Sports

L'avenir de l'olympisme

Innsbruck et Tokyo, en 1964, l'avaient laissé pressentir, Grenoble et Mexico l'ont confirmé : le sport international est désormais tributaire du développement de la télévision. Dans peu de temps, il sera possible de capter toutes les émissions venant des pays voisins et, grâce aux satellites artificiels, celles émanant des contrées les plus lointaines...

Ces émissions, à l'image, au son et à la couleur, ajouteront le relief, créant ainsi un spectacle complet, accessible à des centaines de millions d'individus.

Bientôt, les stades deviendront caducs, ou se borneront à n'être que des temples luxueux, réservés à quelques rares fidèles privilégiés.

Quant au sport, il ne pourra manquer de prendre un développement dont on n'a pas actuellement la moindre idée.

Car il apporte, par rapport aux autres spectacles du monde, le supplément de « cette noble incertitude » qui permet au spectateur de découvrir la solution, à l'instant précis où elle surgit, en image vivante, sans qu'aucun scénario l'ait, à l'avance, préparée.

L'éveil de l'Afrique

Cette révolution paraît la leçon la plus importante que l'on puisse dégager des manifestations sportives de Mexico, bien que, pour la plupart des observateurs, ces derniers jeux Olympiques aient été surtout marqués par l'éveil de l'Afrique.

Il est certain que cet immense continent, relativement peu peuplé, a bénéficié de circonstances favorables, grâce à l'appoint des coureurs des hauts plateaux du Kenya ou de l'Éthiopie, habitués à vivre dans une atmosphère raréfiée.

On connaissait depuis longtemps la qualité des athlètes de couleur, à travers les résultats obtenus par les Noirs d'Amérique ou des Caraïbes, dont 70 % environ sont fortement métissés. Jusqu'à présent, cette valeur s'était manifestée dans des efforts brefs : courses de vitesse jusqu'à 400 mètres et sauts naturels, hauteur et longueur...

Cette suprématie s'est affirmée à Mexico, dans les épreuves plus longues, du 800 mètres au marathon, avec Kiprugut, Keino, Temu, Biwott et autres Wolde, contrebattus par un Africain des plaines, le Tunisien Gammoudi, fort bien entraîné à Font-Romeu (il y accomplit six stages d'assez longue durée), descendant de nomades à la vie naturelle et saine. On savait depuis longtemps que les Nord-Africains, Arabes ou Berbères, avaient hérité de leur vie rude et relativement végétarienne une endurance, concrétisée par les victoires olympiques dans le marathon des Algériens El Ouafi (1928) et Mimoun (1956).

S'interroger sur l'avenir

Malgré les vicissitudes du temps, les jeux de Grenoble et ceux de Mexico ont pu se dérouler à peu près sans encombre.

Mais on doit tirer quelques leçons d'ordre général et s'interroger quant à l'avenir de l'olympisme.

Voici quelques remarques :
– Le choix d'une ville importante, comme Grenoble, pour les sports de neige et de glace, nous a paru, d'emblée, une erreur. Il s'ensuivit une dispersion, contraire à l'esprit des jeux Olympiques, avec, comme l'a dit le président du Comité international olympique, cinq championnats du monde, distincts et éloignés les uns des autres. Les jeux d'hiver les plus satisfaisants avaient été ceux de Squaw Valley, en 1960. Or, Squaw Valley n'était encore, au moment du choix, qu'un champ de neige. Tout y avait été donc conçu pour les Jeux ;
– Le choix de Mexico (2 240 m) fut une seconde erreur. Le problème de l'adaptation des athlètes à l'altitude a entraîné les nations riches à des dépenses excessives et a pénalisé celles qui n'ont pu y suffire ;
– Jamais autant qu'en 1968 la notion ancienne de l'amateurisme n'a été à ce point bafouée. On savait que le ski, support d'une industrie florissante et d'un tourisme concurrentiel, ne pouvait s'accommoder — ne serait-ce qu'en raison des risques imposés aux concurrents ! — des formules du xixe siècle, socialement discriminatoires. Il n'est donc pas surprenant que les premiers craquements soient venus du ski. Au cours de la 68e session du CIO, en mai 1969, à Varsovie, le CIO a cédé devant le ski, lequel menaçait d'organiser ses propres Jeux.