Le nouveau régime parvient, néanmoins, à apaiser l'extrême gauche en libérant, en septembre 1968, tous les internés politiques et en réintégrant dans l'université et dans l'administration tous ceux qui en avaient été exclus.

D'autres mesures sont prises dans la perspective d'une ouverture à gauche. La constitution provisoire qui est promulguée le 21 septembre 1968 stipule que le socialisme est le principe directeur de l'économie. Les nationalisations édictées sous le précédent régime sont maintenues. À la suite de jacqueries sanglantes en octobre, la mise en œuvre de la réforme agraire est accélérée.

La politique pétrolière

Dans le domaine pétrolier — au sujet duquel tout Irakien est sensibilisé à l'extrême —, le nouveau régime adopte une attitude résolument nationaliste. En septembre, il rejette une offre de l'Iraq Petroleum Company aux termes de laquelle le consortium s'engagerait à accroître la production d'hydrocarbures à 100 millions de tonnes l'an (contre 58 millions de tonnes en 1967), à condition que le gouvernement de Bagdad lui restitue les superficies qui lui avaient été ravies en 1961 par la loi no 80.

Le général Bakr, au contraire, réaffirme le 15 octobre son « appui total » à la Société nationale irakienne des pétroles (INOC), à laquelle ont été attribuées les anciennes concessions de l'IPC. Le 30 janvier 1969, enfin, le gouvernement revendique une participation de 20 % dans le capital des compagnies pétrolières étrangères opérant sur le territoire de l'Irak.

Les nouveaux dirigeants s'efforcent de sortir le pays de son isolement. N'entretenant plus de relations diplomatiques avec les États-Unis et la Grande-Bretagne depuis la guerre des Six-Jours, le gouvernement consolide ses rapports avec les États amis, notamment la France. Pour la première fois dans leur histoire, les deux pays signent, le 24 avril 1969, un accord culturel. Des délégations commerciale, économique et militaire échangent des visites.

Quant à l'Union soviétique, elle occupe — selon les termes du général Bakr — une place de choix dans la politique extérieure de l'Irak. Moscou livre un armement moderne et examine plusieurs projets de coopération. Bagdad ne réprouve pas l'intervention en Tchécoslovaquie, l'essentiel étant que ce pays demeure au sein du camp socialiste, déclarait, le lendemain de l'invasion, le chef de l'État irakien. Concession de taille à l'allié soviétique : le 1er mai 1969, Bagdad reconnaît de jure la République démocratique allemande. Le gouvernement irakien, pourtant, est fondamentalement en désaccord avec l'URSS au sujet du problème palestinien, estimant que la résolution du Conseil de sécurité du 22 novembre 1967 n'est pas adéquate pour le résoudre.

Les exécutions capitales

À l'égard du conflit israélo-arabe, le régime baasiste d'Irak — comme celui de Syrie — a adopté une position en flèche, vraisemblablement pour se gagner les bonnes grâces d'une opinion indignée par la débâcle de juin 1967.

Le 4 décembre 1968, l'aviation israélienne bombarde le contingent irakien en Jordanie, lui infligeant de lourdes pertes. Dix jours plus tard, un tribunal de la Révolution est institué pour juger les membres de plusieurs réseaux d'espionnage travaillant pour la CIA américaine ou Israël. Le 27 janvier 1969, 14 Irakiens, dont 9 juifs, sont pendus et exposés sur des gibets, place Al Tahrir, à Bagdad. Les protestations suscitées à travers le monde par ces mises à mort ne découragent nullement les responsables irakiens.

Les procès et les exécutions capitales se poursuivent en février, en avril et en mai. Au total, 38 personnes (civils ou militaires) inculpées d'espionnage sont pendues ou fusillées. Au cours de confessions télévisées, des accusés mettent en cause de nombreuses personnalités militaires et politiques — notamment l'ancien chef de l'État, Abdel Salam Aref, et les anciens présidents du Conseil Abdel Rahman Bazzaz et Abdel Razzak Nayef —, les présentant comme des agents de la CIA. Fin juin, de nouveaux procès étaient en préparation et des rumeurs sur de nouveaux complots circulaient à Bagdad.

La guerre du Kurdistan

La guerre reprend à l'automne de 1968, après plus de deux ans de trêve, entre les autonomistes kurdes, retranchés dans le nord, et le gouvernement central. Le nouveau régime baasiste avait pourtant tenté de se gagner les bonnes grâces des maquisards du général Barzani. Le 3 août, il avait proclamé sa volonté d'appliquer l'accord de compromis conclu le 29 juin 1966 avec le gouvernement du Dr Abdel Rahman Bazzaz. Deux jours plus tard, il décrétait une amnistie générale en faveur de tous les rebelles.