Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Guizot (François) (suite)

En 1842, Guizot dispose encore à la Chambre d’une majorité réduite, qu’il s’acharne à élargir par des méthodes discutables. Un nombre croissant de fonctionnaires parmi les députés ministériels assure des scrutins dociles. Le gouvernement intervient ouvertement dans les élections et, par la technique des « conquêtes individuelles », érige la corruption en système. Fermement convaincu que l’accès aux responsabilités politiques doit être réservé à l’élite sociale éclairée, dont la richesse garantit l’indépendance et l’attachement à l’ordre social, Guizot se refuse à modifier le système censitaire. L’opposition, avec autant de ténacité que d’insuccès, multiplie les projets de loi destinés à accroître les incompatibilités pour briser les « majorités de fonctionnaires » à la Chambre et à étendre le droit de vote aux citoyens inscrits sur la liste du jury. Mais Guizot tient bien en main sa majorité, surtout après les élections victorieuses de 1846. Obstiné et aveugle, il repousse toute modification et bloque tous les projets de réforme.

Sur le plan extérieur, l’axe de la politique gouvernementale passe par l’Entente cordiale avec l’Angleterre. Il s’agit, dans ce domaine, de manœuvrer délicatement. La marge y est étroite : elle impose, en effet, de ménager à la fois les susceptibilités britanniques en Méditerranée, de tenir compte des soubresauts nationalistes de l’opinion publique et de pratiquer une politique de rayonnement national, auquel le trône est particulièrement sensible. Guizot doit connaître une série de déboires. En France, on ne lui pardonne pas les humiliations auxquelles a abouti sa tactique conciliatrice (affaire du droit de suite en 1841, affaire Pritchard en 1843-44). Un coup diplomatique audacieux, la conclusion des mariages espagnols en 1846, lui aliène le gouvernement et l’opinion britanniques.

Pour compenser la perte de l’alliance anglaise, Guizot se rapproche des puissances conservatrices et veut maintenir le statu quo européen devant la flambée révolutionnaire et faire tomber les préventions des monarchies absolutistes contre le « roi des barricades ». Louis-Philippe et son ministre, devenus paradoxalement les gardiens d’une nouvelle Sainte-Alliance, n’y gagnent qu’un surcroît d’impopularité.

La dégradation de la situation intérieure s’accélère en 1847. La crise économique éclate, qui n’épargne pas les milieux bourgeois. Le personnel politique orléaniste s’avilit dans une cascade de scandales qui éclaboussent le trône : ministres prévaricateurs (affaires Teste et Cubières), grands seigneurs assassins (affaires Choiseul-Praslin), dans les deux cas la pairie se distingue. La bloc des adversaires du gouvernement se renforce avec la défection des conservateurs-progressistes. Malgré les avertissements, Guizot s’obstine. Hautain, voire agressif, il repousse en bloc les ultimes projets réformateurs. Un de ses derniers actes à la veille de la révolution est d’écarter un timide amendement, suggérant en termes prudents l’adoption « de réformes sages et modérées ». Aveuglement fatal. Dans l’impossibilité de se faire entendre, l’opposition en appelle au pays. C’est la campagne des banquets, à l’origine bourgeoise et pondérée, qui dégénère à la suite de l’interdiction de la manifestation du 22 février 1848. C’est le début de la révolution* de 1848 : Guizot entraîne Louis-Philippe* dans sa chute.

Revenu en France en 1849, Guizot échoue aux élections du 13 mai à l’Assemblée législative. Il se consacre désormais à son œuvre historique et à la défense de sa politique par la publication de ses Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps et de ses Discours à la Chambre. Rallié à l’Empire libéral, malgré ses prises de position hostiles à l’intervention en Italie, il soutient le plébiscite de mai 1870.

Isolé dans sa retraite normande, il meurt en 1874, après avoir vainement tenté de revenir sur la scène politique à la faveur de la guerre de 1870 et de la crise du régime. (Acad. fr., 1836.)

J. L. Y.

➙ Juillet (monarchie de) / Louis-Philippe Ier / Restauration / Révolution de 1848.

 L. M. de Cormenin, dit Timon, Livre des orateurs (Pagnerre, 1836 ; nouv. éd., 1847). / F. Guizot, Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps (Lévy, 1858-1867 ; 8 vol.) ; Mélanges politiques et historiques (Lévy, 1869). / P. Thureau-Dangin, Histoire de la monarchie de Juillet (Plon, 1884-1892 ; 7 vol.). / C. H. Pouthas, Guizot pendant la Restauration, préparation de l’homme d’État (Plon, 1925). / D. Johnson, Guizot, Aspects of French History, 1787-1874 (Londres, 1963).

Gujerat

État du nord-ouest de l’Inde ; 187 114 km2 ; 26,7 millions d’habitants. Capit. Ahmadābād.



Une unité historique

Le Gujerat est un État moyen dans le cadre indien par son chiffre de population et sa densité (voisine de 140). Il englobe trois types de régions très différents : les péninsules de Kutch et de Kāthiāwār à l’ouest, une plaine alluviale au centre, une mince bordure montagneuse à l’est. Mais l’unité de cet ensemble a été fondée dès le ve s. par l’implantation des clans Gujarās et concrétisée par la dynastie de Chālukya. Sous la domination musulmane, à partir d’une conquête précoce (xie s.), la région a gardé sa personnalité et une unité certaine. Celle-ci fut remise en cause sous la domination britannique, puisque la plaine était administrée directement par les Anglais à partir de Bombay, tandis que les péninsules et la bordure montagneuse constituaient plusieurs centaines de petits États princiers, souvent dominés par des Rājpūts.

Après l’indépendance et la suppression des États princiers, les liens économiques avec Bombay amenèrent à tenter l’expérience d’un État bilingue Gujarātī-Marāṭhī, dont l’échec fut patent dès 1960, surtout à cause de l’opposition des Marathes. Le Gujerat retrouva alors son autonomie ; son unité est bien affirmée par une nette prépondérance de la langue gujarātī et de l’hindouisme.

Cependant, il est aussi région d’origine de minorités importantes, bien plus par leur rôle économique et social que par leurs effectifs (parsis et jaina).