Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Angers (suite)

Angers, ville d’art

De l’époque faste du xiie s., Angers a conservé des monuments, témoignages d’un style gothique à la fois très novateur et d’une haute originalité. Ce style se caractérise par une voûte surhaussée, bombée, dite « voûte domicale » ; le système est employé pour la première fois à la nef unique de la cathédrale Saint-Maurice (milieu du xiie s.), ornée de superbes vitraux de la fin du xiie s., puis il s’allège dans le chœur et le transept, où se multiplient les nervures (début du xiiie s.). Il démontre sa perfection et son élégance à la Trinité et dans les trois nefs égales, longues de 60 m, de la grande salle des malades de l’hôpital Saint-Jean, fondé en 1175 par Henri II Plantagenêt. Mais la virtuosité ultime est atteinte avec le chœur de l’église Saint-Serge (xiiie s.), d’une légèreté souveraine.

Au temps de Saint Louis, devenue un avant-poste stratégique du royaume de France face à la Bretagne, Angers fut entourée d’une enceinte nouvelle et dotée d’une forteresse, l’une des plus importantes du temps, construite entre 1230 et 1240. C’est un pentagone irrégulier d’un périmètre de près d’un kilomètre, flanqué de dix-sept tours rondes ; leur grande hauteur, 40 à 60 m, et les bases talutées sont bien conçues pour résister à l’escalade comme à la sape ; les assises alternées de schiste et de granité dénotent une intéressante recherche décorative. À l’intérieur, depuis 1954, une double galerie construite par les Monuments historiques a permis de présenter la prodigieuse tenture de l’Apocalypse. Unique par ses dimensions actuelles (107 m), elle marque une date clé dans l’art de la tapisserie. Elle a été commandée par le duc mécène Louis Ier d’Anjou, frère du roi Charles V, au tapissier le plus célèbre de Paris, Nicolas Bataille, qui traduisit les cartons du peintre Hennequin (ou Jean) de Bruges (Jan Bandol ou Bondolf). Les registres de comptes le mentionnent entre 1373 et 1379. Sur des fonds alternativement bleus et rouges, les scènes symboliques du texte de saint Jean sont illustrées avec un sens égal du grandiose et du fantastique. Soixante-huit scènes complètes subsistent sur la centaine de l’œuvre originale, qui se répartissaient en sept pièces accompagnées de versets calligraphiés et encadrés de bordures. C’est le roi René d’Anjou, né dans ce château, qui léguera la tenture de l’Apocalypse à la cathédrale d’Angers, en 1480. D’autres ensembles de tapisseries des xve et xvie s. (Anges portant les instruments de la Passion, la Dame à l’orgue, la Reine des Amazones, la Vie de saint Maurille, la Vie de saint Florent) forment une magnifique anthologie de cet art, en partie « des bords de la Loire ». Pour enrichir ses collections dans ce domaine, la ville d’Angers a acquis en 1967 la tenture de Jean Lurçat* le Chant du monde, en dix pièces.

À la fin du Moyen Âge, le domaine de l’architecture civile témoigne d’une heureuse activité et de la prospérité de la nouvelle bourgeoisie. La maison d’Adam (fin xve s.) est à pans de bois, agrémentés de sculptures gaillardes. Le logis Barrault (v. 1490), très caractéristique du style flamboyant, garde le souvenir de quelques hôtes illustres : Marie de Médicis, le maréchal de Brézé, le duc de Rohan. Il abrite aujourd’hui la bibliothèque et le musée, fier notamment des œuvres du sculpteur romantique David d’Angers. Le logis Pincé (v. 1520-1530) représente la Renaissance, l’époque où Rabelais vient à Angers visiter son grand oncle aubergiste, et où Clément Janequin*, grand polyphoniste de la « Bataille de Marignan », est maître de la psallette de la cathédrale. Les passions déchaînées par les guerres de Religion faillirent être fatales au château ; ses tours échappèrent de peu au démantèlement d’Henri III, grâce au sang-froid du gouverneur Donadieu de Puycharic. Plus tard, en 1661, ses cachots reçurent le surintendant Fouquet, arrêté à Nantes. Il joua son dernier rôle militaire en 1793, face à l’attaque de l’armée vendéenne.

F. E.

anges et démons

Être spirituel, inférieur à Dieu dans la théologie juive, chrétienne et islamique.


Bien des peuples ont cru à l’existence d’êtres spirituels intermédiaires entre Dieu et l’homme, et bien des religions leur ont adressé un culte. D’une certaine façon, l’on pourrait dire que la croyance en ces êtres spirituels fait partie du patrimoine commun d’une grande partie de l’humanité. Pour expliquer certains phénomènes dont il ne découvre pas les causes, l’esprit humain est naturellement porté à supposer l’existence d’êtres invisibles agissant d’une façon mystérieuse. Et, selon la nature des effets produits, ces êtres spirituels sont considérés comme bons ou mauvais.

Ces spéculations sont confirmées par des révélations positives dans le judaïsme (Ancien Testament), dans le christianisme (Nouveau Testament) et dans l’islām (Coran).

L’Ancien Testament appelle les anges des « messagers ». Et, en effet, ces êtres spirituels, qui forment auprès de Dieu une sorte de cour, sont ses messagers pour remplir près des hommes diverses fonctions d’information ou de protection, voire de punition des impies. On a souvent dit que la croyance aux anges s’était répandue chez les juifs lors de l’exil (vie s. av. J.-C.), au contact de la religion babylonienne. Et pourtant, dès la Genèse, les anges sont mentionnés en de nombreux récits, qu’il est bien difficile d’attribuer tous à des remaniements postexiliques : apparition à Sara, à Lot, à Agar, à Abraham, à Jacob, etc. Toutefois, à partir de l’exil, les anges jouent un rôle de plus en plus grand.

À côté d’eux, d’autres êtres spirituels, les démons, cherchent à nuire aux hommes, surtout en les poussant au mal. Le serpent de la Genèse semble bien le symbole d’un tel être démoniaque.

Cette croyance aux anges et aux démons était si répandue chez les juifs au iie s. av. J.-C. qu’elle a influencé profondément la pensée des esséniens. Selon Flavius Josèphe, chaque essénien devait, à son entrée, s’engager par serment à « conserver avec respect les noms des anges ». À Qumrān, la Règle de la guerre associe d’un côté les anges et les justes, d’un autre côté les démons et les pécheurs, dans la guerre qui doit aboutir à la destruction définitive des impies ; les anges bons sont commandés par Michel et les anges mauvais par Bélial. Surtout, le Livre d’Énoch présente une véritable angélologie, bien cohérente : « Les anges existent depuis le commencement du monde. Tous furent d’abord saints et spirituels, et des myriades le sont restés. Ce sont les anges fidèles qui forment l’armée du ciel, l’armée de Dieu... Ils remplissent une double mission auprès de Dieu : d’un côté ils le bénissent, le glorifient et l’exaltent ; de l’autre ils lui servent d’intermédiaires auprès des mauvais anges, des hommes et du monde... Les satans n’ont d’autre rôle que de faire le mal : ils tentent les anges et les séduisent, ils accusent les hommes devant Dieu, et il semble qu’ils sont chargés d’exécuter les jugements divins sur les pécheurs condamnés aux supplices éternels. » (F. Martin.)

Bien que nous ne connaissions le judaïsme « orthodoxe » que par des ouvrages moins anciens, nous constatons qu’ils reflètent la même croyance foncière aux anges et aux démons.