Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

danse (suite)

danseuse soviétique (Moscou 1925). D’une grande beauté, douée d’un incomparable talent d’interprétation et d’un sens musical aigu, elle a dansé les grands rôles du répertoire (le Petit Cheval bossu, la Fontaine de Bakhtchissaraï, la Fleur de pierre, Don Quichotte, la Légende d’amour, Spartacus), se montrant tour à tour irréelle (la Mort du cygne), bouleversante (le Lac des cygnes), passionnée (Roméo et Juliette), tragique et violente (Carmen-Suite), hallucinante (Boléro, de Ravel ; chorégr. M. Béjart). Elle aborde la chorégraphie avec Anna Karénine (1972).


Jacqueline Rayet,

danseuse française (Paris 1936). Étoile de l’Opéra de Paris (1961), elle est l’une des meilleures interprètes de Giselle. Elle acquiert maîtrise et rigueur auprès du danseur étoile et chorégraphe Peter Van Dijk, avec qui elle danse un remarquable pas de deux, la Symphonie inachevée (1958). La rencontre avec Maurice Béjart révèle un autre aspect de sa personnalité ; elle crée le rôle de l’Élue dans le Sacre du printemps (1965, à l’Opéra de Paris), puis Webern Opus 5 (Munich, 1966).


Peter Van Dijk,

danseur et chorégraphe allemand (Brème 1929). Sa carrière internationale s’est affirmée avec autant de bonheur dans l’interprétation (Giselle, The Four Temperaments, Roméo et Juliette, Petrouchka) que dans la composition (la Symphonie inachevée, 1958 ; Turangalîla, 1960 ; Sonate pour danseur et piano, 1963 ; Abraxas, 1965 ; Bien tempéré, 1966 ; Pinocchio, 1968). Remarquable technicien, maître d’un style très pur, il est doué d’une très grande musicalité. Son art fait de retenue et d’élégance crée l’harmonie des lignes et la poésie du mouvement. Il a su préserver la noblesse de la danse d’école en même temps qu’il donnait à un romantisme sans fadeur des accents personnels (sa version de Giselle, 1967 ; celle de Cendrillon, 1971). Il a dirigé la danse à l’Opéra de Hambourg (1963-1972) et, en 1974, il prend la direction du Ballet du Rhin à Strasbourg (versions du Lac des cygnes, 1975, de Roméo et Juliette, 1976).


Vladimir Vassiliev,

danseur soviétique (Moscou 1940). Il est attaché à la troupe du Bolchoï depuis 1958. À un très haut niveau technique, il allie une élévation exceptionnelle et un large éventail de qualités expressives. L’un des plus grands danseurs contemporains, il est lauréat des concours de danse internationaux de Vienne (1959), de Varna (1964) et obtient le prix Nijinski à Paris (1964). Il transcende la tradition classique dans Giselle, le Lac des cygnes, Don Quichotte et donne un éclat particulier à la Fleur de pierre, à Spartacus (de I. Grigorovitch) et à Narcisse (de K. Goleïzovski). Sa première œuvre chorégraphique, Icare, est créée à Moscou en 1971. — Sa femme, Iekaterina Maksimova (Moscou 1939), étoile du Bolchoï, pure représentante de l’école russe, est le personnage même de Giselle. Brillante technicienne, elle nuance ses interprétations d’un léger lyrisme (le Lac des cygnes, Spartacus, Casse-Noisette).


Nelly Guillerm,

dite Violette Verdy, danseuse française (Pont-l’Abbé 1933). Pour atteindre la renommée internationale, Violette Verdy n’a pas suivi la voie traditionnelle de la hiérarchie de l’Opéra de Paris. Créatrice du Loup de Roland Petit en 1953, elle part pour les États-Unis, où elle est promue étoile au New York City Ballet à partir de 1957. Elle crée alors la plupart des œuvres de George Balanchine (Liebeslieder Walzer, Jewels) ou de Jerome Robbins (Dances at a Gathering, In the Night). Elle est nommée à la direction de la danse à l’Opéra de Paris (1976).


Edward Villella,

danseur américain d’origine italienne (New York 1936), attaché au New York City Ballet depuis 1957. Danseur étoile en 1959, il a repris tous les grands rôles du répertoire de la troupe (Afternoon of a Faun, The Prodigal Son, Agon). Doué d’une élévation étonnante, qui lui permet de battre l’entrechat dix et d’effectuer des triples tours en l’air, il est maître d’une technique hors pair. À l’aise dans la rigueur balanchinienne, il s’impose par une exceptionnelle présence physique et par la joie rayonnante qui émane de lui et de ses créations (Bugaku, 1963 ; Harlequinade, 1964 ; Brahms-Schoenberg Quartet, 1966 ; Jewels, 1967 [part. des Rubis] ; Afternoon of a Faun et Watermill, 1972). En 1972, il est nommé directeur artistique du New York City Ballet.

