Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

anges et démons (suite)

Le Nouveau Testament est en parfaite harmonie sur ce point avec le judaïsme ambiant. Certes, il combat certains excès qui risquaient de présenter les anges comme supérieurs au Christ, ou d’étouffer la véritable vie spirituelle sous des pratiques superstitieuses. Mais toujours il suppose comme certaine l’existence des anges. L’ange Gabriel annonce la naissance de Jean-Baptiste et celle de Jésus, des anges avertissent les bergers de la naissance du Sauveur, d’autres interviennent dans les récits de la Passion du Christ et de sa résurrection. Les Actes des apôtres, les Épîtres et plus encore l’Apocalypse les mentionnent souvent. En somme, l’existence des anges est une donnée ferme et constante de tout le Nouveau Testament.

Les anges mauvais, dont le chef est le diable, ou Satan, sont responsables de la tentation de Jésus et de la trahison de Judas ; ils tentent aussi les disciples et ils sèment l’ivraie parmi le bon grain ; ils sont condamnés au feu éternel (Matthieu, XXV, 41). Sous des termes différents (« démons » ou « esprits impurs »), le Nouveau Testament désigne les esprits mauvais responsables de diverses maladies, et surtout de maladies nerveuses. Même si la science moderne impute ces maladies à des causes naturelles, il n’en reste pas moins que leur attribution à une cause démoniaque confirme la croyance admise par Jésus et ses disciples à l’existence et à l’action multiforme d’esprits pervers, acharnés à combattre Dieu et à persécuter les hommes. Aussi la prière essentielle des chrétiens, le « Notre Père », contient-elle une requête particulière pour demander à Dieu de nous tenir à l’écart du « pervers ».

À la suite de l’Ancien et du Nouveau Testament, et peut-être sous leur influence, le Coran parle très souvent des anges, et professe une doctrine analogue à celle du judaïsme et du christianisme. Ce point de doctrine est même considéré comme l’un des plus importants : « L’homme bon est celui qui croit en Allāh et au Dernier Jour, aux Anges, à l’Écriture et aux Prophètes » (Coran, II, 172). Au contraire, l’« infidèle » est défini comme « celui qui est ennemi d’Allāh, de ses Anges, de ses apôtres, de Gabriel, de Michel » (II, 92). De même, l’existence du démon ne fait aucun doute, car il a tenté Adam et il continue à tromper et à séduire les hommes.

Les théologiens chrétiens ont beaucoup spéculé sur la nature même des anges ; mais toutes les théories échafaudées ne reposent pas sur de réelles bases scripturaires ; elles sont surtout l’application des principes philosophiques de chaque école. Aussi les conciles, surtout le 4e de Latran en 1215 et le 1er du Vatican en 1869-1870, ont-ils bien soin d’affirmer seulement l’existence des anges et des démons, sans se prononcer sur leur nature.

Le rapprochement de quelques textes bibliques permet de distinguer plusieurs classes parmi les anges : l’Épître de Jude attribue à Michel le titre d’« archange » ; la Genèse et Isaïe parlent des « chérubins » et des « séraphins » ; l’Épître aux Éphésiens énumère « les principautés, les puissances, les vertus, les dominations » et celle aux Colossiens ajoute « les trônes ». En complétant par « les anges » en général, on obtient les neuf chœurs, qui ont si largement inspiré la piété populaire.

Certes, le culte adressé aux anges et les exorcismes contre les démons ont pu dégénérer parfois en superstition ou en magie. Mais, à condition de se garder de tels excès, le culte des anges est considéré comme sain et légitime, ainsi qu’en témoignent l’Écriture, les Pères de l’Église avec Justin et Athênagoras au iie s., Origène au iiie s., Eusèbe de Césarée et Ambroise au ive s., et comme le confirme toute l’histoire de la spiritualité chrétienne.

J. C.

Anges (les)

Dynastie byzantine, qui régna de 1185 à 1204.


La mort affreuse d’Andronic Comnène, dépecé vivant par une populace en furie le 12 septembre 1185, scelle le règne séculaire de la dynastie homonyme. Un membre de la noblesse, Isaac Ange, qui a sauvé sa liberté et sa vie en sabrant le favori du basileus honni, est proclamé empereur.


Isaac II Ange (1185-1195)

Il témoigne d’une grande énergie pour conserver à l’empire son intégralité territoriale, mais sa politique intérieure laisse libre cours aux abus que son prédécesseur a voulu extirper : vénalité des charges, corruption des fonctionnaires, fiscalité écrasante, extorsions éhontées des percepteurs. Le faste de la Cour et les caprices dispendieux du prince achèvent de vider les caisses de l’État : pour couvrir les frais de son mariage avec la fille du roi de Hongrie, le basileus doit recourir à un impôt extraordinaire sur les troupeaux. Le morcellement des anciennes provinces et la croissance ininterrompue des grands domaines privés contribuent à diminuer l’autorité du gouvernement central et à favoriser l’omnipotence des latifundiaires. Le premier soin du nouvel empereur est de débarrasser l’empire des Normands qui, sous Andronic Comnène, ont envahi la Macédoine et progressent vers Constantinople. Deux défaites successives les obligent à évacuer immédiatement Thessalonique, puis plus tard Durazzo et Corfou. La disparition de ce danger est opportune, car, à la fin de la même année (1185), l’empire doit affronter la révolte des populations balkaniques exaspérées par le fardeau excessif des impôts. L’insurrection des Bulgares et des Valaques aboutit à la séparation totale de la Bulgarie d’avec Byzance.

En 1186 et 1187, Isaac lance plusieurs expéditions contre les Bulgares, mais sans succès décisif. Tourmenté au même moment par l’expansionnisme serbe et des mouvements séparatistes, il se résigne à composer avec les insurgés : on leur abandonne la région comprise entre le Danube et la chaîne des Balkans. Ce second Empire bulgare, dont le tsar sera couronné par un légat du pape (1204), devait être une écharde dans le flanc de l’empire jusqu’à sa destruction par les Ottomans en 1396. Ce conflit réglé, un danger autrement redoutable se présente : la croisade de Frédéric Barberousse. Isaac, après lui avoir promis libre passage, fait volte-face. Il incarcère les ambassadeurs allemands et s’abouche avec Saladin pour ruiner cette entreprise. Barberousse, secondé par les Serbes et les Bulgares, traite le territoire impérial en pays ennemi : une fois la Thrace ravagée, il se prépare à marcher sur la capitale. Le basileus aux abois capitule : par le traité d’Andrinople (févr. 1190), il s’engage à réparer ses torts et à faire passer les croisés en Asie Mineure. Après leur départ, il entreprend de restaurer l’autorité impériale sur les populations slaves. Il bat Étienne Nemanja, joupan de Serbie, sur la Morava (automne 1190), et l’oblige à restituer ses conquêtes récentes, mais ses tentatives pour soumettre les Valaquo-Bulgares (1190-1194) se soldent par de graves échecs. Au moment où il prépare contre eux une nouvelle expédition, avec l’appui du roi de Hongrie, il est renversé par son frère (avr. 1195), qui le fait aveugler et emprisonner.