Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

hellénistique (monde) (suite)

C’est à Pergame aussi que fut réalisé le plus grand ensemble plastique de la période. Eumenês II, au sommet de sa puissance, fit élever vers 180, sur l’acropole, le grand autel de Zeus, dieu dont la dynastie prétendait descendre. C’était, au dire des Anciens, une des sept merveilles du monde. Deux frises décorent le monument (Berlin, Pergamon-Museum). Enveloppant sur trois côtés le socle sur lequel se dresse l’autel, la première représente une gigantomachie, ou combat des dieux et des Géants. Le thème appartient depuis l’époque archaïque au répertoire grec, et le maître d’œuvre a introduit dans sa composition diverses réminiscences classiques : ainsi, Athéna a la même attitude que sur le fronton ouest du Parthénon. Mais, si elle se rattache au passé hellénique, cette frise n’en est pas moins profondément novatrice. Le monde des dieux, tout pénétré d’orientalisme, admet à profusion des formes animales et monstrueuses. Et surtout les sculpteurs, en creusant profondément les traits des visages, en accentuant le gonflement des musculatures comme la torsion des membres humains et des corps des serpents, atteignent à une expression monumentale plus baroque que classique. La seconde frise, qui court sur le mur du portique entourant l’autel, raconte les aventures de Télèphe, petit-fils de Zeus et ancêtre présumé de la dynastie. Le principe du relief est tout à fait différent ; le récit est fait de la juxtaposition de petits tableaux ; l’artiste superpose les plans presque à l’infini et joue du paysage et de la lumière plus à la manière d’un peintre que d’un sculpteur. Chacune des deux frises, en son genre, a exercé une profonde influence sur la plastique hellénistique et romaine.


La sculpture hellénistique : le portrait

Les recherches de l’école de Pergame ne résument pas toute l’histoire de la sculpture hellénistique. L’importance nouvelle prise par l’individu explique le développement de l’art du portrait. Certes, on en connaissait déjà des exemples à l’époque classique. Mais Alexandre et ses principaux généraux lui donnent par leurs commandes une impulsion nouvelle. Nous avons déjà noté le rôle de Lysippe dans ce domaine. De plus, les rois rendent cet art particulièrement populaire en faisant figurer leur effigie sur leurs monnaies. Ces petits reliefs sont traités avec une maîtrise remarquable, et presque chaque souverain serait à citer ici. Les rois de Bactriane, par exemple, ne sont connus que par leurs monnaies ; l’un d’eux fit frapper à son effigie la plus grosse monnaie d’or connue à cette époque, qui est conservée à Paris. À côté de cet art presque industriel, le portrait sculpté se pratique aussi à grande échelle. Une statue de Démétrios Ier, roi de Syrie, en bronze, est bien caractéristique (Rome, musée des Thermes) : le souverain, plus grand que nature, est représenté nu, dans une pose et avec une musculature qui conviendraient aussi bien à un héros ou à un dieu ; mais la tête n’a rien d’idéalisé. Le musée du Louvre possède un torse de Mithridate, roi du Pont, qui est sans doute du même sculpteur que la Vénus de Milo, sculptée vers 100. C’est que la grande statuaire divine n’a pas disparu et qu’elle fait l’objet des mêmes recherches que le portrait. La Vénus reprend ainsi un type divin connu dès le ive s., mais le traitement du corps, le jeu des courbes et des volumes montrent l’évolution suivie. Le rendu des draperies retient aussi l’attention, comme on peut en juger d’après la Victoire de Samothrace (v. 190), où le vêtement accompagne et souligne le mouvement du corps ; cette œuvre témoigne de la vigueur et de l’originalité de l’école rhodienne.


L’art alexandrin

Une autre cour royale a joué un rôle particulier dans l’évolution de l’art hellénistique : c’est celle des Ptolémées à Alexandrie*, où régnaient un luxe et un raffinement extrêmes, notamment dans l’aménagement des palais et dans les arts mineurs, comme l’orfèvrerie. C’est là aussi que se sont élaborées des formes nouvelles, au contact avec le monde égyptien. De plus, capitale des derniers souverains hellénistiques, Alexandrie a exercé une influence de tout premier ordre sur l’art romain de la fin de la République et du début de l’Empire. Presque rien n’a, malheureusement, survécu de la cité des Ptolémées, et nous en sommes réduits à essayer de la reconstituer à travers quelques descriptions littéraires et surtout à partir des œuvres d’inspiration alexandrine. Avant le développement d’Alexandrie, les palais de Pella et de Vergina, en Macédoine, montrent, dans leur relative simplicité, que l’architecture palatiale a emprunté ses formes aux bâtiments civils. La mosaïque est connue (Pella, v. 305), mais elle relève plus du dessin que de la peinture. Si l’on se place maintenant à la fin de la période, il suffit de regarder les villas de Délos* et surtout celles de Pompéi (v. campanie romaine) pour voir quels progrès ont été réalisés. L’agencement des pièces est beaucoup plus souple et plus adroit. Mais, surtout, la décoration intérieure est dès lors le fait de grands artistes.

L’évolution de la peinture est difficile à retracer d’après les copies qui furent effectuées à Pompéi. Il n’en apparaît pas moins que les peintres ne se satisfont plus de simples dessins sur un fond uniforme ; leur palette cherche à rendre tous les effets de la couleur, jouant du clair-obscur ; leur science de la perspective permet d’étoffer les scènes, parfois placées dans un paysage naturel. Certaines mosaïques de Délos (v. 130), qui sont d’ailleurs souvent l’œuvre de Syriens, témoignent de ces enrichissements : ainsi le Dionysos sur la panthère. Les « mosaïques nilotiques », très appréciées sous l’Empire, relèvent de la tradition alexandrine : dans un paysage de marais, de plantes d’eau s’ébat tout un peuple d’animaux aquatiques : hérons, canards, crocodiles, hippopotames...

Dans les arts mineurs, le rôle d’Alexandrie est également essentiel, au point que l’on a parfois confondu toutes les productions hellénistiques sous le nom d’art alexandrin. Mais, ici encore, nous ne pouvons que constater des influences, faute d’avoir les œuvres elles-mêmes sous les yeux.