Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Louis XIV (suite)

Au point de vue économique, il en va tout autrement. Le poids de la guerre a obligé l’État à renoncer aux meilleurs résultats acquis par Colbert. Après 1674, il n’y aura plus jamais de tout le règne d’équilibre financier et, dès 1676, le déficit est de 24 millions de livres. Il faut revenir aux « affaires extraordinaires » : vente d’exemption de tailles, vente d’offices, vente du Domaine, augmentation des impôts, emprunts. Toutes ces mesures contribuent à accroître les difficultés économiques résultant, déjà, d’une phase économique défavorable.

Les causes économiques des guerres sont d’ailleurs prépondérantes. Colbert lui-même pousse à la campagne contre la Hollande, qui gêne notre commerce. Après Nimègue, néanmoins, et avant la guerre contre l’Europe en 1689 (guerre de la ligue d’Augsbourg), la France est encore prospère et reste très puissante. On n’expliquerait pas autrement qu’elle ait pu résister à vingt-deux ans de guerre. Le commerce, notamment, avec la richesse grandissante de Marseille et de Saint-Malo, est florissant, et la guerre contre notre commerce explique la lutte de la Hollande et de l’Angleterre contre la France en 1689. Les Français les concurrencent en effet en Asie, en Méditerranée, en Afrique sur la Côte des Esclaves, à Cadix, en Amérique, grâce à des négociants remarquables et à une bonne marine de commerce soutenue par une marine de guerre neuve et entreprenante.

La guerre de la ligue d’Augsbourg, conjuguée avec la crise de 1693-94, épuise l’économie du pays. De 1697 à 1701, on assiste pourtant à un redressement dû au soulagement fiscal, à l’abondance du travail liée à la paix et à la reprise du grand commerce. Les négociants français envahissent l’Amérique espagnole, le Pacifique et la Chine, si bien qu’on voit éclore, en quelques années, six compagnies de commerce créées par des capitaux malouins, rochelais, parisiens et nantais. Le Conseil de commerce, dominé par ces grands marchands, fait pénétrer les intérêts de ceux-ci au sein du gouvernement et influence Louis XIV au moment de la succession espagnole.

Mais ces quatre années de répit sont insuffisantes, et les traités qui mettent fin à la guerre de la Succession d’Espagne vont consacrer la prépondérance économique de l’Angleterre pour deux siècles. Les divisions de l’Europe ont finalement favorisé la primauté politique, maritime et commerciale de l’Angleterre, primauté et prépondérance symbolisées par une nouvelle forme de gouvernement, celui de Guillaume d’Orange, qui illustre le triomphe du régime parlementaire sur l’absolutisme de Louis XIV. En 1703 déjà, par le traité de Methuen, l’Angleterre s’attribue le monopole des marchés brésiliens et portugais. À Utrecht, surtout, l’Empire espagnol échappe à la France et s’ouvre à l’Angleterre par la clause de la nation la plus favorisée. Le marché américain — par l’« asiento » (commerce des esclaves) et le « vaisseau de permission », la baie d’Hudson et son commerce de fourrures, l’Acadie et Terre-Neuve avec leurs riches pêcheries — passe de la France à l’Angleterre.

Les guerres de Louis XIV

Guerre de Dévolution ou des « Droits de la Reine » (1667-68)

Contre l’Espagne. Droits de la reine sur le Brabant. Énorme supériorité de la France. Promenade militaire.

• Paix d’Aix-la-Chapelle (1668). Louis XIV conserve onze places, dont Lille et Douai.

Guerre contre la Hollande et 1er coalition (1672-1678)

Invasion de la Hollande. Résistance inattendue du pays (Guillaume d’Orange).

1673. Coalition européenne contre la France (Empire, Espagne, Lorraine).

1674. Conquête de la Franche-Comté. Victoire de Condé à Seneffe.

1675. En Alsace, admirable campagne d’hiver de Turenne, victorieux à Turckheim.

• Paix de Nimègue (1678-79). Acquisition de la Franche-Comté, du reste de l’Artois, avec Aire et Saint-Omer, du pays de Cambrai et de Maubeuge.

Guerre de la ligue d’Augsbourg et 2e coalition (1689-1697)

La politique des « réunions » commencée dès 1679 par Louis XIV, qui exploite systématiquement les clauses douteuses des traités antérieurs, exaspère l’Europe : réunion des villages dépendant anciennement des Trois-Évêchés, d’Alsace, du pays de la Sarre, de Luxembourg ; surtout, en 1681, réunion de Strasbourg. L’avance turque arrête d’abord la coalition. Mais, en 1683, l’empereur est victorieux au Kahlenberg. En 1686, formation de la ligue d’Augsbourg. En 1688, l’invasion de Cologne et du Palatinat met le feu aux poudres. Coalition de l’Europe entière contre Louis XIV.

Malgré les victoires du duc de Luxembourg (1628-1695) à Fleurus (1690), Steinkerque (1692), Neerwinden (1693) et de Nicolas Catinat (1637-1712) à La Marsaille (1693), l’équilibre des forces fait durer la guerre.

• Paix de Ryswick (1697). Retour aux frontières de 1679. Des « réunions », la France garde seulement Strasbourg. Louis XIV reconnaît Guillaume d’Orange roi d’Angleterre.

Guerre de la Succession* d’Espagne (1701-1714)

Par son testament, Charles II* d’Espagne lègue ses États au petit-fils de Louis XIV, le duc d’Anjou, qui devient Philippe V*.

Après des succès initiaux, défaites de Höchstädt (1704), de Ramillies (1706) infligées par Marlborough (1650-1722). La sanglante bataille de Malplaquet (1709), où Villars (1653-1734) et Boufflers (1644-1711) s’affrontent au duc de Marlborough (1650-1722) et au Prince Eugène (1663-1736), est une demi-victoire. Les coalisés y perdent la moitié de leurs effectifs (43 000 hommes), et la France seulement 7 000 hommes.

En Espagne, la victoire de Villaviciosa (1710) sur les coalisés rétablit la situation de Philippe V. La victoire inespérée de Villars à Denain (1712) ouvre la voie aux pourparlers.

• Traités d’Utrecht (1713) et de Rastatt (1714). La France revient aux limites de Ryswick, mais perd les portes du Canada (Acadie, Terre-Neuve) ; les clauses économiques, surtout, sont très défavorables pour elle, au profit de l’Angleterre. Si Philippe V reste roi d’Espagne, il perd les Pays-Bas et ses possessions italiennes (Milanais, Naples et Sicile).