Le luxe du Cerveau fait paradoxalement bien pauvre et les gags que l'on attend avec gourmandise ne parviennent jamais à s'exprimer pleinement. Bourvil et Belmondo, tout comme leurs partenaires : le Britannique David Niven et l'Américain Eli Wallach — choisis pour mieux vendre le film dans les pays anglo-saxons —, s'efforcent de paraître à l'aise ; leur talent ne parvient pas à s'épanouir au milieu de l'envahissant bric-à-brac décoratif du film.

L'affaire Lambrakis

Le film comique français a bien du mal à s'extirper de son néant. Les efforts de Jacques Tati et de son disciple Pierre Etaix en sont d'autant plus estimables. Malheureusement, l'intention, si noble soit-elle, ne remplace pas la qualité. Le défaut du Grand Amour, c'est de n'être justement qu'un film sympathique et joli, où toute vulgarité est bannie. Pierre Etaix réalisateur est-il victime du personnage timide qu'il interprète ? Le moins qu'on puisse dire, c'est que son film force l'estime, mais demeure constamment prisonnier d'une trame excessivement mince.

En l'absence de J.-P. Melville, le film pseudo-policier n'atteint qu'un niveau honorable avec Adieu l'ami, de J. Herman, et Ho ! de Robert Enrico. Quant à la Piscine, de Jacques Deray, ce n'est qu'une habile décalcomanie d'un ancien film de René Clément, Plein Soleil, où Alain Delon tenait déjà un rôle assez semblable. La popularité de Delon — que l'on a vu également dans Adieu l'ami et Jeff — a-t-elle atteint son zénith en 1968 ? La question semble posée.

La grande surprise de l'année, c'est à Costa-Gavras qu'on la doit. Z est l'un des rarissimes films français qui aient tenté et réussi l'impossible pari d'être à la fois violemment engagé et intelligemment commercial. Sans doute, le film n'atteint-il jamais cette grandeur lyrique qui émane du roman-témoignage de Vassilis Vassilikos. Mais peut-on reprocher au réalisateur d'avoir mis trop d'atouts dans son jeu pour mieux plaire au public et avoir ainsi une chance plus grande d'éveiller en lui la réflexion ? Certainement pas, et ce d'autant plus que l'entreprise était fort risquée.

La brochette d'acteurs célèbres qui se disputent les plus beaux rôles du générique a peut-être même pour avantage essentiel d'universaliser le propos de l'auteur : l'affaire Lambrakis n'est plus ainsi un événement purement localisé, mais parvient à s'imposer comme le vivant symbole de tous les meurtres politiques fomentés, exécutés, puis étouffés par un gouvernement.

L'univers clos

D'Henri-Georges Clouzot on attendait avec impatience la rentrée cinématographique. La Prisonnière n'a pas entièrement convaincu les admirateurs de l'auteur du Corbeau (film qui a fait, par ailleurs, l'objet d'une furtive reprise). Cette tentative d'analyse psychanalytique de la perversion et du voyeurisme a divisé la critique ; elle a été moins sensible que le public au côté tapageur d'une mise en scène trop appliquée à faire moderne.

Beaucoup plus mince par le thème, mais infiniment plus réussi, le film de François Truffaut Baisers volés a remporté un grand succès mérité. Il semble maintenant évident que Truffaut est beaucoup plus à l'aise dans l'intimisme, dans le pointillisme cruel, désenchanté et ironique de la vie quotidienne, dans l'univers clos d'une chronique qui se donne des airs d'autobiographie et où l'humour a sa place, que dans les récits à l'américaine genre Fahrenheit ou La mariée était en noir.

Critique au vitriol

Godard et Demy, exilés volontaires, l'un à Londres pour tourner One Plus One, et l'autre à Los Angeles pour Model Shop, ne se renouvellent pas, mais la musique mélancolique du second a plus de saveur que le piétinement du premier, qui a du mal depuis la Chinoise à trouver un nouveau souffle. Philippe De Broca, dans le Diable par la queue, est fidèle à la comédie, alors que Michel Deville, dans Bye Bye Barbara, a voulu, au contraire, échapper à un genre qui risquait de le rendre prisonnier de scénarios à la Benjamin.

Claude Chabrol renouvelle, avec la Femme infidèle, le succès de ses Biches.