Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Limousin (suite)

Les guerres de religion semblent tout d’abord épargner le Limousin, mais les seigneurs pensent échapper à la tutelle royale sous couvert d’un conflit idéologique : Henri de La Tour d’Auvergne, vicomte de Turenne, converti au protestantisme en 1576, multiplie les expéditions contre les villes et les seigneuries voisines. Henri IV*, couronné en 1589, annexe la vicomte de Limoges en 1607 : le Limousin, dévasté, perd le bénéfice du redressement économique amorcé après la guerre de Cent Ans.

La monarchie instaure une nouvelle période dans l’histoire du Limousin : centralisatrice, elle restaure l’unité du Limousin et écarte la noblesse du pouvoir. Les bourgeois récupèrent les pouvoirs qui leur avaient été confiés par Charles V, alors que la noblesse perd les siens. La vicomté de Turenne, dernière seigneurie indépendante, est cédée au roi en 1738. Les intendants détenteurs de l’autorité royale administrent le Limousin avec efficacité. Turgot*, de 1761 à 1774, sera le plus célèbre intendant du Limousin. Il fait rénover les villes de Limoges, de Brive et de Tulle ; sous son impulsion, une école vétérinaire est fondée, la culture de la pomme de terre est introduite et le mouton améliore les jachères. Enfin, l’industrie de la porcelaine à Limoges crée les bases d’une économie stable et rémunératrice.

Le 26 février 1790, l’Assemblée nationale constituante découpe le Limousin en trois départements, Haute-Vienne, Creuse et Corrèze, respectant les limites culturelles de la province. Le Limousin connaît alors une longue période de calme, sinon de marasme, économique. L’industrie progresse lentement, et l’agriculture reste figée en dépit d’efforts pour favoriser de nouvelles cultures ou une meilleure technique de l’élevage. Le Limousin est alors à l’origine d’un vaste mouvement d’émigration : en 1801, treize mille Creusois quittent le département ; en 1820, quinze mille. Après la Première Guerre mondiale, l’émigration limousine se transforme : auparavant masculine et temporaire, elle devient généralisée et définitive. Cette tendance au dépeuplement continue jusqu’en 1962, semble s’inverser actuellement : le recensement de 1968 montre un gain positif de 0,3 p. 100 sur 1962, bien que la presque totalité des communes du Limousin se tiennent au-dessous de la moyenne française.

M. S.


L’art en Limousin et Marche

L’époque romane a laissé en Limousin des églises de grand caractère qui témoignent de l’importance des implantations monastiques du haut Moyen Âge. Tous les monastères limousins furent des centres artistiques constamment vivifiés par les échanges entre pays de langue d’oil et de langue d’oc, que favorisaient la route de pèlerinage menant de Vézelay à Compostelle et aussi celles qui reliaient les abbayes bénédictines réformées par Cluny.

« Puissance des masses, précision châtiée des lignes, densité des supports, sobriété de l’ornement, ce sont là des valeurs communes aux monuments romans du Limousin. » (J. Maury.) Ainsi de Beaulieu, Solignac, Saint-Léonard-de-Noblat, Chambon-sur-Voueize, Saint-Junien, Le Dorat.

Située au bord de la Dordogne, l’abbaye de Beaulieu remonte au ixe s., mais, pour l’essentiel, l’église actuelle date du xiiie s. Elle émerge des vieux toits du village entouré d’arbres, d’eau et d’herbages. Son chevet n’est qu’harmonie de courbes, et son portail se place au premier rang des fortes œuvres de la sculpture romane. Le tympan (5,88 m sur 4,10 m) est dominé par le Christ glorieux de la parousie : les bras étendus à l’horizontale, les mains largement ouvertes, drapé dans une robe aux amples plis, le visage serein aux yeux immenses, il apparaît comme le vainqueur du mal. À l’appel de la trompette sonnée par un ange, les morts soulèvent les pierres sépulcrales et le regardent, ébahis ; saint Pierre le contemple, comprenant enfin que la croix permet l’accès à la gloire. Car, derrière le Seigneur, la croix nimbée, portée par des anges, se dresse pour rappeler quel fut le prix de la Rédemption. Les puissances mauvaises, incarnées en des animaux de cauchemar, sont représentées au registre intermédiaire et au linteau, terrassées par le Christ. Au trumeau, directement inspiré de Moissac, des personnages en atlantes supportent le tympan et, aux pieds-droits, saint Pierre et saint Paul, en des attitudes ondoyantes, gardent l’entrée de l’abbatiale. Enfin, sur la face interne des contreforts du portail, le maître de Beaulieu a représenté Daniel dans la fosse aux lions et le Christ au désert repoussant la triple tentation de Satan : deux annonces du triomphe de la Grâce qui éclate au tympan. L’église a la forme d’une croix latine. Sa nef de quatre travées, voûtée en berceau sur doubleaux comme le large transept, est flanquée de bas-côtés voûtés d’arêtes. À la croisée s’élève une coupole à huit pans sur pendentifs plats, que surmonte le clocher octogonal trapu. Le chœur, voûté en cul-de-four et éclairé par quatre fenêtres en plein cintre, repose sur cinq arcs brisés supportés par des colonnes cannelées. Un déambulatoire à voûtes d’arêtes l’entoure, sur lequel s’ouvrent trois chapelles en hémicycle pareilles à celles des bras du transept.

L’église de Solignac s’inscrit dans le paysage d’eaux vives et de verdure de la vallée de la Briance. Là, dès le viie s., s’éleva une abbaye qui devait être à l’origine de tous les ateliers d’orfèvrerie du Limousin. Ne dit-on pas que saint Éloi y fit pratiquer l’ « opus inclusiorum », qui consistait à enchâsser des verres taillés et des pierres précieuses, à froid, dans des réseaux de lamelles d’or ? Souvent pillée et incendiée du viiie au xie s., elle connut au xiie une grande prospérité dont témoigne son église à coupoles. Du narthex, on descend par quatorze marches dans un vaste espace (62 m sur 17,70 m), parfait dans ses proportions et tout baigné de paix. Deux travées carrées constituent la nef, couverte de coupoles hémisphériques reposant sur de grands arcs brisés que supportent des piliers carrés ; entre ceux-ci, le long des murs percés de fenêtres en plein cintre, des arceaux soutiennent une étroite coursière. La coupole de la croisée du transept a le même diamètre (10,55 m) que celles de la nef. Le chœur à sept arcades est aussi voûté d’une coupole, mais aplatie contre l’arc de l’entrée et reposant sur le mur du chevet, percé de cinq fenêtres.