Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Händel (Georg Friedrich) (suite)

À cette époque, on lui oppose à Londres Johann Adolf Hasse (1699-1783) et Nicola Porpora (1686-1768). Händel continue à se battre sur le terrain si difficile de l’opéra italien, mais il lui vient l’idée d’utiliser des textes anglais. Ezio, puis Sosarme et surtout l’oratorio Deborah, daté de 1733, marquent le revirement. Dans le même temps et de façon progressive, Händel s’attache à la musique religieuse et à l’oratorio profane, délaissant le théâtre lyrique ; la complète reconversion se situera vers les années 1740. Réfugié en 1734 au théâtre de Covent Garden, il écrit Terpsichore, ballet destiné à Mlle Sallé, danseuse française.

Le 19 février 1736, on crée l’Alexander’s Feast sur une ode de J. Dryden. Un an après, Händel subit une attaque de paralysie et part faire une cure à Aix-la-Chapelle. Le 20 novembre, il trouve la ressource d’écrire le Funeral Anthem for Queen Caroline, pour l’épouse de George II, qui l’avait soutenu en toute circonstance.

Si le public n’apprécie pas toujours ses compositions, il s’est attaché pourtant à la personnalité du musicien. On dresse sa statue dans les jardins de Vauxhall, on lui organise un concert. En revanche, on boude en 1738 ses deux opéras Faramondo et Serse, ainsi que Saul et Israel in Egypt. Après s’être tourné vers des textes de Dryden et de Milton, Händel écrit les douze concerti grossi (op. 6), puis ses derniers opéras : Imeneo et Deidamia. Du 22 août au 14 septembre 1741, soit en moins d’un mois, il compose sa grande œuvre : Messiah (le Messie), puis la première version de Samson d’après Milton. Il se rend à Dublin, invité par le duc de Devonshire, lord lieutenant d’Irlande. Pendant neuf mois, il donne des concerts et présente en avril Messiah, qui plaît d’emblée.

Le retour à Covent Garden lui rappelle que toutes les vieilles querelles ne sont pas éteintes. Cette fois, on lui reproche d’introduire des textes sacrés au théâtre : la partition du Messie n’est pas admise. Malgré tout, les œuvres continuent de proliférer : Semele d’après W. Congreve en 1744, Hercules l’année suivante. Trois grandes fresques sonores de circonstance donneront l’occasion à Händel de montrer son attachement à sa patrie d’adoption. En juillet 1745, le petit-fils de Jacques II, Charles Édouard, arrive de France. Ce jeune prétendant débarque en Écosse et marche sur Londres. La population reste assez indifférente. Qu’importe ! Le compositeur écrit coup sur coup un hymne pour les enrôlés volontaires, l’Occasional Oratorio (1746) et surtout Judas Maccabaeus (1747) pour la victoire du duc de Cumberland à Culloden.

Deux événements importants marquent l’année 1749. Les fêtes en l’honneur du traité d’Aix-la-Chapelle permettent de faire entendre dans le Green Park Music for the Royal Fireworks, pour instruments à vent, partition à laquelle Händel ajoutera par la suite une partie de cordes. La fondation de la nouvelle chapelle de l’institution pour les enfants abandonnés nous vaut Foundling Hospital Anthem. L’année même où J.-S. Bach meurt, Händel fait un voyage à Halle. Il lui reste neuf années à vivre. S’il compose, interprète et dirige ses œuvres, c’est par un dernier effort de volonté, car, en 1752, il doit subir une opération de la cataracte et perd pratiquement l’usage de la vue.

Il meurt le 14 avril 1759 et, sur sa demande, est inhumé à Westminster.

Il est symbolique que le buste de cet artiste européen ait été réalisé par Roubillac, un sculpteur français ami de ce grand génie de la musique.


Sa personnalité

Au physique, l’homme apparaît comme une force de la nature. À une époque où la moyenne d’âge de vie se situe entre vingt-cinq et trente ans, il atteint les soixante-quatorze ans et voyage jusqu’aux derniers jours. Ce goût du déplacement, dans des conditions que l’on imagine difficilement, est une constante de son existence. Les motifs de ses séjours éclairs en Allemagne ou en Italie ne sont pas toujours évidents, et l’on peut voir là comme une traduction du besoin de dépenser son énergie et, cela va de soi, un trait de son caractère.

Sa personnalité demeure d’une richesse inépuisable : on peut, en ce sens, parler d’un romantique avant la lettre. Bien avant Beethoven et Mozart, n’est-il pas celui qui a eu l’audace de se libérer des contraintes sociales et de tourner les talons à un prince, en l’occurrence George de Hanovre ?

Romantique, Händel l’est aussi par le goût théâtral et descriptif qui inonde toute sa musique. Il faudra attendre un Liszt pour retrouver une telle conception.

Ce n’est pas un hasard non plus si les sujets de ses opéras sont si variés : du comique d’Almira jusqu’au monde fantastique d’Orlando, on peut prétendre que Händel, dans ce milieu anglais, a perçu un art qui inspirera tout le siècle suivant et dont la base réside dans le mélange des genres déjà porté au plus haut point, en littérature, par Shakespeare.

Près d’un siècle avant Berlioz, Händel possède au suprême degré le sens de l’orchestre.


Bach et Händel

Il faut éviter les comparaisons conventionnelles entre Bach et Händel, afin d’approfondir les causes de leurs destins étrangers. Tous les deux sont nés la même année en Allemagne. Le premier, issu d’une famille d’artistes, a débuté très jeune dans la carrière, baignant dans le monde musical. L’autre, au contraire, plutôt freiné dans sa vocation, a eu une formation de culture générale plus poussée. L’un sait, sur le plan du métier, tout ce qui se fait dans les pays riverains et coule dans son moule germanique ce qui peut enrichir sa création. L’autre se situe à l’opposé : son unique souci est de n’être attaché à rien ; il fuit ! Il jongle avec les six langues qu’il possède et en oublie même celle qui l’a bercé. Il connaît lui aussi — mieux que Bach, puisqu’il se rend sur place — les répertoires étrangers.

Comme Jean-Sébastien, il puise dans ce qui l’a frappé, mais en ne cherchant pas un lien entre les différents styles. Tous les deux ont connu des époques de célébrité et d’échec ; toutefois, Händel a, par sa vie même, eu une réputation plus européenne. Peut-être est-ce l’explication des deux rendez-vous « manqués » entre les deux hommes et de l’indifférence de Georg Friedrich vis-à-vis de son collègue. Händel n’a pas jugé utile, lui qui n’hésitait pas à se déplacer, d’aller voir le Cantor à Leipzig.

Leurs pôles d’intérêt, s’ils se rencontrent, ne se superposent pas. Il ne fait aucun doute que le Saxon ait voulu devenir un maître de l’opéra (alors que Bach n’a jamais été tenté par la formule) et qu’il ait été hanté par la musique italienne.

On peut se demander si Händel a davantage cherché à plaire au public que son confrère. Les tournures de la phrase sont plus élégantes, les instruments ne sont pas utilisés pour eux-mêmes, mais pour fournir des ensembles chatoyants. Tous les deux composent vite, reprennent parfois des formules qu’ils ont déjà utilisées ou puisent leurs mélodies chez d’autres musiciens.