Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Légion étrangère (suite)

Les traditions de la Légion étrangère

Malgré l’évolution de son recrutement, qui fait que successivement tel ou tel pays a pu l’emporter par le nombre de ses ressortissants, la Légion présente quelques caractéristiques originales et typiquement françaises qui lui donnent une physionomie particulière.

• Elle est tout d’abord une troupe de métier où tous les hommes sont volontaires, ce qui donne des unités très différentes de celles qui sont issues de la conscription.

• Bien qu’ouvert, en principe, à tout individu de quelque pays qu’il soit, le recrutement est, dans la pratique, essentiellement européen, avec prédominance de l’Europe centrale (Allemands, Tchèques, Hongrois...) ou occidentale (Français, Espagnols, Italiens...), ce qui crée quand même une certaine homogénéité.

• Au moment de son engagement, le légionnaire donne le nom et l’adresse qu’il veut, mais on ne lui demande aucune justification. En contrepartie, on considère que ses déclarations sont sans valeur légale ; aussi, pour retrouver une identité officielle, le légionnaire doit-il faire « rectifier son état civil » par un acte notarié. Une des conséquences de cette situation est que quiconque tient à jeter un voile sur son passé peut le faire tant qu’il est à la Légion : il s’y trouve comme un inconnu.

• Séparé de sa famille, souvent sans contact avec sa patrie, ignorant les permissions, le légionnaire cherche à trouver dans son corps une nouvelle famille. Il aime à avoir un foyer ou un mess où il se sente chez lui, à organiser des fêtes comme Noël, les Rois et surtout Camerone le 30 avril. Ainsi, il fait sienne la devise « Legio Patria Nostra ».

• Le légionnaire tient à son uniforme, qu’il soigne particulièrement (képi blanc, épaulettes, grenade à 7 branches), et à tout ce qui le distingue des autres militaires, qui composent à ses yeux « la régulière ». Il est fier du Boudin, hymne écouté au garde-à-vous par tous les légionnaires.

• Si, en temps de paix, le légionnaire sait pratiquer toutes sortes de travaux, il est au combat un soldat de très haute qualité, remarquablement débrouillard, entraîné par plusieurs années de métier et cherchant toujours à honorer son engagement et le renom de son unité.

• La Légion se fait gloire d’avoir compté dans ses rangs des chefs militaires célèbres, comme les maréchaux de Saint-Arnaud, de Mac-Mahon et Canrobert, les généraux Rollet, Kœnig, Monclar..., de hautes personnalités, telles que le futur roi Pierre Ier de Serbie (sous-lieutenant à la Légion en 1870), le prince Aage de Danemark (1887-1940), qui y servit de 1922 à 1934, l’écrivain Blaise Cendrars (1887-1961) et, après 1920-21, de nombreux officiers russes des armées Wrangel et Koltchak.

La Légion a rassemblé plus de soixante nationalités parmi ses engagés, ce qui explique qu’à la différence des autres drapeaux et étendards de l’armée française, marqués à la devise Honneur et Patrie, ceux de la Légion portent l’inscription Honneur et Fidélité.

H. de N.

 P. Mac Orlan, la Légion étrangère (Flammarion, 1933). / J. Weygand, Légionnaire (Flammarion, 1951). / J. Brunon et G. R. Manue, le Livre d’or de la Légion étrangère, 1831-1955 (Charles-Lavauzelle, 1959). / E. O’Ballance, The Story of the French Foreign Legion (Londres, 1961). / J. Des Vallières, Et voici la Légion étrangère (Bonne, 1962). / Mémorial de la Légion étrangère (Éd. du Panthéon, 1966). / E. Bergot, la Légion (Balland, 1972).

Légion d’honneur

Ordre national français créé par Bonaparte en 1802.


« L’unique décoration de la Légion d’honneur, avec l’universalité de son application, est le type même de l’égalité. Cette institution met sur le même rang le prince, le maréchal et le tambour » (Napoléon). Cet esprit égalitaire, inauguré par l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, créé par Louis XIV en 1693, avait marqué les Constituants, qui, en 1791, après avoir aboli tous les privilèges, devaient statuer « s’il devait y avoir une décoration unique [...] accordée aux vertus, aux talents et aux services rendus à l’État ». La Constitution de l’an VIII prévoyant des récompenses « pour services éclatants rendus en combattant pour la République « (art. 87), on avait décidé, par arrêté du 25 janvier 1800, de distribuer des armes d’honneur. Ayant rénové les grands corps de l’État et ramené la paix religieuse, Bonaparte voulut aller plus loin et réunir dans le culte de l’honneur et de la patrie les cadres des ordres civils, militaires et religieux en y joignant « ceux qui, par leur travail ou leur talent, concourent à la prospérité du pays ». Ainsi fut constitué cette sorte d’état-major de la nation qu’est pour lui la Légion d’honneur. Créée par la loi du 29 floréal an X (19 mai 1802) et organisée le 22 messidor an XII (11 juill. 1804), elle comprenait un grand conseil de sept membres et seize cohortes, dotées chacune d’un capital financier, d’un hospice et d’une ferme. Chaque cohorte groupait sous un chef 7 grands officiers, 20 commandants, 30 officiers et 250 légionnaires, qui recevaient un traitement prélevé sur ses revenus. 2 318 titulaires d’armes d’honneur devinrent légionnaires de droit. En 1805, l’Empereur créa la dignité de grand aigle ; le premier grand chancelier fut un civil, le savant Bernard de Lacépède (1756-1825), qui installa ses services dans le palais du prince de Salm à Paris. L’insigne était une étoile à cinq branches portant à l’avers le profil de l’Empereur et au revers l’aigle et la devise « Honneur et Patrie ». Après les premières distributions faites par Napoléon aux Invalides et au camp de Boulogne (15 juill. et 16 août 1804), on comptait 11 656 légionnaires. Il y en aura 29 884 en 1814. La Restauration supprima le système des cohortes, transforma la Légion en ordre, appela grands-croix et commandeurs les anciens grands aigles et commandants, et remplaça dans l’insigne le profil de Napoléon par celui d’Henri IV et l’aigle par les fleurs de lis, auxquelles Louis-Philippe devait substituer deux drapeaux tricolores croisés. De 59 760 en 1848, le nombre des membres de la Légion d’honneur passa à 78 145 (dont 21 600 civils) à la fin du second Empire, durant lequel Napoléon III rétablit l’insigne dans la forme primitive que lui avait donnée son oncle. La IIIe République modifia cet insigne une fois de plus, remplaçant les symboles de son fondateur par l’effigie de la République et les drapeaux tricolores entrecroisés. Le nombre des légionnaires ne cessa d’augmenter, atteignant 121 000 en 1923, 205 000 en 1946 et 317 000 en 1965.