Quant à l'impasse budgétaire, il faut distinguer son montant en valeur absolue et son poids par rapport à l'ensemble de l'économie. Même en 1968, où elle a été de 14 milliards de francs, l'impasse budgétaire n'a pas retrouvé les sommets qu'elle avait atteints à la fin de la IVe République, ni même au début de la Ve.

Impasse record

En effet, avec une impasse de 14 milliards, le solde du budget de 1968 représente un poids de 2,4 % sur le produit national. Or, en 1959, alors qu'Antoine Pinay, réputé économe, était ministre des Finances, l'impasse budgétaire n'était effectivement que de 7 milliards de francs, mais cela représentait alors 2,7 % du produit national. Et en 1956, année record, l'impasse budgétaire (près de 10 milliards de l'époque) représentait 5,2 % du produit national ! Ce n'est donc pas le niveau de cette impasse qui est inquiétant, mais la manière dont elle est répartie.

En outre, le rôle du budget dépend beaucoup du climat économique général dans lequel il intervient. Lorsque les affaires vont bien, il n'est pas souhaitable que le budget injecte trop de crédits supplémentaires dans l'économie ; dans une telle conjoncture, le budget doit être rigoureux. Au contraire, lorsque les affaires vont mal, il est bon que le budget soit en déficit, pour compenser l'insuffisance des dépenses des particuliers et des entreprises.

Toute la difficulté consiste, pour l'État, à garder suffisamment de liberté de manœuvre pour freiner ou accélérer ses dépenses, selon que l'économie nationale a besoin elle-même d'être tempérée ou stimulée. Le danger n'est pas le poids des dépenses publiques, mais leur rigidité.

C'est pour retrouver une souplesse perdue que le gouvernement a décidé de mettre en œuvre une technique inspirée de l'expérience américaine : la rationalisation des choix budgétaires (RCB — aux États-Unis, on l'appelle PPBS). Ce système a pour objet de remettre régulièrement en cause les objectifs de la politique budgétaire et les moyens de les atteindre. Le ministre des Finances s'est engagé, en 1968-69, sur la voie de ces recherches, dont il ne faut d'ailleurs pas attendre des résultats très rapides, tant elles risquent de bouleverser les habitudes.

Bourse

Réveil du marché financier

Avec l'avènement d'une nouvelle présidence et le retour de Valéry Giscard d'Estaing au ministère de l'Économie et des Finances, juin 1969 marque une nouvelle étape dans la vie politique française, à laquelle la Bourse ne saurait rester indifférente, tandis que persistent les soucis monétaires en raison d'une tension sans précédent des taux de l'argent.

L'incertitude

Le premier semestre 1968 avait bénéficié d'une remarquable activité sur le plan économique. Le début de l'été 1968 apparaît, au contraire, lourd d'incertitudes au lendemain des événements de mai : la Bourse vient de connaître une chute brutale des valeurs françaises, en deux étapes séparées par une fermeture exceptionnelle de plus de deux semaines.

Si l'on s'en tient à l'indice général de la Compagnie des agents de change, ce recul excède largement 15 %, le marché retrouvant ainsi ses niveaux du début de l'année après avoir perdu en un mois d'activité effective le bénéfice de plus de quatre mois de progression régulière.

Parallèlement, les valeurs étrangères, sous l'effet du rétablissement du contrôle des changes, accusent une prime ou surcote de 5 à 10 % dans un marché fonctionnant en vase clos, sans approvisionnement extérieur.

Une baisse aussi rapide et importante appelle un correctif. Juillet et août 1968 voient une reprise régulière et modérée d'un marché à l'activité réduite par les vacances, tandis que les sociétés s'efforcent de rattraper les pertes de production provoquées par une paralysie d'un mois, et souvent davantage.

Un regain de fermeté

Les milieux professionnels, comme les épargnants, demeurent toutefois inquiets de l'alourdissement des charges d'exploitation des entreprises françaises, notamment les hausses de salaires récemment accordées. La suppression du contrôle des changes au début de septembre 1968 provoque la chute des valeurs étrangères, revenues au niveau de leurs places d'origine, et un regain de fermeté des titres français.

La guerre des guichets

Ce mouvement est, hélas ! éphémère, en raison de la publication du projet de doublement des droits de succession. Particulièrement inopportune au moment de la réouverture des frontières, cette décision soulève aussitôt une forte émotion, de nouvelles sorties de devises et un regain d'intérêt pour les titres bénéficiant d'avantages fiscaux : Rente Pinay 3 1/2 % 1952-1958, sociétés immobilières d'investissement, voire napoléon, la Bourse cherchant à se prémunir contre l'altération des patrimoines.