Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

Dumas (Alexandre) (suite)

« Récit qui court sans cesse et qui sait enlever l’obstacle sans jamais faillir »

Son romantisme très personnel, Dumas l’apporte dans le roman. Ici, comme au théâtre, l’histoire se place au premier rang des préoccupations artistiques et de l’engouement du public. Ivanhoé, Quentin Durward ont fait école. Avec Dumas, l’histoire, même quand elle témoigne de la collaboration d’Auguste Maquet (1813-1888), ancien professeur, se dégage des annales historiques, des sphères littéraires, des thèmes idéologiques. Elle se transforme en quelque sorte en état du cœur. La verve, l’alacrité, le talent dramatique de Dumas, où le sens du dialogue l’emporte sur celui de la description, la rendent populaire. Par la magie de ce conteur sans égal et le truchement de leur feuilleton, les plus humbles lecteurs de la Presse ou du Siècle pénètrent dans l’intimité des héros des Trois Mousquetaires (1844). Avec eux, ils assistent aux grands événements de l’histoire. « En direct », pourrait-on dire. La vie déborde. Chevauchées, franches beuveries, amitié indissoluble, panache des rapports avec les femmes, tout cela va droit au cœur des foules et part à la conquête du monde, fixant à tout jamais dans l’esprit des gens le chevaleresque à la française. Pas de profondeur psychologique, une morale peu intransigeante, mais le mouvement (dont parle Sainte-Beuve), de grands mythes comme celui du justicier dans le seul roman, le Comte de Monte-Cristo (1844-45), qui ne soit pas historique, quoiqu’il en garde l’esprit, font à Dumas un succès aussi énorme que sa production. Dans Vingt Ans après (1845), la Reine Margot (1845), le Chevalier de Maison-Rouge (1845), le Vicomte de Bragelonne (1848-1850) ou Ange Pitou (1852), le miracle de la vie est tel que le roman de Dumas est passé au rang de classique. À l’égal d’un Robinson Crusoé.

D. S.-F.

 J. Charpentier, A. Dumas (Tallandier, 1947). / H. Clouard, A. Dumas (A. Michel, 195). / A. Maurois, les Trois Dumas (Hachette, 1957). / I. Jean, Alexandre Dumas, romancier (Éd. ouvrières, 1973).

Du Mont (Henry de Thier, dit)

Compositeur et organiste wallon (Villers-l’Evêque, près de Liège, 1610 - Paris 1684).


Il fait ses études musicales à la maîtrise de la collégiale de Maastricht, dont il devient organiste en 1630. Il semble avoir gagné Paris vers 1638 ; quelques années plus tard, il est organiste de l’église Saint-Paul. Il joue également du clavecin, entre à ce titre dans la maison du duc d’Anjou et se voit confier la charge de claveciniste de la jeune reine de France en 1660. Après concours, il entre en 1663 comme maître à la Chapelle royale, dont il deviendra compositeur neuf ans plus tard. Veuf, il se voit conférer le bénéfice de l’abbaye de Silly et obtient le titre de chanoine de Maastricht. Il quitte la Chapelle royale en 1683, un an avant sa mort.

Il semble que Du Mont ait travaillé à Liège avec Léonard de Hodemont (v. 1575-1636), et qu’il ait découvert dans son pays la musique italienne. Son œuvre témoigne d’une continuelle recherche pour aboutir à une fusion entre la monodie sur basse continue issue de l’air de cour et les grands chœurs verticaux, à l’architecture desquels il a travaillé tout autant que son cadet Lully. Elle marque une transition entre les premiers motets avec symphonie de Jean Veillot (début du xviie s. - 1662) et Étienne Moulinié (v. 1660 - v. 1669) et les grandes cantates sur paroles latines de Michel Richard Delalande. Comparable à celle de Heinrich Schütz, cette œuvre comporte notamment des motets pour voix seule, deux voix et trois voix, d’une onction persuasive et d’une simplicité monodique qui s’oppose aux recherches vocales des Italiens de la même époque. Les cantiques sacrés paraissent de 1652 à 1662, et nombre de motets à deux, trois et quatre parties pour voix et instruments s’échelonnent entre les Meslanges de 1657, les Airs à quatre parties sur la paraphrase des psaumes de 1663 et un livre de motets paru chez Ballard en 1681.

Comme tout organiste-claveciniste, Du Mont a laissé pour les instruments à clavier ou pour les violes des préludes et des allemandes, d’abord traités en duo, puis en trio.

On citera également une manière d’oratorio, le Dialogus de anima, publié par son biographe Henri Quittard. Mais son œuvre la plus importante réside dans les vingt grands motets que Ballard publia deux ans après la mort de l’auteur (1686) sous le titre Motets pour la Chapelle du Roy. De même que ceux de Pierre Robert (v. 1618-1698) et Lully, ils ouvrent la voie à Delalande.

L’on n’aura garde, enfin, d’oublier les cinq messes en plain-chant musical, dont l’une est dite « messe royale » et qui évoque, en cette fin du xviie s., l’effort d’un compositeur soucieux de ressusciter — fût-ce en le modernisant par l’adjonction des sensibles — un chant grégorien aisément assimilable par les fidèles d’une paroisse.

N. D.

 H. Quittard, Un musicien, en France, au xviie siècle : Henry Du Mont (Mercure de France, 1906).

Dumont d’Urville (Jules Sébastien César)

Navigateur français (Condé-sur-Noireau 1790 - Meudon 1842).


De petite mais très authentique noblesse, Dumont d’Urville fait d’excellentes études classiques et se passionne pour la botanique. Mais il est simplement admissible au concours d’entrée à Polytechnique, en 1807. Il se découvre, par dépit, une vocation de marin. Aspirant en 1808, enseigne en 1812, il épouse en 1815 Adèle Pépin, fille d’un horloger de Toulon. En 1819 seulement, il participe à sa première véritable campagne de navigation, sur la Chevrette, chargée de relevés côtiers en Méditerranée orientale. L’année suivante, il observe la Vénus de Milo, encore pourvue, semble-t-il, de ses bras ; il contribue à emporter la décision qui permet d’acquérir le chef-d’œuvre (c’est au cours d’une rixe avec d’autres chalands que la Vénus sera mutilée...).