➙ Ballet / Chorégraphie / Expressionnisme / Folklore.

 L. Vaillat, Histoire de la danse (Plon, 1942). / M. Brillant, Problèmes de la danse (A. Colin, 1953). / S. Lifar, Traité de danse académique (Bordas, 1953). / P. Love, Modern Dance. Terminology (New York, 1953). / G. Arout, la Danse contemporaine (F. Nathan, 1955). / M. Bourgat, Technique de la danse (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1959 ; 6e éd., 1971). / D. Humphrey, The Art of Making Dances (New York, 1959). / A. Livio, Étoiles et ballerines (Éd. du Panorama, Bienne, 1960). / M. F. Christout, le Merveilleux et le « théâtre du silence » en France à partir du xviie siècle (Mouton, 1965). / P. Netti, Histoire de la danse et de la musique de ballet (Payot, 1966). / O. Joyeux, le Monde merveilleux de la danse (Hachette, 1967), / G. Prudhommeau et G. Guillot, Grammaire de la danse classique (Hachette, 1969 ; nouv. éd., 1974). / M. Béjart, l’Autre Chant de la danse (Flammarion, 1974). / M. G. Woisien, la Danse sacrée (Éd. du Seuil, 1974).

Dante Alighieri

Poète italien (Florence 1265 - Ravenne 1321).



