesque addition de la population des communes, d'où on a tiré la population de la France et celle des grandes villes. L'INSEE, dans le même temps, a réalisé un sondage au 1/20 sur les questionnaires, dans des délais extrêmement rapides (12 mois pour 3,5 millions de fiches ordinateur).