Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Limousin (suite)

Une nef unique à berceaux transversaux, un chevet admirable, un vaste chœur à déambulatoire, un clocher élégant où se combinent le carré et l’octogone caractérisent l’église de Saint-Léonard-de-Noblat (xiie s.). Un robuste clocher aux baies géminées, au toit fait de deux pyramides superposées surmontées d’un clocheton, qui domine la cascade des toits du chœur, du déambulatoire, de l’abside et des absidioles, donne à l’église de Chambon-sur-Voueize son attachante personnalité. Celle de Saint-Junien conserve un morceau de choix de la sculpture romane : le sarcophage de son saint patron. L’église en croix latine du Dorat (xiie s.) est d’une rigueur exemplaire : trois chapelles sur le déambulatoire, deux sur le transept, une tour-lanterne octogonale à la croisée du transept, une nef en berceau brisé sur doubleaux épaulée par d’étroits collatéraux voûtés d’arêtes, un portail à quatre voussures ondulées de sept lobes chacune, que surmonte un massif clocher carré aux arcs aveugles. La crypte, fortement maçonnée (xie s.), dépouillée à l’extrême, mystérieuse, ramène l’espace sacré à l’essentiel.

Ces fortes œuvres n’épuisent pas les richesses romanes limousines. Il y a encore les églises de Collonges, en grès rouge, de Lesterps, au puissant clocher-porche, de La Souterraine, dont la crypte vénérable témoigne d’un culte très ancien, d’Uzerche, de Meymac, du Moutier-d’Ahun. Cistercienne par ses vitraux incolores dont les lames de plomb dessinent des figures géométriques, sa nef voûtée d’un berceau brisé, son abside polygonale, mais fortement marquée par les influences romanes locales, l’église d’Aubazines (fin du xiie s.) s’élève sur une colline entre Brive et Tulle, au centre du village qui lui doit la vie.

La seule réalisation gothique d’envergure en Limousin est la cathédrale de Limoges*. Mais il existe, sur des pitons ou des pentes abruptes, d’imposants châteaux construits ou remaniés aux xive et xve s. : Turenne, Crozant, Malval, Bonneval, Montbrun, Arnac-Pompadour... La « chambre des Chasses » du château de Rochechouart conserve des peintures murales pleines de mouvement (début du xvie s.).

De la Renaissance datent l’hôtel Labenche de Brive et celui des Moneyroux de Guéret. Des temps classiques, les châteaux de Saint-Germain-Beaupré, de Cosnac ou le ravissant Saint-Priest.


Les émaux limousins

Les musées de Limoges et de Guéret ainsi que plusieurs églises de la province — Ambazac, Bellac, Gorre, Saint-Sulpice-les-Feuilles, Le Chalard, Nexon, Saint-Martin de Brive — conservent d’admirables exemples de la production des ateliers d’émaillerie (v. émail) et d’orfèvrerie du Limousin. Ces œuvres ont des rapports étroits avec les pièces des ateliers de Conques, de Santo Domingo de Silos en Castille et de Roda de Isábena en Aragon. Les émaux circulaires de la châsse reliquaire de Bellac, aux magnifiques tons vert, bleu, turquoise, se détachent de l’or des fonds et représentent le Christ tenant une croix-enseigne, l’agneau nimbé portant la croix triomphante, les symboles des évangélistes, l’arbre de Vie et la Vierge. Par ses traits vigoureux, la plénitude de ses volumes, la symphonie de ses ors et de ses tons rouge, turquoise, jaune, bleus, la châsse de Gimel, avec ses anges, ses apôtres en mouvement et Jésus en buste sur les nuages, est un chef-d’œuvre. Celle de Malval, au musée de Guéret, représente sur une face le martyre de saint Étienne et sur l’autre un merveilleux décor diapré de quatre-feuilles. Somptueuse aussi la châsse d’Ambazac, en cuivre repoussé, ornée d’émaux, de cabochons, de gemmes.

L’église de Sainte-Fortunade garde le chef reliquaire en bronze étamé de la sainte (xve s.) : visage intemporel, d’une grâce exquise et cependant inquiète, celle de l’adolescente éternelle.


Les tapisseries de la Marche

Les ateliers de tapisseries* de la Marche sont nés et se sont développés à Felletin, Aubusson et Bellegarde. Le comte de la Marche aurait, en 1331, confirmé ses privilèges à la ville d’Aubusson et appelé des artisans flamands d’Oudenaarde. Aux xve et xvie s., ces ateliers eurent une activité intense et un grand rayonnement. Les tentures murales qu’ils produisaient, destinées aux grandes demeures, représentaient des animaux et des feuillages, des « paisages et boccages avec de petites figures, des oiseaux ou bien de petites devises ».

Encouragée par l’édit d’Henri IV interdisant l’importation des tapisseries (1601), la production se développa et mit à ses programmes des thèmes mythologiques. Elle s’effondra au xviiie s. : les œuvres de la Marche ne furent plus que des copies des Gobelins et de Beauvais ; par la suite, la décadence s’aggrava. Or, un renouveau spectaculaire s’est manifesté à partir de 1940, grâce à des artistes réfugiés dans la région, en particulier Jean Lurçat*, et aujourd’hui deux cent cinquante métiers à tisser témoignent de la vitalité de cet artisanat. Lurçat, Gromaire*, Lucien Coutaud, Jean Picart le Doux, Marc Saint-Saëns, H. G. Adam*, Mario Prassinos, Michel Tourlière et beaucoup d’autres ont fourni des cartons aux meilleurs ateliers, qui ont remis en honneur la technique médiévale caractérisée par le gros point et une gamme réduite d’environ vingt-cinq nuances.

J. P.

➙ Brive-la-Gaillarde / Corrèze / Creuse / Limoges / Vienne (Haute-).

 A. Perpillou, le Limousin. Étude de géographie physique régionale (Hachette, 1940). / M. Ballot et L. Dautremont, Histoire de la Corrèze et du Bas-Limousin (Charles-Lavauzelle et Cie, 1945-1960 ; 2 vol.). / A. Perpillou, M. Ballot, M. M. S. Gauthier et A. Betgé, Visages du Limousin et de la Marche (Horizons de France, 1949). / D. Brelingard, Histoire du Limousin et de la Marche (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1950). / A. Schmidt et L. Timbal, la Région limousine (Charles-Lavauzelle et Cie, 1951). / P. Morel, Marche et Limousin (Arthaud, 1952). / J. Maury, M. M. S. Gauthier et J. Porcher, Limousin roman (Zodiaque, La Pierre-qui-Vire, 1960). / M. M. S. Gauthier, « l’Art dans le Limousin et la Marche », dans Limousin (Horizons de France, 1968). / Merveilles des châteaux d’Auvergne et du Limousin (Réalités - Hachette, 1971). / S. Lerat, Limousin. Périgord (Larousse, 1974). / E. R. Labaude (sous la dir. de), Histoire du Poitou, du Limousin et des pays charentais (Privat, Toulouse, 1976).