CNUCED

La conférence de New Delhi ou l'échec de la solidarité

L'année 1968 restera probablement l'année de l'amertume pour les peuples en voie de développement.

Cent trente nations, représentées par 3 000 délégués, ont conféré à New Delhi durant plus d'un mois ; les débats ont donné lieu à la production de 60 t de documents ! Chiffres spectaculaires, sans proportion avec les résultats obtenus. Ces résultats, pour n'être pas absolument négatifs, restent fort minces en comparaison des besoins et des ambitions.

Ouverte en présence de quelque 80 ministres, la conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED) faisait suite à une première manifestation du même type qui s'était tenue à Genève en 1964. Elle se proposait d'apporter des solutions aux problèmes essentiels du sous-développement, en définissant cette véritable « stratégie du développement » que son bouillant secrétaire général, l'Argentin Paul Prebisch, l'invitait à mettre en œuvre sans tarder.

Les objectifs

Les débats se centrent très vite sur les grands thèmes suivants :
– organisation des marchés internationaux et stabilisation des cours des matières premières et produits tropicaux ;
– étude d'un système de préférences tarifaires qui seraient accordées par les pays industrialisés à tous les pays en voie de développement, et sans réciprocité ;
– augmentation de l'aide financière globale et consécration du principe posé à Genève, quatre ans plus tôt, en vertu duquel les pays riches devraient consacrer au moins 1 % de leur revenu national à l'aide aux pays pauvres ;
– développement de l'assistance technique et de la coopération.

Contrairement à la plupart des conférences internationales de l'après-guerre, celle-ci ne donne lieu à aucun affrontement Est-Ouest. Le climat est, à cet égard, assez particulier, où l'antagonisme de fait France-États-Unis est sous-jacent à tous les débats.

Politique des États-Unis

La France, en effet, se fait l'avocat rigoureux de la stabilisation des cours des matières premières, des systèmes de préférences réciproques, comme celui qui unit les pays africains et malgache au Marché commun, de l'augmentation de l'aide financière et du développement de l'assistance technique.

États-Unis et Grande-Bretagne, principaux importateurs mondiaux de matières premières, ne peuvent envisager de gaieté de cœur les sacrifices supplémentaires qu'imposerait à leurs balances des paiements une éventuelle stabilisation des marchés internationaux destinée à garantir un revenu convenable et régulier aux pays producteurs.

Sur l'épineuse question des préférences, les États-Unis, après avoir été catégoriquement hostiles à une généralisation unilatérale, avaient, depuis la conférence de Punta del Este, revu leur position. Ils voient dans la généralisation des préférences le moyen d'embarrasser et de diviser les pays du Marché commun dans leur politique d'association avec les pays africains et malgache, fondée sur la convention de Yaoundé, elle-même renouvelable en 1969.

Climat défavorable

Les pays du camp socialiste, de leur côté, prétextant n'avoir aucune responsabilité dans le sous-développement pour n'avoir jamais été colonialistes, se montrent discrets. En se dérobant systématiquement à tout engagement à long terme, ils s'attirent, au même titre que les pays capitalistes, les reproches acerbes des pays du tiers monde.

Si l'on ajoute que le camp des pays du tiers monde ne brille guère par son unité, malgré la fragile unanimité recueillie, quelques mois plus tôt, par la charte d'Alger, on aura la toile de fond peu favorable sur laquelle se déroule la conférence de New Delhi.

Survenant dans un climat international qui ne pouvait guère être moins favorable, alors que le système monétaire international donnait, en pleine fièvre de l'or, des signes de faiblesse aiguë, la réunion de New Delhi courait de toute évidence à l'échec.

Solidarité illusoire

C'est à la lumière de ces circonstances négatives que doivent être appréciés les résultats de la CNUCED.