Sciences

Prix Nobel de sciences 1968

Physique

Luis Alvarez

Né en 1911 à San Francisco, le professeur Luis Alvarez a fait ses études à Chicago. Toute sa carrière s'est ensuite déroulée à l'université de Berkeley (Californie), où il dirige aujourd'hui le Lawrence Radiation Laboratory. Titulaire, entre autres, de la médaille Einstein et de la médaille nationale américaine de la science, le professeur Alvarez s'est surtout fait connaître comme un expérimentateur de talent, dont les travaux ont beaucoup fait progresser la physique des particules élémentaires, notamment de celles qui ont reçu le nom de résonances. Le grand nombre aujourd'hui connu de résonances, ainsi que l'extrême brièveté de leur durée de vie incitent d'ailleurs certains physiciens à leur refuser la qualité de véritables particules. Leur étude est de la plus haute importance pour la connaissance de la structure profonde de la matière. L'équipe du professeur Alvarez a notamment découvert des résonances ion-nucléon et kaon-nucléon. Ces recherches exigent le dépouillement de millions de photos prises dans les chambres à bulles. Le professeur Alvarez a créé plusieurs dispositifs qui facilitent ce dépouillement.

Chimie

Lars Onsager

Né à Oslo (Norvège) en 1911, le professeur Lars Onsager a fait ses études en Norvège, puis en Suisse, avant d'obtenir aux États-Unis le doctorat de l'université Yale. Devenu citoyen américain, il a enseigné la chimie dans diverses universités américaines, puis après la guerre à Cambridge (Grande-Bretagne), pour revenir à Yale. Entre autres distinctions scientifiques, il a reçu la médaille Lorentz, la médaille John G. Kirkwood et le prix Debye. Le prix Nobel est venu récompenser la contribution décisive qu'il a apportée au développement de la thermodynamique des états irréversibles. L. Onsager a posé les bases de la théorie des systèmes hors d'équilibre qui constituent beaucoup de cas réels. Il a établi, pour la description de ces processus irréversibles, des relations qui portent son nom et qu'on appelle aussi parfois « le quatrième principe de la thermodynamique ». Elles permettent le calcul de l'énergie perdue du fait de l'irréversibilité des processus. Les travaux en cours du professeur Onsager portent sur l'hélium II (forme supra-fluide de l'hélium aux très basses températures) et sur les propriétés des plasmas.

Médecine et Physiologie

Marshall Nirenberg

Né en 1927 à New York, le professeur Nirenberg a fait ses études à l'université de Floride, où il a commencé ses recherches, poursuivies à l'université du Michigan, puis à l'Institut américain des maladies métaboliques et rhumatismales. Depuis 1962, il dirige la section de génétique biochimique du National Heart Institute de Bethesda.

Robert Holley

Né en 1922 à Urbana (Illinois), le professeur Holley a étudié à l'université de l'Illinois, avant d'enseigner la biochimie à l'université Cornell, où il dirige aujourd'hui la section de biochimie et de biologie moléculaire. Il a obtenu, en 1965, le prix Lasker pour sa contribution à l'étude des séquences qui composent les acides nucléiques.

Har Gobind Khorana

Né en 1922 à Raipur (Inde), le professeur Khorana a fait ses études en Inde, puis à Liverpool. Il a travaillé en Suisse et à Cambridge, où il a commencé ses recherches sur la synthèse des nucléotides (composants des acides nucléiques). Depuis 1960, il travaille à l'Institut de recherches sur les enzymes de l'université de Washington.

Le prix de médecine a récompensé conjointement trois chercheurs qui, par des travaux menés indépendamment, ont élucidé le code génétique, c'est-à-dire le mécanisme par lequel l'information héréditaire portée par les gènes du noyau cellulaire est transmise aux ribosomes, parties de la cellule vivante chargées d'élaborer les protéines propres à chaque espèce (Journal de l'année 1967-68). Cette information est portée par un ARN (acide ribonucléique) messager jusqu'aux ribosomes, où elle détermine la succession des acides aminés dans la synthèse des chaînes protéiques. Le professeur Nirenberg est l'auteur d'une expérience cruciale qui a consisté à remplacer un ARN messager naturel par un ARN artificiel, ce qui a abouti à la formation d'un composé anormal et permis de déchiffrer le code génétique. Le professeur Khorana a synthétisé des acides nucléiques artificiels qui ont permis de vérifier le code proposé par Nirenberg et d'établir qu'il est commun à tous les organismes vivants. Enfin, le professeur Holley est parvenu à déterminer, nucléotide par nucléotide, la structure d'un ARN de transfert composé de 80 unités. Les résultats obtenus par les trois lauréats ouvrent la perspective d'un déchiffrement de la structure des gènes (et d'une action sélective sur l'hérédité).

La recherche scientifique traverse une crise de croissance

La remise en question des valeurs établies n'a pas épargné les sciences et les techniques. À quoi sert la recherche ? Est-elle toujours rentable ? Au lieu d'accroître la prospérité générale, ne dépasse-t-elle pas son but en dévorant une trop grande part du revenu collectif ? Aux États-Unis, un ancien conseiller économique du président Kennedy, Capron, n'a pas hésité à mettre en doute l'utilité de la science comme moteur du développement. Sans aller jusque-là, nombreux sont ceux qui, dans la dernière période, ont exprimé, sous une forme ou sous une autre, l'idée qu'après des années de progrès spectaculaires, une pause est maintenant souhaitable pour digérer les conquêtes de la connaissance et éviter une surchauffe dans les novations industrielles.