La vie

Fils de Alaghiero degli Alaghieri (la forme Alighieri, qui fait autorité depuis Boccace, est sans doute illégitime) et de Bella (fille de Durante degli Abati ?), Dante appartenait, économiquement, à la petite noblesse florentine, même si sa famille, d’antique tradition guelfe, descendait sans doute, par son trisaïeul Cacciaguida (cf. Paradis, XVI), de l’illustre famille des Elisei, que la légende faisait remonter aux Romains, mythiques fondateurs de Florence. On ignore presque tout de l’adolescence et des premières études de Dante. Il semble avoir étudié la musique et le dessin, mais déclare avoir appris tout seul l’art des vers. Il est possible qu’il ait fréquenté en 1287 la célèbre université de Bologne. Dans le chant XV de l’Enfer, il rend hommage à son premier maître, Brunetto Latini, l’auteur encyclopédique du Trésor, mais l’amitié et l’amour furent bien plus encore les expériences capitales de son adolescence. Amitié qui le lia à Guido Cavalcanti*, auquel il dédia la Vita nuova, à Lapo Gianni ainsi qu’aux principaux poètes florentins de sa génération, au sein de l’avant-garde poétique du « dolce stil nuovo » qu’ils fondèrent ensemble ; et plus tard à Cino da Pistoia. Amour pour Béatrice, dont, au-delà de toute transfiguration allégorique, le témoignage des contemporains assure l’existence historique : la femme que, de la Vita nuova à la Divine Comédie, Dante célèbre sous le nom de Béatrice, était la fille de Folco Portinari et l’épouse de Simone dei Bardi (l’amour courtois, dont Dante poursuit la tradition, exclut en effet que les liens amoureux coïncident avec ceux du mariage, que gouvernent la politique et l’économie dynastiques) ; elle mourut en 1290. Conception aristocratique de la poésie et adhésion aux préceptes de l’amour courtois témoignent de la fascination qu’exercent alors sur Dante l’idéal et les rites de la chevalerie. Les luttes de Florence contre Arezzo et les autres cités gibelines de Toscane offrent bientôt au parfait chevalier qu’il rêvait d’être l’occasion de ses premiers faits d’armes : bataille de Campaldino et prise de la forteresse pisane de Caprona (1289). Après la mort de Béatrice, il se consacre intensément à la philosophie (Cicéron, Boèce) et fréquente les écoles théologiques des dominicains de Santa Maria Novella (lectures d’Aristote commenté par Albert le Grand et saint Thomas) et des franciscains de Santa Croce (saint Bonaventure). Il n’en continue pas moins à se mêler étroitement à la vie officielle de l’aristocratie dirigeante : en 1294, il fait partie des chevaliers chargés de recevoir à Florence le jeune Charles Martel, avec qui il se lie d’amitié. Et il avait épousé entre-temps Gemma Donati, qui lui donna trois enfants, et peut-être quatre : Pietro et Iacopo, qui furent parmi les premiers commentateurs de la Divine Comédie, Antonia (sœur Béatrice, que Boccace vint honorer à Ravenne en 1350, en qualité d’ambassadeur de Florence ?) et, peut-être, Giovanni. À partir de 1295, Dante prend une part active à la vie politique de Florence, dans des circonstances particulièrement critiques qui lui vaudront l’exil à vie. Il s’inscrit à l’une des corporations (Arti) de la ville, celle des médecins et apothicaires, condition indispensable à l’accès aux charges publiques depuis les « ordonnances de justice » du démocrate Giano della Bèlla (1293), d’abord destinées à exclure les grandes familles du pouvoir politique, puis révisées en 1295, après l’exil de Giano, afin de permettre à tous les citoyens, y compris donc les nobles, d’accéder aux magistratures communales, pourvu qu’ils soient inscrits aux Arti. L’enjeu de cette procédure constitutionnelle concernait avant tout la lutte des classes sociales et des factions politiques à l’intérieur de la commune de Florence. Trois classes : l’ancienne noblesse féodale, prônant la violence contre la légalité ; la nouvelle bourgeoisie industrielle et commerçante, ou popolo grasso, représentée par les Arti Maggiori ; enfin, les artisans, ou popolo minuto, représentés par les Arti Minori et disposés à s’allier avec les courants les plus démocratiques du popolo grasso pour résister aux abus de pouvoir des grandes familles. Deux factions, qui, à partir de 1295, s’organisent respectivement autour de la famille des Cerchi et de celle des Donati : les Blancs, d’une part, réunissant une partie de l’aristocratie féodale, les membres de la bourgeoisie favorables à un gouvernement démocratique et le peuple artisan ; les Noirs, d’autre part, comprenant la majorité des grandes familles et le parti antidémocratique du popolo grasso. Lorsque le pape Boniface VIII intervient en faveur des Noirs dans l’espoir d’imposer sa mainmise sur toute la Toscane, la plus grande partie du popolo grasso, par crainte d’une excommunication qui aurait signifié sa ruine, abandonne peu à peu la cause des Cerchi, eux-mêmes indécis sur la conduite à tenir. C’est précisément cette intrusion du pape dans les affaires de Florence qui finit par rapprocher Dante des Blancs, après qu’il a cherché quelque temps à se maintenir au-dessus des factions, partagé, à l’égard du parti aristocratique, entre sa nostalgie du monde féodal et son horreur de la violence dans l’illégalité. Son action vise dès lors de plus en plus à défendre d’une part le principe de l’autonomie du pouvoir politique par rapport au spirituel (et corollairement l’idéal d’un clergé reconverti à la pauvreté évangélique), et d’autre part celui d’une classe dirigeante tirant sa noblesse non point de sa naissance, mais de sa science et de ses vertus. Il fait d’abord partie du Conseil spécial du Capitanat du peuple (1295-96), puis du Conseil des Cent (1296) et de l’un des deux Conseils du Capitanat (1297). Ambassadeur à San Gimignano en mai 1300, il est nommé aussitôt après (15 juin - 14 août 1300) au Conseil des Prieurs, suprême magistrature de la commune. Ses collègues et lui entrent alors ouvertement en conflit avec Boniface VIII, en refusant d’annuler la sentence prononcée par leurs prédécesseurs à l’encontre de trois banquiers florentins suspects de vouloir livrer Florence au pape. Il poursuit, au sein du Conseil des Cent, sa politique intransigeante à l’égard des ingérences pontificales, lorsqu’en 1301 il est envoyé à Rome avec deux autres ambassadeurs pour sonder les intentions de Boniface VIII concernant Charles de Valois, que le pape vient d’appeler à son secours pour reconquérir la Sicile, perdue par les Anjou, et résoudre le conflit l’opposant à Florence. Le pape renvoie les deux autres ambassadeurs avec de vagues promesses, mais il use de divers stratagèmes pour retenir Dante à Rome. Retard fatal : à peine arrivé à Florence, violant ses engagements, Charles de Valois s’emploie à y faire rentrer les principaux chefs des Noirs, alors bannis, qui s’emparent du pouvoir par la violence et exilent leurs adversaires par centaines. Une procédure d’exception leur permet de rouvrir l’enquête, légalement conclue au terme de chaque mandat, sur la gestion des prieurs au cours des deux années précédentes, et Dante est injustement accusé de concussion, exclu à vie de toute magistrature, condamné à deux ans d’exil et à une amende ; ne s’étant pas présenté pour la payer, il est condamné par contumace, le 10 mars 1302, à être brûlé vif. Il ne reviendra jamais plus à Florence.