Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Juillet (monarchie de) [1830-1848] (suite)

Dès l’aube de la monarchie de Juillet, la question sociale est à l’ordre du jour. Parallèlement aux condamnations portées contre un tel système économique par le courant doctrinaire socialiste et par les républicains, toute une série d’enquêtes émanant de milieux d’inspiration philanthropique et chrétienne ont dénoncé les pratiques dégradantes du patronat de fabrique. L’histoire a retenu le Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie de Louis René Villermé, paru en 1840 ; De la misère des ouvriers et Du paupérisme de P. M. S. Bigot de Morogues (1832 et 1834) ; la Misère des classes laborieuses en France et en Angleterre d’Eugène Buret (1840). Certains membres du clergé, voire de la jeune génération légitimiste, à leur tour s’émeuvent et condamnent.

Le 22 mars 1841, la Chambre adopte enfin la première loi sociale : la loi sur le travail des enfants dans les manufactures employant plus de vingt ouvriers ; l’embauche y est interdite avant l’âge de huit ans, la journée de travail limitée à huit heures pour les enfants de huit à douze ans et à douze heures de douze à seize ans. En fait, la loi demeurera lettre morte par la connivence des employeurs et des parents.

La question du rôle de l’État, au cœur des débats du mouvement ouvrier et socialiste, devait être posée de façon significative lors de la révolution* de 1848.

J. L. Y.

➙ Banque / Bourgeoisie / Catholicisme social / Chemin de fer / Guizot (F.) / Industrielle (révolution) / Louis-Philippe Ier / Ouvrière (question) / Restauration / Révolution de 1848 / Socialisme / Thiers (A.).

 P. Thureau-Dangin, Histoire de la monarchie de Juillet (Plon, 1884-1892 ; 7 vol.). / M. Rousselet, la Magistrature sous la monarchie de Juillet (Sirey, 1937). / F. Ponteil, l’Éveil des nationalités et le mouvement libéral (P. U. F., 1960). / P. Vigier, la Monarchie de Juillet (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1962 ; 4e éd., 1972). / G. de Bertier de Sauvigny, la Révolution de 1830 en France (A. Colin, coll. « U 2 », 1970). / F. Julien-Laferrière, les Députés fonctionnaires sous la monarchie de Juillet (P. U. F., 1970). / J.-L. Bory, la Révolution de Juillet (Gallimard, 1972).

Juin (Alphonse)

Maréchal de France (Bône 1888 - Paris 1967).


Né au sein d’une famille militaire modeste, Juin a une jeunesse austère et une éducation sévère. Élève d’une école primaire de Constantine, il est admis au lycée à treize ans comme boursier. Il passe ses vacances chez ses grands-parents, au phare du cap Rosa, lieu des rêves de son enfance, face aux horizons méditerranéens qui resteront toute sa vie au centre de ses pensées. Admis à Saint-Cyr en 1909, il sort major de la promotion de Fès dont fait partie Charles de Gaulle*. D’emblée, le sous-lieutenant Juin se fait affecter au Ier régiment de tirailleurs algériens dans le Maroc oriental et entre en guerre comme on entre au couvent : Guercif et Msoun en 1912-13, puis la colonne de Taza sous les ordres de Gouraud*, en avril 1914, sont les premières étapes d’un « chemin de guerre » qui ne cessera pratiquement jamais. En septembre 1914, il prend part aux combats à l’est de Paris, est blessé, reçoit la Légion d’honneur, puis est blessé de nouveau le 15 mars 1915 à Mesnil-les-Hurlus ; malgré de multiples interventions, il restera mutilé de la main droite et ne saluera plus que de la main gauche. Après un séjour au Maroc en 1916 comme officier d’ordonnance de Lyautey* — au cours duquel se crée une totale harmonie entre le grand seigneur racé et le petit capitaine si bien doué —, il retourne au front en 1917 auprès de ses troupes marocaines, qu’il nommera plus tard les « hirondelles de la mort ». La fin de la guerre le trouve à l’état-major de la 153e division.

De nouveau au Maroc en 1919, il le quitte pour l’École supérieure de guerre, puis, en 1921, pour l’état-major de la division de Tunisie. Le Maroc l’accueille encore en 1924 aux états-majors de Meknès et de Fès, puis à celui du groupe mobile du colonel Noguès (1876-1971) lors de la campagne du Rif de 1925. Nommé chef de bataillon à 38 ans et frappé par l’injustice qui s’abat à ce moment sur le créateur du Maroc moderne, il demande à suivre le maréchal Lyautey dans sa disgrâce et demeure près de lui durant dix-huit mois. Il devient en 1931 chef du cabinet militaire du résident général à Rabat, Lucien Saint. En cette qualité, c’est lui qui, avec le général Noguès, directeur des affaires politiques, va inspirer l’achèvement de la pacification de 1929 à 1933. Lieutenant-colonel en 1932, il est professeur en 1933 à l’École supérieure de guerre, où il s’insurge contre des « méthodes sans imagination devenues intouchables par la conviction de ceux qui les ont employées durant la Grande Guerre et leur ont, depuis, conservé une foi aveugle ». Le commandement du 3e zouaves à Constantine en 1935 est pour lui une heureuse et exultante détente parmi des gens et une nature qui lui sont fraternels. Général à 50 ans, il sert quelque temps à l’état-major du Conseil supérieur de la guerre. En 1939, il s’indigne contre la non-intervention immédiate de la France en Pologne : « Mon pays est désormais en état de péché mortel », dira-t-il. C’est à la tête de la 15e division motorisée que le général Juin, jouant remarquablement de son artillerie, brise en mai 1940 devant Gembloux (Belgique) la ruée du 16e corps blindé allemand, en lui infligeant de lourdes pertes. Durant la retraite, il se dégagera par trois fois dans des conditions particulièrement difficiles et s’enfermera dans Lille pour offrir à l’ennemi une résistance poussée jusqu’à l’épuisement de ses munitions. Interné dans la forteresse de Königstein (Saxe), il sera libéré en juin 1941 sur la demande du gouvernement de Vichy pour aller prendre aussitôt les fonctions d’adjoint au général commandant supérieur au Maroc, puis, lorsque les Allemands auront exigé le rappel du général Weygand*, celles de commandant en chef en Afrique du Nord (nov. 1941).