Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

Espagne (guerre civile d’) (suite)

Le conflit qui vient de s’ouvrir sera caractérisé par son aspect révolutionnaire, qui provoquera de chaque côté nombre d’exécutions sommaires, de vengeances et d’atrocités, par son aspect militaire aussi, car des fronts vont se créer sur lesquels s’engageront de véritables opérations. Enfin, cette guerre civile prend, dès le début, une dimension internationale : le 19 juillet, Giral demande l’aide militaire de la France, et, le 20, Franco sollicite celle de Hitler. Le climat de l’Europe est alors très sensibilisé sur les plans politique et idéologique : 1936, c’est en France l’avènement du Front* populaire, mais aussi l’irruption de la Wehrmacht sur la rive gauche du Rhin ; cette menace allemande, qui ne cessera de s’accentuer, retiendra Paris et Londres, qui ne pourront ni ne voudront s’engager trop loin dans l’affaire espagnole.


Août-septembre 1936, l’équipée de Franco

Ce qui va changer la situation, c’est l’action personnelle de Franco, qui dispose au Maroc de 17 000 hommes, dont les célèbres unités d’Afrique du colonel Juan Yagüe (1891-1952). Pourtant, il manque échouer. La flotte espagnole, fidèle au gouvernement (sauf un cuirassé et deux croiseurs), bloquant le détroit de Gibraltar, il doit faire passer ses troupes par avions, ce qui est très lent. C’est seulement le 5 août que les quelques bâtiments dont il dispose, appuyés par des avions allemands, chassent les gouvernementaux du détroit et assurent le transit par mer, mais quinze jours ont été perdus.

Franco, au lieu d’aller directement sur Madrid, préfère établir d’abord sa liaison avec le général Mola, installé à Burgos et à Salamanque. De Séville il dirige donc la colonne Yagüe vers Badajoz, qu’elle prend le 14 août. Obliquant alors vers le N.-E., Yagüe occupe Oropesa le 29 août et Talavera de la Reina le 3 septembre ; le 8, liaison est prise à Arenas avec les troupes de Mola. Le 27, le général José Enrique Varela (1891-1951), qui a remplacé Yagüe, délivre Tolède et son célèbre Alcazar, défendu par le colonel José Moscardó (1878-1956) et qu’assiègent les républicains depuis 71 jours ; à bout de souffle, Varela ne peut prendre Madrid. Pendant ce temps, Mola, poussant sur la capitale, avait pris Sigüenza le 6 août, mais avait dû s’arrêter au col de Somosierra. Au nord, il entre à Irún le 5 septembre, puis à Saint-Sébastien le 13, et empêche ainsi la poche Asturies-Galice d’être ravitaillée par la France. Au sud, Queipo de Llano avance entre Séville et Grenade. Cependant, dès le début d’octobre, cesse la phase des progressions rapides sur des axes, visant à relier et à contrôler le maximum de grandes villes : partout, de véritables fronts se stabilisent, séparant l’ouest de l’Espagne, aux mains des nationalistes, de l’est, aux mains des gouvernementaux.


La situation politique dans les deux camps

Dès la fin de l’été 1936, le mouvement nationaliste prend figure politique. Le 1er octobre, la « junte » de Burgos proclame le général Franco chef du gouvernement et des armées, puis la Phalange et les requêtes, ayant fusionné le 19 avril 1937, le nomment caudillo. Le 3 juin suivant, son seul concurrent possible, le général Mola, meurt dans un accident d’avion. Franco reste désormais le seul maître incontesté du parti nationaliste, dont le gouvernement est reconnu par l’Allemagne et l’Italie depuis le 18 novembre 1936. Chez les républicains, les dissensions demeurent ; elles proviennent notamment des pressions exercées par les comités et syndicats de toutes nuances, socialistes, anarchistes, trotskistes et communistes, parmi lesquels ces derniers s’affirment peu à peu par leur nombre et leur discipline. L’instabilité gouvernementale se prolonge : le socialiste Francisco Largo Caballero (1869-1946), qui a succédé le 4 septembre 1936 à Giral, entend mener une politique révolutionnaire. En novembre, il abandonne Madrid, dont il a confié la défense au ministre de la Guerre, le général José Miaja (1878-1958), et s’installe à Valence avec le gouvernement. Le 15 mai 1937, il doit démissionner à son tour après les émeutes de Barcelone, qui ont fait 400 morts, et est remplacé par Juan Negrín (1887-1956), dont le gouvernement, qu’il transfère à Barcelone le 1er novembre 1937, durera jusqu’à la fin de la guerre (mars 1939).


L’aide internationale

Elle ne cesse de s’intensifier. Dès la fin de juillet 1936, l’Allemagne et l’Italie d’une part, la France et l’U. R. S. S. de l’autre envoient argent, armes et munitions aux deux camps. En août, le mouvement s’amplifie. Sur l’invitation de l’Angleterre, et pour éviter le pire, ces quatre puissances acceptent en principe de mettre fin à cette aide et signent un accord de non-intervention. Mais comme cet accord n’est pas respecté, les Anglais obtiennent la création à Londres d’un comité international chargé de son application. Après de multiples tergiversations, on admet en mars 1937 que des observateurs soient mis en place aux frontières ou sur les bâtiments des pays membres et que leurs navires de guerre patrouillent dans les eaux espagnoles. Un dispositif est installé en avril, mais, dès lors, de nombreux incidents éclatent, tel le bombardement d’Almería le 31 mai 1937 par un navire allemand, en représailles de l’attaque du Deutschland par un avion républicain espagnol : il provoquera le retrait de l’Allemagne et de l’Italie du comité de contrôle.

Les interventions extérieures dans la guerre

Aide au parti nationaliste

L’Allemagne intervint par des livraisons d’avions à Franco dès la fin de juillet 1936. Le 6 novembre suivant, elle constituait une unité spéciale, la légion Condor (6 000 combattants aux ordres du général H. Sperrle [1885-1953]), qui comprenait des blindés, des antichars et des unités aériennes où furent engagés plusieurs futurs as de la Luftwaffe (A. Galland, W. Mölders) ; au total, 16 000 Allemands servirent en Espagne. Outre son caractère politique, l’aide allemande, évaluée à 500 millions de mark, eut sur le plan militaire valeur d’expérimentation technique pour les nouveaux matériels de la Wehrmacht.