Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Mérovingiens (suite)

 J. Hubert, l’Art pré-roman (Éd. d’art et d’histoire, 1938) ; l’Architecture religieuse du haut Moyen Âge en France (Klincksieck, 1953). / A. Grabar et C. Nordenfalk, le Haut Moyen Âge (Skira, Genève, 1957). / J. Hubert, J. Porcher et W. F. Volbach, l’Europe des invasions (Gallimard, 1967).

Les sources

Les sources narratives

Les plus connues, mais non pas toujours les plus sûres, ces sources témoignent, tant par le style de leurs auteurs que par leur contenu, du déclin de la civilisation mérovingienne.

• Correspondances. Derniers détenteurs de la culture antique, Sidoine Apollinaire et saint Avitus, respectivement évêques de Clermont de 471/472 à 487/489 et de Vienne de 490 à 518, ont laissé l’un et l’autre une importante correspondance. Celle du premier, qui comprend 147 lettres, précise certains aspects de l’établissement des Francs en Gaule, de leurs rapports avec les Wisigoths ; celle du second, particulièrement précieuse, puisqu’elle est l’œuvre d’un contemporain de Clovis, comprend notamment une lettre par laquelle son auteur félicite ce souverain d’avoir accepté de recevoir le baptême.

• Les chroniques. Les plus utiles sont celle de Grégoire de Tours, Historia ecclesiastica Francorum, particulièrement précieuse pour la période 573-591, et celle du pseudo-Frédégaire, Chronicon, qui prétend être la continuation de la précédente jusqu’en 643 et qui n’est que l’œuvre médiocre d’un partisan de Pépin de Landen qui exalte ou critique l’œuvre de Dagobert en fonction de ses sympathies austrasiennes. Quant au Liber historiae Francorum, qui couvre la période 657-727, il témoigne de l’indigence intellectuelle de son auteur, un moine de Saint-Denis dont les successeurs font dégénérer la chronique en Annales, simples recueils de faits énumérés sèchement dans un ordre strictement chronologique et dont les plus célèbres sont les Annales royales des Carolingiens (741-829), qui, dans leur début, jettent quelques lueurs sur l’histoire des derniers Mérovingiens.

• Les Vies de saints. Rédigées à des fins purement hagiographiques, trop souvent apocryphes ou enrichies de légendes qui en altèrent le contenu, d’autant plus suspectes, enfin, que ce dernier est volumineux, ces Vies de saints permettent pourtant de mieux saisir les faits de mentalité et parfois de mieux connaître l’histoire de ce temps en raison du rôle politique important joué par les évêques qui en sont les héros, tels saint Médard, évêque de Noyon de 530 à 545 environ, ou saint Lambert, évêque de Maastricht, décédé vers 705, à condition, toutefois, d’en soumettre le texte à une critique très serrée.

Les sources diplomatiques

Émanant de la chancellerie royale, dirigée par des référendaires investis de leurs fonctions par leur souverain, qui leur remet en garde son anneau, rédigés en conformité aux règles de la diplomatique romaine, les actes réglementant le droit public mérovingien sont divers, mais peu nombreux, puisque leur dernier éditeur, G. H. Pertz, ne compte que 192 diplômes mérovingiens, dont seulement 97 paraissent authentiques. Parmi ces derniers, il faut distinguer :
— les édits (edicta), actes de portée législative ou réglementaire et d’application relativement limitée dans le temps et l’espace, dont les plus célèbres sont ceux de Chilpéric Ier, de Gontran et de Clotaire II (chacun un) ;
— les diplômes proprement dits. Les uns sont des préceptes (præceptiones) de caractère gracieux ou administratif, rédigés sous forme de lettres adressées aux officiers (viris illustribus) chargés d’en assurer l’exécution. Les autres sont des jugements (placita) documentant des décisions du tribunal royal (placitum palatii). Conservés à Paris et provenant en majeure partie du chartrier de l’abbaye de Saint-Denis, trente-huit diplômes originaux rédigés entre 625 et 717 sont parvenus jusqu’à nous, les treize plus anciens étant rédigés sur papyrus. Parmi eux, la plupart des préceptes sont authentifiés au bas par la souscription autographe des souverains mérovingiens, qui n’est d’ailleurs pas indispensable à leur validité, au contraire de celle de la chancellerie, apposée généralement par un référendaire et confirmée par l’apposition du sceau royal, généralement de petite taille, représentant de face la tête du souverain encadrée de longs cheveux.

Les sources épigraphiques

Faute d’inventaires locaux ou régionaux permettant d’entreprendre postérieurement la rédaction de corpus généraux, les documents épigraphiques ne nous ont livré que très partiellement leurs secrets, alors que leur étude pourrait renouveler sur des points précis notre connaissance de l’histoire mérovingienne. C’est ainsi qu’en interprétant habilement le texte de deux inscriptions recueillies au cours des fouilles de l’église et de la nécropole Saint-Laurent de Lyon, Christian Courtois a pu fixer au 19 janvier 638, et non 639, la date de la mort de Dagobert Ier et révéler l’existence d’un interrègne entre la disparition de ce souverain et l’avènement de son fils Clovis II le 31 octobre 640. En effet, celui-ci n’aurait pu être proclamé roi avant l’âge de sept ans selon une règle d’accession au trône que cet historien croit pouvoir mettre en évidence en comparant les enseignements de ces inscriptions à ceux des textes littéraires concernant l’avènement d’autres souverains mérovingiens, tel Clotaire II, né au printemps 584 et dont l’avènement, malgré la disparition de son père à cette même date, n’aurait eu lieu qu’en 591, année de son baptême.

Les sources archéologiques

Mieux connues depuis les travaux d’Edouard Salin (1889-1970), qui ont renouvelé notre connaissance de la civilisation mérovingienne, les sources archéologiques sont encore inégalement exploitées, les savants ayant relativement négligé l’étude des habitats du haut Moyen Âge et celle des monuments de cette même époque pour consacrer l’essentiel de leur effort à celle des sépultures. La localisation de celles-ci traduit en effet celle des noyaux de peuplement franc, tandis que leur contenu nous révèle les pratiques cultuelles et nous restitue souvent les objets de la vie quotidienne : les bijoux révélateurs de la richesse des défunts et de leur niveau social, les armes, dont les pièces, analysées avec soin au laboratoire du fer de Nancy, portent témoignage du degré d’avancement des techniques et, par contrecoup, expliquent les raisons du succès du peuple franc et des autres peuples germaniques sur l’armée romaine, succès dû essentiellement à la possession d’une arme particulièrement efficace : l’épée longue des grandes invasions.

P. T.