Acadie (suite)
Pendant les années suivantes, des partis militaires traquèrent les fugitifs cachés dans les bois. On estime que, vers 1760, sur une population de 14 000 à 15 000 Acadiens, environ 5 000 à 6 000 avaient essaimé dans les colonies américaines, d’où quelques centaines réussirent à gagner la Louisiane ; 3 000 ou 4 000 avaient été transportés en France, où ils végétèrent dans les ports ; environ 1 000 demeuraient prisonniers dans les forts de Halifax, de Cumberland et d’Edwards ; plus de 1 500 étaient morts, noyés en mer ou victimes de la faim, du froid ou des épidémies ; les autres demeuraient cachés dans les bois ou s’étaient retirés vers Québec et les îles Miquelon.
Après le traité de Paris (1763), qui céda le Canada à l’Angleterre, les Acadiens demeurés en Nouvelle-Écosse comme prisonniers de guerre furent employés à des travaux publics, puis graduellement relâchés. D’autres revinrent du Québec, des États-Unis, de Miquelon et même de France. Sans aucun droit reconnu, privés même du droit de propriété, en tant que papistes, ils travaillèrent comme manœuvres ou s’installèrent dans des endroits reculés. Peu à peu ils se regroupèrent sur les rives du golfe, à la baie des Chaleurs, à la baie Sainte-Marie et dans la région de Memramcouk, où ils obtinrent des concessions de terres.
Des missionnaires canadiens, quelques Écossais et Irlandais, et des prêtres expulsés de France par la Révolution vinrent s’occuper d’eux et créèrent les premières paroisses. Des esprits généreux, comme Thomas Chandler Haliburton et Mgr Walsh, s’intéressèrent à leur sort. Un poète américain, H. W. Longfellow, raconta leur histoire dans un poème romancé, Evangéline (1847). Des écoles, puis un premier collège (1857) furent fondés, d’où sortirent bientôt une élite instruite, un clergé, des instituteurs, des professionnels, des députés. Comme ils croissaient rapidement, grâce à une forte natalité, les Acadiens commencèrent à exercer une influence politique et à revendiquer leurs droits. De cette époque date ce qu’on a appelé la « Renaissance acadienne ».
Aujourd’hui, les Acadiens comptent environ 350 000 âmes dans les provinces atlantiques du Canada : Nouveau-Brunswick (où ils constituent 40 p. 100 de la population), Nouvelle-Écosse, île du Prince-Édouard, Terre-Neuve. Il s’en trouve aussi des groupes importants en Louisiane et dans diverses régions du Québec, et quelques-uns de leurs descendants vivent encore en France, où deux colonies avaient été fondées, à Belle-Île-en-Mer et en Poitou, pour accueillir les réfugiés. L’Acadie et les Acadiens, bien que n’ayant pas d’existence politique comme tels, forment cependant au Canada une entité ethnique particulière, distincte du Québec, dont la survie et les progrès, dans des circonstances très difficiles, provoquent l’admiration.
R. B.
➙ Canada.
E. Rameau de Saint-Père, Une colonie féodale en Amérique : l’Acadie (1604-1881 ) [E. Plon, Nourrit et Cie, 1889 ; 2 vol.]. / E. Lauvrière, la Tragédie d’un peuple (Bossard, 1923 ; 2 vol.). / J. B. Brebner, New England’s Outpost, Acadia before the Conquest of Canada (New York, 1927). / A. Bernard, Histoire de la survivance acadienne, 1755-1935 (Montréal, 1935). / R. Rumilly, Histoire des Acadiens (Montréal, 1955). / E. Leblanc, les Acadiens (Montréal, 1963).