Angers (suite)
Angers, ville d’art
De l’époque faste du xiie s., Angers a conservé des monuments, témoignages d’un style gothique à la fois très novateur et d’une haute originalité. Ce style se caractérise par une voûte surhaussée, bombée, dite « voûte domicale » ; le système est employé pour la première fois à la nef unique de la cathédrale Saint-Maurice (milieu du xiie s.), ornée de superbes vitraux de la fin du xiie s., puis il s’allège dans le chœur et le transept, où se multiplient les nervures (début du xiiie s.). Il démontre sa perfection et son élégance à la Trinité et dans les trois nefs égales, longues de 60 m, de la grande salle des malades de l’hôpital Saint-Jean, fondé en 1175 par Henri II Plantagenêt. Mais la virtuosité ultime est atteinte avec le chœur de l’église Saint-Serge (xiiie s.), d’une légèreté souveraine.
Au temps de Saint Louis, devenue un avant-poste stratégique du royaume de France face à la Bretagne, Angers fut entourée d’une enceinte nouvelle et dotée d’une forteresse, l’une des plus importantes du temps, construite entre 1230 et 1240. C’est un pentagone irrégulier d’un périmètre de près d’un kilomètre, flanqué de dix-sept tours rondes ; leur grande hauteur, 40 à 60 m, et les bases talutées sont bien conçues pour résister à l’escalade comme à la sape ; les assises alternées de schiste et de granité dénotent une intéressante recherche décorative. À l’intérieur, depuis 1954, une double galerie construite par les Monuments historiques a permis de présenter la prodigieuse tenture de l’Apocalypse. Unique par ses dimensions actuelles (107 m), elle marque une date clé dans l’art de la tapisserie. Elle a été commandée par le duc mécène Louis Ier d’Anjou, frère du roi Charles V, au tapissier le plus célèbre de Paris, Nicolas Bataille, qui traduisit les cartons du peintre Hennequin (ou Jean) de Bruges (Jan Bandol ou Bondolf). Les registres de comptes le mentionnent entre 1373 et 1379. Sur des fonds alternativement bleus et rouges, les scènes symboliques du texte de saint Jean sont illustrées avec un sens égal du grandiose et du fantastique. Soixante-huit scènes complètes subsistent sur la centaine de l’œuvre originale, qui se répartissaient en sept pièces accompagnées de versets calligraphiés et encadrés de bordures. C’est le roi René d’Anjou, né dans ce château, qui léguera la tenture de l’Apocalypse à la cathédrale d’Angers, en 1480. D’autres ensembles de tapisseries des xve et xvie s. (Anges portant les instruments de la Passion, la Dame à l’orgue, la Reine des Amazones, la Vie de saint Maurille, la Vie de saint Florent) forment une magnifique anthologie de cet art, en partie « des bords de la Loire ». Pour enrichir ses collections dans ce domaine, la ville d’Angers a acquis en 1967 la tenture de Jean Lurçat* le Chant du monde, en dix pièces.
À la fin du Moyen Âge, le domaine de l’architecture civile témoigne d’une heureuse activité et de la prospérité de la nouvelle bourgeoisie. La maison d’Adam (fin xve s.) est à pans de bois, agrémentés de sculptures gaillardes. Le logis Barrault (v. 1490), très caractéristique du style flamboyant, garde le souvenir de quelques hôtes illustres : Marie de Médicis, le maréchal de Brézé, le duc de Rohan. Il abrite aujourd’hui la bibliothèque et le musée, fier notamment des œuvres du sculpteur romantique David d’Angers. Le logis Pincé (v. 1520-1530) représente la Renaissance, l’époque où Rabelais vient à Angers visiter son grand oncle aubergiste, et où Clément Janequin*, grand polyphoniste de la « Bataille de Marignan », est maître de la psallette de la cathédrale. Les passions déchaînées par les guerres de Religion faillirent être fatales au château ; ses tours échappèrent de peu au démantèlement d’Henri III, grâce au sang-froid du gouverneur Donadieu de Puycharic. Plus tard, en 1661, ses cachots reçurent le surintendant Fouquet, arrêté à Nantes. Il joua son dernier rôle militaire en 1793, face à l’attaque de l’armée vendéenne.
F. E.