Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

industrielle (révolution) (suite)

Le prolétariat industriel

L’existence d’une immense masse de main-d’œuvre déracinée permet à la bourgeoisie capitaliste d’exercer une pression sur les salaires et d’augmenter la durée du temps de travail : cette augmentation du temps de travail sans augmentation des salaires est l’augmentation de la plus-value absolue. Dès le xviiie s., une journée de travail normal en Angleterre dure 13 à 14 heures. Dans les filatures de coton, la semaine de travail, au milieu du xviiie s., est de 75 à 80 heures. Elle baisse à 72 heures à la fin du xviiie s., mais remonte à 80 en 1804. Un jour chômé est un jour sans pain : à ce point de misère, Napoléon apparaît généreux lorsqu’il refuse d’interdire le travail le dimanche.

Mais l’organisation de la résistance ouvrière provoque, dès le milieu du xixe s., une limitation légale de la durée de la journée de travail : d’abord à 12, puis à 10 heures, enfin à 8 heures au xxe s. Pour augmenter la plus-value, le capital cherche alors à réduire le temps de travail nécessaire pour produire la valeur du salaire versé à l’ouvrier. C’est l’augmentation de la plus-value relative, c’est-à-dire l’accroissement de la productivité du travail : elle résulte d’une division du travail plus poussée, d’une organisation plus despotique dans l’usine, de l’emploi de nouvelles machines. Les prix des produits de consommation courante baissent : une quantité de fil de coton qui valait 16 shillings en 1779 ne coûte plus que 7 shillings en 1800, et un peu plus de 1 shilling en 1830. Mais le temps de travail nécessaire pour fabriquer les produits baisse encore plus rapidement (il fallait aux États-Unis 1 000 heures pour fabriquer 100 paires de souliers en 1860, il ne fallait plus que moins de 100 heures en 1895). L’intensification du travail par l’accélération du rythme et par l’augmentation du nombre de machines à surveiller par ouvrier aboutit ainsi à une exploitation accrue du travailleur.

L’introduction du machinisme entraîne d’abord un chômage considérable, puis une réduction des salaires : en 1824-25, l’introduction du métier à tisser mécanique provoque une réduction des salaires des tisserands anglais de 50 p. 100. Le chômage d’une masse d’ouvriers devient une armée de réserve industrielle qui permet de peser sur les salaires. Le machinisme industriel dévalue l’ensemble du travail manuel en transformant les ouvriers qualifiés en ouvriers non qualifiés ou semi-qualifiés.

Après les premières réactions luddistes (dont, en France, les plus importantes se produiront entre 1815 et 1825), la classe ouvrière concentrée dans les usines prend progressivement conscience de sa force et cherche à s’organiser contre l’exploitation patronale. C’est l’apparition des syndicats.


La deuxième et la troisième révolution industrielle

Le dernier quart du xixe s. voit l’apparition de modifications profondes du système économique industriel : une révolution énergétique fait apparaître, à côté du charbon et de la vapeur, le moteur à explosion et le moteur électrique. Le Belge Zénobe Gramme (1826-1901) invente la dynamo en 1871, Edison* l’ampoule électrique en 1878-79. L’énergie hydraulique est, pour la première fois en 1869, utilisée pour produire l’électricité par Aristide Bergès (1833-1904). A. G. Bell* invente le téléphone en 1876, Edouard Branly (1844-1940) et G. Marconi* mettent au point la T. S. F. entre 1890 et 1901. Le moteur Diesel est inventé en 1897. À la même époque, la sidérurgie est bouleversée par l’introduction du convertisseur de l’Anglais Henry Bessemer (1855), qui transforme l’acier en une matière première bon marché. Les États-Unis et l’Allemagne profitent plus que tout autre pays de cette deuxième révolution industrielle : en 1870, la production américaine d’acier Bessemer s’élevait à environ 30 000 t ; en 1890, à 1,9 Mt. L’acier remplace le fer pour les fabrications courantes, notamment les rails : en 1850, il y avait environ 35 000 km de voies ferrées dans le monde ; il y en avait 1 million en 1914. Le tonnage des bateaux atteignait 5 millions de tonneaux en 1850, 50 millions en 1914. En 1910, on produisait déjà 2 millions de voitures par an.

En Grande-Bretagne, le centre de gravité économique se déplace de Manchester (coton) à Birmingham (acier). L’arsenal d’inventions mis en place dès avant la Première Guerre mondiale permet un développement économique sans précédent entre les deux guerres. La production d’aluminium connaît entre 1905 et 1960 un bond analogue à celui qu’avait connu l’acier entre 1850 et 1900. Entre 1913 et 1960, la production de charbon n’augmente que de 50 p. 100, alors que celle de l’électricité s’accroît à un rythme beaucoup plus rapide, de même que celle du pétrole.

La concentration industrielle s’accélère : le nombre de sociétés sidérurgiques américaines tombe de 735 en 1880 à 16 en 1950. L’industrie chimique (acide sulfurique, soude, engrais, etc.) se développe, notamment en Allemagne. De nombreux pays neufs entrent sur le marché mondial (Japon, Russie, Italie), où ils s’organisent aussitôt d’après la structure industrielle la plus moderne des autres nations : prédominance des entreprises géantes, concentration du capital, emploi des nouvelles techniques de production. Les ententes entre capitalistes (cartels, groupements et trusts) ouvrent la voie au capitalisme des monopoles.

Dès les années 40 du xxe s. apparaissent les signes d’une troisième révolution industrielle, fondée sur l’énergie nucléaire et l’emploi des machines électroniques. Cette nouvelle étape se heurte d’abord aux intérêts des grandes firmes qui dominent le marché ; aux États-Unis, le Bell system et le groupe Rockefeller se sont opposés au développement des centrales nucléaires. Mais la concurrence internationale fait sauter ce blocage.

Dans la production, les procédés semi-automatiques des années 30 cèdent la place à l’automation pure et simple : les fonctions de surveillance sont assumées par des machines électroniques. Des bouleversements complets du système économique en résultent : le nombre de travailleurs occupés dans la production baisse pour la première fois (de 1953 à 1960, la production industrielle augmente aux États-Unis de 22 p. 100, l’emploi industriel baisse de 11 p. 100).