Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

opéra bouffe (suite)

De nombreux compositeurs modernes et contemporains, plus fidèles à l’esprit qu’à la lettre, feront revivre le genre sous des noms divers : opéra bouffe, comédie musicale ou... opérette. Citons notamment E. Chabrier (l’Étoile, 1877), C. Terrasse (les Travaux d’Hercule, 1901), M. Ravel (l’Heure espagnole, 1907), F. Busoni (Arlecchino, 1917), I. Stravinski (Mavra, 1922), H. Sauguet (le Plumet du colonel, 1924), D. Milhaud (Esther de Carpentras, 1925), J. Ibert (Angélique, 1926), A. Honegger (les Aventures du roi Pausole, 1930), A. Roussel (le Testament de tante Caroline, 1933), C. Delvincourt (la Femme à barbe, 1936), J. Rivier (Vénitienne, 1937), A. Jolivet (Dolorès, 1942), F. Poulenc (les Mamelles de Tirésias, 1947) et plus récemment, alors que tous les principes du théâtre sont remis en cause, M. Jarre (Loin de Rueil, 1961) et H. W. Henze (Der junge Lord, 1965).

A. V.

➙ Opéra / Opéra-comique / Opérette.

 A. Della Corte, L’Opera comica italiana nel ’700 (Bari, 1923) ; Pergolesi (Turin, 1936) ; Baldassare Galuppi (Sienne, 1948).

opéra-comique

Action théâtrale qui fait alterner le parlé et le chant.


On peut remonter bien au-delà de l’opéra-comique pour rencontrer dans l’histoire de la musique cette alternance du parlé et du chant. Déjà, le Jeu de Robin et Marion d’Adam* de la Halle (xiiie s.) a pu passer pour une des préfigurations de l’opéra-comique. Mais le genre appartient trop au siècle qui le vit naître pour qu’on puisse considérer cette pièce avec couplets comme une avant-première manifestation ; ce que furent, en revanche, les comédies-ballets de Molière, les comédies avec vaudevilles de Thomas Corneille (l’Inconnu), de Jean-François Regnard, de Dancourt, de Charles Dufresny (le Double Veuvage, 1702).

Les airs sérieux et à boire, dont certains sont de véritables scènes lyriques en miniature, tel le Chaos du palais (trio anonyme) ou les Trois Pauvres Garçons de Déon (1725), constituent une autre source de l’opéra-comique. L’importance grandissante de l’opéra-comique allait être la conséquence certaine de la prédominance croissante, dans la vie nationale, du goût bourgeois sur celui de la noblesse. En effet, l’opéra-comique doit être regardé comme une sorte d’amalgame des genres déjà cités, genres mineurs sans doute, mais auxquels la ville, par opposition à la cour, accordait nettement ses préférences à la fin du grand siècle.

La représentation à Paris, en 1752, de La Serva padrona, de Jean-Baptiste Pergolèse (1710-1736), déclencha la fameuse querelle dite « des Bouffons* ». À l’ancienne tragédie symboliste mythologique, portée à une perfection sans égale — sans lendemains aussi — par Rameau, on opposa, comme incarnation de la nouvelle musique, ce charmant « intermezzo », dont le réalisme et la cordialité correspondaient mieux aux aspirations esthétiques du moment. La comparaison était disproportionnée, mais elle devait se montrer riche d’enseignements et de conséquences : le succès, en Europe, de l’opera buffa italien — où les dialogues étaient remplacés par un recitativo secco au débit presque aussi rapide que les airs et ensembles — provoqua ou précipita l’éclosion de genres similaires en France et aussi en Allemagne, où le singspiel* devait être illustré par Johann Adam Hiller (1728-1804), Telemann* lui ayant donné son premier chef-d’œuvre dès le début du xviiie s. avec Pimpinone (1725).

Les Troqueurs (1753) d’Antoine d’Auvergne (1713-1797), furent la première pièce française entièrement chantée, cette fois, donc différente des « comédies mêlées d’ariettes » qui l’avaient précédée. Quand François André Danican, dit Philidor* (1726-1795), et Pierre Alexandre Monsigny (1729-1817) firent représenter parallèlement leurs premiers ouvrages en 1759 (Blaise le savetier pour le premier, les Aveux indiscrets pour le second), l’opéra-comique triompha. Symboliquement, cette même année voyait Händel* disparaître et Rameau* achever sa dernière tragédie, les Boréades.

Parmi les premiers maîtres de l’opéra-comique français s’inscrit un Italien, Egidio Romualdo Duni (1709-1775), l’auteur de la Fée Urgèle (1765). Mais les deux figures qui se détachent nettement et se complètent par leurs vertus respectives sont le truculent et robuste Philidor et le naïf et tendre Monsigny, dont le Déserteur (1769, livret de Michel Jean Sedaine [1719-1797]), qui fit pleurer le Tout-Paris, a été longtemps considéré comme le point de départ du drame romantique.

Sur l’avenir de cette nouvelle forme d’expression, le Liégeois Grétry* (1741-1803) projeta des vues très neuves. Il connut ses plus durables succès dans l’opéra-comique au cours des dernières années de la monarchie (Richard Cœur de Lion, 1784). Parmi ceux qui prendront plus ou moins heureusement la suite de ces grands maîtres, citons : Nicolas d’Alayrac (1753-1809), qui usera de tournures plus nettement populaires (Nina ou la Folle par amour, 1786 ; Renaud d’Ast, 1787) ; Pierre Gaveaux (1761-1825), le Bouffe et le tailleur (1804), Alexandre Dezède (v. 1740-1792), qui composera les airs à chanter des premières représentations du Barbier de Séville de Beaumarchais*. D’autres compositeurs, plutôt axés vers les formes instrumentales, s’y essaieront avec plus ou moins de bonheur, tels François Devienne (1759-1803) ou Martin Pierre Dalvimare (1772-1839).

L’âge d’or de l’opéra-comique français aura duré l’espace d’une génération. Mais il traversa les frontières de son pays d’origine. Bastien et Bastienne de Mozart* est une charmante réplique au Devin du village de Jean-Jacques Rousseau*, et Gluck* composa lui-même plusieurs opéras-comiques sur des livrets français originaux (l’Ivrogne corrigé, le Cadi dupé). Jusqu’à la fin du règne d’Alexandre Ier, la cour de Russie accueillit surtout des maîtres français de l’opéra-comique, comme François Boieldieu (1775-1834).