Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Miró (Joan) (suite)

Cependant, loin d’épuiser une recette, Miró entreprend dès 1928 de nouvelles recherches : il a l’idée de réinterpréter, par le jeu des associations mentales, des toiles de petits maîtres du xviie s. (ainsi avec les trois Intérieurs hollandais, 1928) et même des publicités, transformant ainsi un moteur Diesel en portrait de la reine Louise de Prusse (1929, galerie Pierre Matisse, New York). Le même processus de désintégration et de reconstitution s’applique chez lui pendant quelques années à des peintures sur papier, des collages, des « objets surréalistes » (Homme et femme, 1931, coll. André Breton, Paris). Dès 1927, Miró avait pratiqué le « tableau-poème », c’est-à-dire l’inscription à cru sur la toile de quelques phrases poétiques au milieu de ses astérismes habituels. De 1930 sont les lithographies (les premières d’un œuvre abondant) pour l’Arbre des voyageurs de Tristan Tzara.

En 1933, il s’initie à l’eau-forte et exécute ses premières sculptures. De 1934 à 1937, il expérimente toutes sortes de supports nouveaux pour sa peinture (papier de verre, papier goudronné) en même temps qu’il revient à l’interprétation poétique du « réel » qui marqua ses débuts (Personnage en présence de la nature, 1935, coll. Arensberg, musée de Philadelphie). Profondément affecté par la guerre d’Espagne, il exécute en 1937, pour le pavillon de l’Espagne républicaine à l’Exposition internationale de Paris, sa première peinture murale, le Faucheur. La même année, un autre écho, indirect celui-là, des événements se trouve dans son unique toile expressionniste, la Nature morte au vieux soulier (coll. J. T. Soby, New Canaan, Connecticut). Puis, par un « renversement de signe » qui relève de la poésie portée à son extrémité la plus pure, il déploie au printemps de 1940 une extraordinaire richesse d’invention dans la série des vingt-deux gouaches de grand format intitulées Constellations, qui seront publiées en album en 1959.

Retourné en Espagne lors de l’entrée des troupes allemandes à Paris, Miró s’y cloître dans une solitude remarquable (Palma de Majorque, Montroig, Barcelone), refusant expressément toute participation aux manifestations artistiques organisées par le régime franquiste. Pendant quelques années, Miró semble limiter même son activité picturale à la reprise de thèmes anciens (Femme, oiseau, étoiles, 1942, coll. priv., New York), bien que de la même époque date l’un de ses chefs-d’œuvre : la « métamorphose » d’un Portrait d’homme du xixe siècle par adjonction de divers signes capricieux (1945, galerie Pierre Matisse), dont l’humour a été souvent imité depuis. En 1944, il commence ses premières céramiques (avec la collaboration de J. Llorens Artigas), reprenant ainsi une œuvre sculpturale qui fera également appel au bronze (petits assemblages bruts de fonte ou grandes formes patinées).

Après 1950, il pratique une peinture volontiers monumentale, faite de très larges espaces monochromes où ne figurent qu’un ou deux éléments de son répertoire habituel. D’autres toiles montrent l’influence des peintures préhistoriques du Levant espagnol (Femme dans la nuit, 1945, galerie Pierre Matisse). Il exécute une décoration murale pour l’université Harvard (1951), puis deux murs en céramique pour le siège de l’Unesco à Paris (1957) : l’un est consacré au Soleil, l’autre à la Lune. Autour des emblèmes des deux luminaires, Miró entrelace des allusions végétales et surtout animales, peintes presque exclusivement dans les couleurs primaires très franches qu’il affectionne depuis sa jeunesse. D’autres « murals » de ce type suivront, dans différentes villes du monde (aéroport de Barcelone, 1971). Réinstallé à Palma de Majorque, il y exécute de nouveau des toiles volontiers monochromes (1961), dans lesquelles c’est une ligne plus ou moins appuyée, au lieu d’un cercle ou d’une étoile, qui indique le frémissement de la vie. En 1966, il séjourne au Japon, échangeant avec l’école des calligraphes traditionnels, dont l’art a tant de rapports apparents avec le sien, moins des secrets d’atelier que les produits d’une amicale collaboration. En 1970, il quitte sa retraite pour se joindre, malgré son grand âge, aux intellectuels espagnols protestataires qui se groupent à l’abbaye de Montserrat lors du procès fait à des autonomistes basques. Depuis, il exécute de nouvelles sculptures et des œuvres textiles (« sobreteixims »).

Par le renouvellement à peu près constant d’une inspiration qui, n’ayant jamais perdu le contact avec l’enfance, aboutit directement au merveilleux, dans le sens le plus purement poétique du terme, Miró est un cas extrême du surréalisme en peinture en même temps que « la plus belle plume à son chapeau » (André Breton) ; ce qui explique peut-être que, tout en étant fort admiré, il n’ait à peu près pas fait école, ceux qui subirent son influence au passage (Klee*, Dalí*...) s’en étant en général, à l’exception de Picasso, défendus, moins par souci de leur propre originalité que par inquiétude devant un art qui touche directement au rêve.

G. L.

 J. J. Sweeney, Joan Miró (New York, 1941). / S. Hunter, l’Œuvre gravé de Joan Miró (Calmann-Lévy, 1959). / G. Weelen, Miró, 1929-1940 (Hazan. 1961 ; 2 vol.). / J. Lassaigne, Miró (Skira, Genève, 1963). / T. Bonnefoy, Miró (Bibl. des arts, 1964). / J. Dopin, Miró (Flammarion, 1964). / R. Penrose, Creación en el espacio de Joan Miró (Barcelone, 1966). / M. Gasser, Joan Miró (Gérard, Verviers, 1967). / M. Tapié, Joan Miró (Hachette, 1970). / M. Chilo, Miró, l’artiste et l’œuvre (Maeght, 1972). / A. Jouffroy et J. Teixidor, Miró, sculptures (Maeght, 1973). / Joan Miró (Musées nationaux, 1974).

miroir

Surface polie apte à réfléchir l’image des objets.


Une plaque métallique bien polie peut jouer le rôle de miroir. C’est le cas pour le bronze ou l’argent dans l’Antiquité, et ce type de miroirs est utilisé jusqu’au Moyen Âge. Aux xve et xvie s., Venise se fait une spécialité de la fabrication de miroirs de verre dont une face est rendue réfléchissante par le dépôt d’un amalgame de mercure et d’étain. En France, la corporation des miroitiers, fondée par Henri II, se borne à importer les miroirs de Venise. Il faut attendre Colbert pour qu’une fabrique installée faubourg Saint-Antoine et dirigée par Nicolas du Noyer fournisse en France des « glaces à miroirs » de qualité comparable, mais encore façonnées par des Vénitiens (1665). En 1688, l’invention de la coulée par Louis Lucas de Nehou affranchit la France du monopole de Venise et surclasse ses fabrications par les grandes dimensions désormais permises.