Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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France (campagne de) [1940]

Ensemble des opérations qui opposèrent à l’ouest de l’Europe, du 3 septembre 1939 au 25 juin 1940, les forces alliées (France, Grande-Bretagne, puis Belgique et Hollande) à celles de l’Axe (Allemagne, puis Italie).


Pendant les trois semaines qui, en septembre 1939, suffisent à la Wehrmacht pour abattre la Pologne, le général Gamelin*, commandant en chef des forces franco-anglaises, et son adjoint pour le front nord-est, le général Georges, ne tentent rien de sérieux contre le mince rideau de troupes allemandes (33 divisions) qui protège la frontière occidentale du Reich. Les Français se contentent de border la ligne Siegfried entre Rhin et Moselle, mais se replient sur leur position de départ dès le retour des armées allemandes de l’Est (mi-oct.). Une « drôle de guerre » s’installe et va durer tout l’hiver, malgré diverses alertes et une activité de patrouilles où se manifeste déjà l’ascendant allemand. À l’arrière, on croit à l’inviolabilité de la ligne Maginot et à l’efficacité du blocus.

Hitler a plusieurs fois modifié ses projets, notamment après l’incident de Mechelen — Aan-de-Maas (en fr. Mechelen-sur-Meuse) — du 10 janvier 1940, qui livre entre les mains des Alliés une partie des intentions allemandes. Il s’est enfin rallié au plan de Manstein : percée par les Ardennes en direction d’Abbeville par Sedan, de préférence au plan de l’état-major de l’armée, qui n’était qu’une variante beaucoup plus timorée de celui de Schlieffen.

Le G. Q. G. français ne s’attendait pas à cette manœuvre ; les Ardennes étaient toujours considérées comme une « région difficile » (de Gaulle, 1925) ou « impénétrable » (Pétain, 1934). Manstein avait pris la peine de se renseigner : « Le fait, écrit-il, que Guderian* considère une traversée des Ardennes par les Panzer comme parfaitement possible [...] fut pour moi un grand soulagement. » Ainsi la surprise technique rejoignit-elle la surprise stratégique. Les Allemands, aux ordres du général Walther von Brauchitsch (1881-1948), mettent en ligne 137 divisions, dont 10 blindées réparties en trois groupes d’armées. Ces derniers disposent de 120 000 camions, mais emploient encore 180 000 chevaux.

Renforcée des 10 divisions britanniques du général John Gort (1886-1946), l’armée française, articulée entre les deux groupes d’armées Billotte et Prételat, totalise 98 divisions, parmi lesquelles 3 cuirassées, 3 légères mécaniques, 5 de cavalerie à demi blindées, mais aussi 20 divisions d’infanterie de « série B », c’est-à-dire de deuxième réserve, dotées d’un armement entièrement désuet. En outre les Panzerdivisionen allemandes comptaient au moins deux fois plus d’engins que leurs homologues françaises. Tant discuté, le problème des chars se réduit à quelques chiffres. L’Allemagne a endivisionné la totalité de ses blindés : 10 Panzerdivisionen, comptant 2 700 chars et 600 automitrailleuses. La France a réparti ses 2 600 blindés en 30 bataillons indépendants (1 431 engins) à la disposition des armées, tandis que 1 160 blindés seulement sont endivisionnés dans les D. C. R., les D. L. M. et les D. L. C. Mais si les chars français sont mieux protégés et les chars allemands plus rapides, 1 400 chars français (non compris les vieux Renault FT de 1918) sont armés d’un canon inefficace (le 37 Mle 1918).

Plus décisif encore est le déséquilibre des forces aériennes en présence : 600 chasseurs alliés modernes contre 1 200 allemands et 450 bombardiers alliés contre 1 100 allemands. Aussi la Luftwaffe pourra-t-elle se permettre toutes les audaces : attaques par parachutistes du fort d’Eben Emael (11 mai) et de Rotterdam (14 mai), convoi blindé roulant tous feux allumés dans les Ardennes, etc. À la fin de la campagne, les Allemands auront toutefois perdu près de 1 500 appareils contre 1 200 à l’aviation française et 960 à la R. A. F.

