Cent cinquante personnes y fabriqueront des transformateurs électriques, qui a donné au peintre son thème : une gigantesque bobine de transformateur, autour de laquelle viennent s'enrouler les fils électriques. D'où les murs courbes de l'usine, et, pour l'éclairer, le fenêtre unique, mais longue de 300 m. Elle aura l'aspect d'une étoile éclatée, blanc cru, posée sur un jardin vert de 16 000 m2 (10 fois la superficie des bâtiments). Une route et des allées rouges y mèneront, dessinées dans le style des calligraphies du peintre.

Consécration d'une vie

Béton blanc, gazon vert, sable rouge : les matériaux classiques ramènent l'art aux possibilités de l'industrie. L'usine reste aussi fonctionnelle : par exemple, la disposition en étoile ne nécessite qu'un seul point de surveillance. Un seul inconvénient, son prix : deux fois le coût habituel. « Qu'importe, dit G. Biraud, propriétaire, c'est la consécration d'une vie d'homme. »

Urbanisme

Le point sur les Halles

Le projet de réaménagement des Halles aura, en quelques mois, fait couler plus de paroles et plus d'encre que tout l'urbanisme français depuis vingt-cinq ans. Six maquettes, de la plus futuriste à la plus conservatrice, furent proposées, puis rejetées (Journal de l'année 1967-68).

Le 24 octobre 1968, enfin, le Conseil municipal de Paris prenait une décision, et adoptait un projet proposé par René Capitant : puisqu'il n'était pas possible de se mettre d'accord sur la façon de bâtir sur ces 35 ha au centre de Paris, on allait construire dessous. Le schéma directeur d'urbanisme pour les Halles a été mis au point par le Groupe d'études et de coordination de l'urbanisme souterrain, créé en 1933 par l'urbaniste Edouard Utudjian.

Cratères et terrasses

Il insérera, dans des cratères creusés sur la profondeur de sept étages, et étages en terrasse, côté soleil les locaux qui abriteront la future bibliothèque des Halles, un centre de commerce international, etc., et côté ombre les archives, les parkings, les voies de circulation. Les Parisiens sortiront du RER (réseau express régional) au fond de ce cratère. Ils remonteront au rez-de-chaussée par des jardins en terrasse, bordés de galeries marchandes.

Au niveau des trottoirs, des immeubles en superstructures prolongeront les édifices enterrés, et pourront ainsi, sans dépasser les gabarits imposés, conserver un nombre d'étages rentable. 13 ha seront seulement construits en surface, au lieu des 35 prévus dans les premiers projets. Deux tiers des immeubles initialement voués à la démolition seront ainsi sauvegardés. Leurs façades patinées par le temps mettra en valeur, assure-t-on, l'architecture contemporaine des parties reconstruites.

Au rythme des bulldozers, des grues et des bétonneuses, la capitale et les grandes villes de province continuent leur mutation. Paris a nettement opté pour la verticalité, pour des raisons évidentes de rentabilité du mètre carré de terrain. Les XIIIe, XIVe, XVe, XIXe et XXe arrondissements, en pleine rénovation, voient fleurir les gratte-ciel.

Autour de Montparnasse, tous les anciens ateliers d'artistes sont peu à peu rasés, remplacés par des buildings. La ruche, ce village dans un jardin fou, derrière les abattoirs de Vaugirard, où vécurent Soutine, Modigliani, Chagall, et quelques autres montparnos, va être remplacée par un ensemble d'HLG. Pour se consoler, les chasseurs de rêve lèveront le nez vers les tours. Tour des Poissons à Courbevoie (130 m de haut, terminaison prévue fin décembre ; ce sera la tour habitable la plus haute d'Europe). La tour du Front de Seine, quai André-Citroën (appartements) et la tour de Maine-Montparnasse (bureaux) sont également sorties de terre.

En revanche, deux projets concurrentiels et de pur prestige dorment toujours dans les dossiers. La tour de lumière de Nicolas Schöffer (347 m), qui devrait être, selon l'auteur, grâce à son équipement électronique, « le thermomètre lumineux et esthétique de Paris », et la tour Polak, gigantesque flèche de 750 m, coiffée d'une antenne relais ORTF de 80 m. Le quartier de la Défense n'abritera pas, cette année encore, la rivale de la tour Eiffel.

Les villes nouvelles

En province, l'essentiel des efforts a surtout porté sur des problèmes de circulation, notamment à Marseille et à Lyon, sur la poursuite d'une politique de rénovation de quartiers anciens à sauvegarder, tandis que toutes les grandes villes continuaient de s'étendre en faubourgs périphériques. Le phénomène le plus important de l'année, en matière d'urbanisme, reste cependant l'éclosion de villes nouvelles, non plus satellites d'agglomérations déjà existantes, mais entièrement autonomes. Trois sont prévues en province : Lille-Est, l'Isle-d'Abeau, près de Lyon, le Vaudreuil, dans la région de Rouen. Et huit dans la région parisienne, dont trois déjà en chantier : Évry, Cergy-Pontoise, Trappes, et deux en cours d'étude : l'une dans la vallée de la Marne, vers Noisy-le-Grand, et l'autre à Tigery-Lieusaint. Bobigny, Créteil, le Val d'Yerres, sièges de nouvelles préfectures, prennent également place dans cette catégorie, avec 7 000 nouveaux logements pour la première localité, 12 500 pour la seconde, 10 000 pour la troisième.