François Ier (suite)
Car François Ier, sous des dehors débonnaires, ne tolère aucune incartade et il compte parmi les rois de France les plus imbus de leur autorité. Il tient bien en main ses conseillers et il n’hésite pas à les briser quand ils ont perdu sa confiance ; ainsi le surintendant Semblançay (1457-1527), qui y laissera la vie. Le Conseil royal se divisera en sections spécialisées, et les secrétaires d’État seront créés la dernière année du règne. Dans les provinces, plusieurs ordonnances étendent le domaine de la justice royale ; l’une des plus célèbres, celle de Villers-Cotterêts (1539), impose l’unité de langue aux différentes juridictions des provinces et consacre la suprématie du français sur le latin et les dialectes dans les actes officiels.
Les mouvements populaires eux aussi sont impitoyablement réprimés, car, de même que l’accaparement des terres par les classes enrichies crée un prolétariat agricole, la concentration de l’industrie favorise chez les ouvriers mécaniques, en particulier des industries nouvelles — par exemple l’imprimerie —, la création de véritables ligues pour la défense de leurs intérêts. Aussi, dans l’ordonnance de Villers-Cotterêts, des dispositions renforcent-elles la législation traditionnelle contre les coalitions ouvrières ou patronales.
Pour la monarchie française, le véritable danger n’est pas là : il est dans une politique fiscale déplorable. La richesse mobilière de la bourgeoisie échappe presque entièrement au fisc royal, et, pour l’atteindre, le pouvoir a recours à deux moyens : les émissions de rentes d’abord, mais surtout la vénalité des charges administratives. En effet, si la bourgeoisie achète la propriété nobiliaire et devient noble à son tour, elle pousse aussi ses fils vers l’achat des offices, bénéficiant à la fois du développement de la bureaucratie de l’État et du désir de la monarchie de récupérer à son profit, et par ce biais, une partie de ses richesses. Mais ces offices peuvent être vendus, et c’est là le danger, leur vénalité en faisant une valeur négociable sur le marché et qui enrichit leurs possesseurs. Les charges rapportent en effet 10 à 20 p. 100 du capital engagé, plus des privilèges honorifiques ou autres, souvent l’anoblissement et parfois même l’exemption d’impôts.
Alors se constitue une noblesse de robe qui va remplacer les privilèges de l’ancienne noblesse d’épée par les siens ; imprudemment, la monarchie se dessaisit du droit de justice, si péniblement repris à la noblesse ; le règne de la robe et les troubles sanglants de la Fronde se préparent.
L’autre facteur menaçant pour la France est le schisme religieux. Car, après la mort de François Ier, les champs de batailles vont se transporter d’Italie en France. Les guerres de Religion, jointes à une démographie élevée et disproportionnée avec les subsistances, vont bientôt compromettre l’heureux équilibre qui caractérise le règne de François Ier.
À la fin de ce règne, en effet, la France apparaît comme un État déjà en partie moderne, centralisé, riche et puissant. Les frontières, par les guerres et une habile diplomatie, ont été sauvegardées. À l’intérieur, la noblesse ne trouble plus la paix, et la bourgeoisie collabore avec le roi et, avec son aide, maintient les classes populaires dans l’obéissance. De plus, le roi, lié à la papauté, est décidé à user de tous ses pouvoirs pour empêcher la Réforme de remettre en question cette unité.
P. R.
➙ Charles Quint / Chambord / Fontainebleau / France / Italie (guerres d’) / Renaissance / Valois.
Catalogue des actes de François Ier (Picard, 1887-1908 ; 10 vol.). / J. Ursu, la Politique orientale de François Ier (Champion, 1908). / H. Hauser et A. Renaudet, les Débuts de l’Âge moderne (P. U. F., 1929 ; 4e éd., 1956). / C. Terrasse, François Ier (Grasset, 1943-1970 ; 3 vol.). / G. Zeller, les Institutions de la France au xvie siècle (P. U. F., 1948). / J. Giono, le Désastre de Pavie, 24 février 1525 (Gallimard, 1963). / F. Mauro, le xvie Siècle européen, aspects économiques (P. U. F., coll. « Nouvelle Clio », 1966). / M. Andrieux et coll., François Ier (Hachette, 1967).