Sans cette infériorité manifeste, le commandement français aurait peut-être pu réparer ses erreurs de conception et d’estimation sur le secteur des Ardennes. Au débouché de ces dernières, les IXe (Corap) et IIe (Huntziger) armées françaises ne disposeront que de 13 divisions d’infanterie (dont 8 de série B), de 4 D. L. C. et de 5 bataillons de chars pour tenir 185 km de front. Elles vont subir le choc des IVe (Kluge) et XIIe (List) armées allemandes, qui comprennent 33 divisions, dont 7 blindées, groupées en trois corps : 39e Schmidt (5e et 7e Panzerdivision), 41e Reinhardt (6e et 8e Panzerdivision), 19e Guderian (1re, 2e et 10e Panzerdivision). Les deux derniers corps forment le groupement von Kleist, fer de lance de l’offensive, qui sera initialement appuyé par la totalité de l’aviation d’assaut (Stuka).


Les opérations

Précédées et soutenues par les flottes aériennes des généraux Kesselring et Sperrle, les forces allemandes déclenchent le 10 mai 1940 leur offensive générale de la Hollande au Luxembourg. Appliquant aussitôt le plan dit manœuvre Dyle, Gamelin prescrit au groupe d’armée du Nord (Billotte) d’entrer en Belgique et en Hollande (VIIe armée Giraud*). Dans la soirée, à l’ouest de Liège, le contact est pris avec les chars allemands par les blindés du corps de cavalerie Prioux, tandis que les divisions alliées vont occuper en avant de Bruxelles, entre la Dyle et Namur, la position de Gembloux. Mais c’est au sud que se produit l’événement qui réglera le sort de la campagne : dès le 12, les 3 Panzerdivisionen de Guderian, bousculant la cavalerie française, atteignent la Meuse de part et d’autre de Sedan et reçoivent de Kleist l’ordre, venant de Hitler lui-même, de la franchir dès le lendemain. Le 13 mai deviendra ainsi la journée décisive, où les Allemands, grâce à l’appui massif de leur aviation, réussissent à s’implanter sur la rive gauche de la Meuse, à Dinant (7e Panzerdivision de Rommel), à Monthermé et au sud de Sedan. Les divisions de Corap, qui arrivent à marches forcées sur la Meuse belge de Givet à Namur, sont détruites, et, le 16 mai, la IXe armée a cessé d’exister. Au sud de Sedan, l’aile gauche de la IIe armée Huntziger réussit, au prix de violents combats, à se rétablir le 15 sur la ligne Le Chesne-Stonne-Beaumont, mais ne peut empêcher les Panzer de foncer aussitôt vers l’ouest, ouvrant entre les IIe et IXe armées françaises une brèche qui coupe en deux l’ensemble du dispositif allié. Au nord, la capitulation hollandaise le 15 mai provoque, le 18, la chute d’Anvers, tandis que les Alliés, évacuant Bruxelles, se replient sur l’Escaut, Lille et Dunkerque, où ils se trouvent isolés du reste des forces françaises par l’irruption, dès le 20, des blindés de Guderian à Abbeville. Weygand*, qui, la veille, a remplacé Gamelin, décide aussitôt de tenter de rétablir par une double offensive sur Bapaume le contact entre ses armées du Nord et les divisions qui se mettent en place sur la Somme. Dès le 21, il en informe à Ypres le roi des Belges, un représentant anglais et le général Gaston Henri Billotte, qui sera victime, le soir même, d’un accident d’automobile. Ce plan échouera du fait de la supériorité des moyens de la Wehrmacht, mais aussi de la hâte des Anglais à évacuer Arras (24 mai). Or, le même jour, Hitler, intervenant brutalement dans la conduite des opérations, arrêtait ses blindés pour quarante-huit heures au nord-ouest de la ville, sur la ligne Lens-Béthune-Aire-Saint-Omer-Gravelines, et laissait ainsi échapper le corps expéditionnaire britannique. Ce répit sera très provisoire : il ne restait plus, en effet, d’autre issue aux divisions alliées encerclées dans les Flandres, situation aggravée le 28 mai par la capitulation belge, que de combattre en retraite en direction de Dunkerque...