Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

indexation (suite)

Les indexations apparaissent aussi dans les contrats conclus entre particuliers ou entre sociétés, mais le plus souvent les tribunaux se refusent alors à admettre la validité des clauses d’indexation. Les motifs de cette attitude prennent des aspects différents selon qu’il s’agit ou non d’un contrat de prêt.
1o L’indexation figurant dans un contrat de prêt était déclarée nulle en vertu de l’article 1895 du Code civil, aux termes duquel « l’obligation qui résulte d’un prêt en argent n’est toujours que de la somme numérique énoncée au contrat »... « Le débiteur doit rendre la somme numérique prêtée et ne doit rendre que cette somme dans les espèces ayant cours au moment du paiement ». La jurisprudence considérait cet article 1895 comme d’ordre public et annulait donc, à la demande du débiteur, l’engagement qu’il avait pu éventuellement prendre de rembourser une somme en argent supérieure à celle qu’il avait empruntée.
2o Pour les autres contrats (contrats n’ayant pas pour objet un prêt), toute clause d’indexation tendant à protéger le créancier contre la dévaluation du franc (telle que la « clause-or » ou la clause « valeur-or ») était annulée par les tribunaux comme contraire aux lois sur le cours forcé de la monnaie.

La jurisprudence reconnut cependant valables certaines indexations, en particulier en interprétant l’article 1895 à la lumière d’un autre article du Code civil, l’article 1892, selon lequel « le prêt de consommation est un contrat par lequel l’une des parties livre à l’autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l’usage, à la charge par cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité ». La Cour de cassation entérina définitivement la thèse de la validité en déclarant, par un arrêt du 27 juin 1957, que « l’ordre public n’exige pas, dans le prêt d’argent, une protection des emprunteurs contre la libre acceptation du risque d’une majoration de la somme à rembourser, destinée à conserver à celle-ci le pouvoir d’achat de la somme prêtée, par le rapport au coût d’une denrée ». Désormais, toutes les clauses d’indexation étaient valables, à deux exceptions près : indexation sur l’or, indexation sur une monnaie étrangère. (La clause d’indexation sur l’or a été reconnue valable par un arrêt de la Cour de cassation du 26 nov. 1963.)

Mais les pouvoirs publics estimèrent ne pouvoir tolérer une telle extension de la validité des clauses d’indexation. Une discrimination était nécessaire ; elle a été réalisée par les ordonnances du 30 décembre 1958 et du 4 février 1959, prises en vertu de l’article 92 de la Constitution de 1958. Une troisième période de la vie des indexations s’ouvrait alors, concomitante à la dévaluation du franc de janvier 1959, qui impliquait pour le gouvernement de la Ve République un désir de stabilité monétaire désormais sans équivoque.

Les ordonnances de 1958 et 1959 font des distinctions entre les contrats conclus avant leur promulgation et les contrats postérieurs. Pour les contrats en cours à la date du 4 février 1959, les débiteurs pouvaient obtenir soit l’annulation, pour l’avenir, de la clause d’indexation, soit la modification de cette clause, ou bien, éventuellement, l’annulation du contrat lui-même. Les contrats devaient répondre à deux conditions :
1o Ils devaient concerner des « obligations réciproques à exécution successive », expression désignant essentiellement les contrats de travail, les conventions collectives, les contrats d’assurance à primes annuelles, les baux commerciaux ;
2o Ils devaient comporter une indexation fondée soit sur le salaire minimum légal, soit sur l’indice général des prix ou sur l’indice général des salaires, soit, plus généralement, sur les prix de biens n’ayant pas « une relation directe avec l’objet du contrat ou avec l’activité d’une des parties ». Les nouvelles indexations devaient donc obéir à ces normes précises.

Les règles concernant les contrats souscrits postérieurement aux ordonnances de 1958 et 1959 ont été précisées et interprétées par de nouvelles lois.


Législation applicable aux contrats actuellement souscrits

Elle dispose que « dans les nouvelles dispositions statutaires ou conventionnelles, sauf lorsqu’elles concernent des dettes d’aliment ou les rentes viagères constituées entre particuliers, notamment en exécution des dispositions du dernier alinéa de l’article 767 du Code civil » (conversion de l’usufruit de l’époux survivant en une rente viagère équivalente) « et de celles de l’article 1094, alinéa 3 du même Code » (conversion d’une libéralité en une rente viagère équivalente), « sont interdites toutes clauses prévoyant des indexations fondées sur le salaire minimum interprofessionnel garanti, sur le niveau général des prix et des salaires, ou sur les prix de biens, produits ou services n’ayant pas de relation directe avec l’objet du statut ou de la convention ou avec l’activité de l’une des parties » (art. 14 de l’ordonnance du 4 février 1959 et art. 4 de la loi du 13 juillet 1963).

« Est réputée en relation directe avec l’objet d’une convention relative à un immeuble bâti toute clause prévoyant une indexation sur la variation de l’indice national du coût de la construction publié par l’I. N. S. E. E.

« Est interdite toute clause d’une convention portant sur un local d’habitation prévoyant une indexation fondée sur l’indice « loyers et charges » servant à la détermination des indices généraux des prix de détail. Il en est de même de toute clause prévoyant une indexation fondée sur le taux des majorations légales fixées en application de la loi du 1er septembre 1948, à moins que le montant initial n’ait lui-même été fixé conformément aux dispositions de ladite loi et des textes pris pour son application » (loi du 9 juillet 1970).

Quelques exemples d’indexations valables

• Indexation du montant du prêt fait à un agriculteur cultivant du blé sur le prix de gros de cette denrée.

• Indexation du montant d’un prêt à la construction sur l’indice du coût de la construction.

• Indexation du montant d’un prêt fait à un médecin sur le tarif syndical de la consultation.