C'est ainsi que six membres du gouvernement qui avaient désapprouvé le raid de représailles effectué le 28 décembre contre l'aérodrome de Beyrouth se sont résignés à ne pas rendre publique leur opposition. De même, le Premier ministre Levi Eshkol, devant le tollé provoqué dans la presse par les déclarations qu'il avait faites, en février, au magazine américain Newsweek, a dû se rétracter.

Les modérés sont dès lors obligés de lâcher du lest, parfois même de se montrer encore plus intransigeants que les faucons. Ils multiplient les déclarations sur l'annexion irrévocable de l'ex-secteur jordanien de Jérusalem, sur le rattachement indispensable à l'État d'Israël des hauteurs du Golan, d'une partie du Sinaï et de la Cisjordanie, de la bande de Gaza, etc.

Le gouvernement Golda Meir

Après le décès de Levi Eshkol, le 26 février, le Parti travailliste désigne à la tête du gouvernement Golda Meir, qui, tout en étant personnellement opposée aux ambitions du général Dayan, partage dans une large mesure ses options politiques. Dans son discours d'investiture, le 17 mars, elle se réfère aux territoires conquis en juin 1967 en exaltant « la libération de notre patrimoine national », annonce la prochaine installation de kibboutzim dans les régions occupées, et passe sous silence la résolution du Conseil de sécurité du 22 novembre 1967, à laquelle s'oppose le général Dayan.

En avril, répondant à un questionnaire soumis par le médiateur de l'ONU Gunnar Jarring, elle refuse d'indiquer qu'Israël soit disposé à « retirer ses troupes sur des frontières sûres et reconnues », préférant affirmer, non sans équivoque, que les troupes juives seront « déployées sur les nouvelles frontières établies en commun ». En mai, elle va jusqu'à désigner le roi Hussein comme étant « le souverain de Transjordanie », laissant ainsi entendre que la Cisjordanie occupée ne lui sera pas rendue. Elle couvre de son autorité l'intensification des opérations militaires menées par le général Dayan dans les pays arabes qui jouxtent les nouvelles frontières d'Israël.

L'évolution de la situation intérieure en Israël ne manque pas de colorer sa politique étrangère. Le gouvernement de Golda Meir durcit son opposition à toute forme de règlement qui serait élaborée par l'ONU ou les grandes puissances et insiste pour que les nouvelles frontières soient tracées au cours d'une confrontation directe avec les États arabes concernés.

Dès lors, les rapports de Jérusalem et de Moscou se tendent malgré les discrets entretiens qui se déroulent en décembre à New York entre le vice-ministre soviétique des Affaires étrangères, Semionov, et Tekoah, représentant d'Israël aux Nations unies.

La crise entre Paris et Jérusalem

Une crise dans les relations franco-israéliennes éclate en janvier 1969, après la décision de Paris d'imposer un embargo sur les livraisons d'armes à l'État hébreu. Le général de Gaulle entendait ainsi manifester sa désapprobation de la politique de Jérusalem et plus particulièrement du raid effectué contre l'aérodrome de Beyrouth, le 28 décembre. La démission du chef de l'État, les déclarations apaisantes de son successeur, Georges Pompidou, paraissent ouvrir de nouvelles perspectives. Abba Eban déclare, fin juin, que le dialogue pourrait reprendre dans un proche avenir avec la France. Quant au problème de l'embargo, l'avis le plus répandu en Israël est qu'il ne pourrait être résolu que progressivement.

Les relations entre le gouvernement israélien et celui des États-Unis ne paraissent pas, en revanche, s'améliorer depuis l'accession à la magistrature suprême de Richard Nixon. Certes, celui-ci ne remet pas en cause l'accord conclu avec son prédécesseur, en décembre, sur la vente de 50 bombardiers de type Phantom F-4 (pour un montant de 200 millions de dollars). Mais il laisse entendre que la politique américaine au Moyen-Orient sera plus équilibrée que celle de l'ex-président Johnson. Le ralliement de Washington à la proposition franco-soviétique concernant une concertation des quatre grandes puissances irrite les dirigeants israéliens, qui déclarent cependant ne pas redouter les pressions américaines. Les États-Unis, soutient-on à Jérusalem, n'ont ni le désir ni les moyens d'imposer un règlement de paix à Israël.

Dans les territoires occupés

L'inquiétude d'une partie du gouvernement de Golda Meir trouve son origine surtout dans l'agitation qui se développe au sein de la population des territoires occupés. Les sabotages et les attentats se multiplient en Cisjordanie, à Gaza et à l'intérieur même de l'État d'Israël. Le 3 septembre, une série d'explosions fait un mort et plusieurs blessés à Tel-Aviv. Le 22 novembre, une voiture piégée éclate dans le marché de la vieille ville de Jérusalem ; on dénombre 12 morts et 50 blessés. Le 21 février, une grenade explose dans un supermarché de la Ville sainte, tuant deux jeunes israéliens. Le 2 mars, plusieurs étudiants sont blessés par l'explosion d'une bombe à retardement qui avait été placée dans la cafétéria de l'université hébraïque. Le 30 mai et le 23 juin, deux oléoducs sont sabotés, le premier situé en territoire syrien occupé, le second près du port d'Haifa. Après ce dernier attentat, plusieurs Arabes israéliens sont arrêtés.