Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

Directoire (suite)

Le Directoire voit surtout l’intérêt financier immédiat qu’il y a à « démocratiser » sous sa tutelle les pays voisins ; d’autre part, il juge d’autant plus utile ces créations de républiques sœurs qu’elles aident à la réalisation du blocus entrepris contre l’Angleterre. Mais le ton employé par les patriotes italiens inquiète ; il témoigne de leur jacobinisme. Libérer et unir l’Italie entière sous leur direction n’est-ce pas aussi donner des alliés forts aux jacobins français ? Aussi, Rewbell fait-il tout son possible pour contrarier cette unité. Sa politique devait, un an plus tard, se révéler désastreuse pour la France.

À la fin de décembre 1797, le général Duphot ayant été massacré à Rome, le général Berthier pénètre dans les États pontificaux (en 1798) et établit la République romaine le 15 février. Le pape Pie VI finira ses jours en France l’année suivante. À cette date, d’autres républiques satellites existent déjà dans d’autres pays d’Europe. À la République batave s’ajoute en effet en avril 1798 la République helvétique, créée après l’invasion française. Mulhouse et Genève, alliées aux anciens cantons suisses, sont annexées. Une révolte des paysans suisses est durement réprimée.

Mais cette expansion aide l’Angleterre à rameuter autour d’elle les États européens encore hésitants. La situation diplomatique va, en quelques mois, se retourner. Isolés du continent, les Anglais venaient de voir, en l’été de 1798, le général Bonaparte réaliser, avec une chance quasi miraculeuse, une entreprise que tout rendait inexécutable : la traversée de la Méditerranée, que la flotte de sa Majesté contrôlait, et le débarquement en Égypte.

Persuadé que le débarquement en Angleterre ne pourrait être réalisé, le général a longuement plaidé la cause d’une telle action. Il y a dans cette guerre portée en Égypte la trace d’un « rêve oriental » fait par un homme qui croit sa carrière arrêtée sur le continent.

Mais l’affaire peut être aussi grosse de profits pour les commerçants français, et notamment pour les Marseillais. Ces derniers entretiennent de longue date des rapports avec un pays qui est la route des Indes. L’occuper, c’est de plus contribuer à abattre économiquement la Grande-Bretagne. Enfin, le Directoire n’est pas mécontent de se débarrasser d’un général ambitieux.

Si l’expédition française réussit à débarquer, puis, après la bataille des Pyramides (21 juill. 1798). à s’emparer du Caire, elle est vite prisonnière de sa conquête. La flotte anglaise de Nelson détruit en rade d’Aboukir les vaisseaux français le 1er août 1798.

« Voilà un événement qui va nous forcer à faire de plus grandes choses que nous ne comptions [...]. Il faut nous suffire à nous-mêmes [...]. Nous sommes peut-être destinés à changer la face de l’Orient. » Et Bonaparte, qui s’exprime ainsi, s’exerce, en s’appuyant sur les notables, à régénérer le pays. L’entreprise militaire se double d’une entreprise administrative et bientôt scientifique. Savants et artistes français embarqués avec Bonaparte reçoivent de lui l’aide et l’impulsion pour travailler à la découverte de la civilisation pharaonique.

Mais la besogne est immense, et, « pour débrouiller et organiser un chaos qui n’eut jamais d’égal », le temps va manquer. La Turquie, que Talleyrand, malgré ses promesses, n’a pas rassurée, finit par réagir. S’alliant à la Russie, qui acquiert ainsi en Méditerranée une position qu’elle n’aura plus de longtemps, le Sultan déclare la guerre et envoie par la Syrie ses troupes vers l’Égypte. Par deux fois, Bonaparte les tiendra en échec : une première fois au mont Thabor en avril 1799, puis, après l’échec français devant Saint-Jean-d’Acre, une seconde fois à Aboukir en juillet 1799. Un mois plus tard, il laisse le commandement à Kléber et regagne la France, de nouveau encerclée.

En échange de la rive gauche du Rhin, l’Autriche espérait obtenir des territoires en Italie. La politique pratiquée par la France dans la péninsule la déçoit et l’irrite. Rompant les négociations ouvertes à Rastatt, elle fait sabrer les plénipotentiaires français : la guerre reste révolutionnaire, et un « jacobin » ne peut bénéficier du droit des gens. L’Autriche se joint donc à l’Angleterre, à la Russie, à la Turquie et à Naples pour former la deuxième coalition (avr.-déc. 1799).

Au début, les troupes françaises tiennent tête et contre-attaquent. C’est ainsi qu’elles reprennent Rome aux Napolitains, qui l’avaient envahie en novembre 1798. Les Français poussent jusqu’à Naples, dont les souverains s’enfuient. La république Parthénopéenne est créée (23 janv. 1799). Pour éviter une attaque éventuelle du roi du Piémont, son royaume est occupé à la fin de l’année, tandis que la Toscane « démocratisée » reçoit, dans les premiers mois de 1799, les soldats de la République. Mais les Russes du général Souvorov interviennent bientôt et obligent les Français à reculer jusqu’à Gênes et à la Riviera ligure. En Allemagne, Jourdan replie ses troupes vers le Rhin. En Suisse, Masséna fait retraite derrière le lac de Zurich. Une armée anglo-russe débarque en Hollande. En cet été de 1799, la France se croit revenue aux pires moments de 1793. De nouveau, la patrie est en danger.

Les politiciens profitent du mécontentement et de l’inquiétude générale pour prendre revanche sur les directeurs qui les ont « floréalisés ». Un nouveau coup d’État a lieu le 30 prairial an VII (18 juin 1799). En fait, ce n’est qu’une journée parlementaire. Elle réunit derrière Lucien Bonaparte et Sieyès, nouveau directeur en remplacement de Rewbell, une coalition fragile. On y trouve des députés avides de contrôler le pouvoir exécutif ; certains sont, en sous-main, dirigés par des affairistes. Avec eux, il y a des jacobins, renforcés par les dernières élections ; ceux-ci donneront une teinte politique à la journée. Enfin, il y a des généraux, tel Championnet (1762-1800), habitués à dicter leur volonté aux civils.