Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Alexandre III

(Sienne - Civitacastellana 1181), pape de 1159 à 1181.


Le pontificat d’Alexandre III est l’un de ceux qui, au Moyen Âge, ont le plus contribué à définir et à asseoir l’autorité suprême du Saint-Siège face à l’empereur et aux jeunes et ambitieuses royautés occidentales. Il s’inscrit dans la longue lutte du Sacerdoce et de l’Empire.


Un pontificat mouvementé

Quand meurt le pape Adrien IV, en 1159, Rolando Bandinelli, chancelier de l’Église romaine, est l’un des deux cardinaux les plus en vue ; l’autre est un aristocrate romain, Ottaviano de Monticello, aussi souple et intrigant que Bandinelli est ferme sur les principes ; Ottaviano est l’ami et l’admirateur de l’empereur Frédéric Barberousse.

Tous deux sont candidats au trône pontifical, et le conclave de 1159 débouche sur un schisme. Bandinelli est élu sous le nom d’Alexandre III ; Ottaviano est désigné par ses partisans et prend le nom de Victor IV. L’empereur se prononce pour ce dernier ; la France, l’Angleterre, l’Espagne, le Portugal, l’empereur Manuel Comnène reconnaissent Alexandre qui, peu en sûreté en Italie, s’embarque pour Maguelonne (mars 1162). Puis il gagne Sens, où le roi de France Louis VII lui a ménagé un refuge (1163) : il y attend le moment favorable à son retour en Italie. C’est là qu’il reçoit l’archevêque de Canterbury, Thomas Becket, victime de l’autoritarisme d’Henri II Plantagenêt ; pour faire pièce à ce dernier, Alexandre nommera Thomas son légat en Angleterre. On sait comment l’aventure se terminera dans le sang de Becket (1170). Alexandre III excommuniera ses meurtriers et imposera au Plantagenêt une dure pénitence.

Cependant, la mort de Victor IV, en 1164, semble donner espoir à Alexandre. Mais l’empereur lui oppose aussitôt un nouvel antipape, Pascal III, qu’il obligera en 1165 à canoniser Charlemagne. L’exilé, sachant que l’opinion romaine vire à son profit — Pascal III est alors à Viterbe —, rentre à Rome (23 novembre 1165). Aussitôt, Frédéric Barberousse lance une expédition sur l’Italie : en juillet 1167, il installe Pascal III à Rome, tandis qu’Alexandre se réfugie dans la campagne romaine, puis à Gaète et Anagni.

Bientôt la peste décime l’armée impériale (1167). Les villes lombardes, convaincues qu’il s’agit là d’une vengeance du ciel à l’égard de l’empereur excommunié, se tournent contre lui : Alexandre est, en fait, le chef de leur ligue. C’est pour mieux défendre la Lombardie qu’il fait élever la ville-forteresse qui portera son nom, Alexandrie (1168). Cependant qu’à Rome Pascal III, mort en 1168, est remplacé par un autre antipape, Calixte III.

Mais la défaite, à Legnano, de Barberousse devant les confédérés italiens (29 mai 1176) rend Alexandre III maître de la situation. La paix de Venise, célébrée le 24 juillet 1177, fait rentrer l’empereur dans son obédience. Le 12 mars 1178, le pape est à Rome : Calixte III s’est désisté.


Le troisième concile du Latran (1179) et l’affermissement de la monarchie pontificale

Pour mettre de l’ordre dans l’Église, Alexandre III réunit aussitôt, au Latran, un concile œcuménique (5-22 mars 1179), où son autorité s’exprime sans ambiguïté. Des vingt-sept canons promulgués par les trois cents pères conciliaires, la plupart ne font que reprendre des décisions anciennes concernant les abus de la vie ecclésiastique (simonie, nicolaïsme), le temporel des Églises, les empiétements des réguliers. Une nouveauté cependant, et durable, rendue nécessaire par les perpétuelles menaces de schisme : désormais, l’élection du pape se fera à la majorité des deux tiers des voix des cardinaux.

La présence au concile d’un théologien byzantin aurait pu faire espérer la fin du schisme oriental. Il n’en fut rien. Les encouragements donnés par le pape aux croisés, le rappel constant fait à Alexis Comnène de la supériorité de l’autorité papale sur toute autre autorité n’étaient pas faits pour attirer les orthodoxes.

D’ailleurs, toute la diplomatie d’Alexandre III est empreinte du même principe de primauté. C’est par lui, en 1179, que le duc de Portugal fait reconnaître son titre royal ; le roi de Hongrie, Casimir II, lui soumet, en 1180, le texte des lois qu’il se propose d’édicter ; le roi de Suède. Knud Eriksson, en 1168, reçoit du pape, en matière de mœurs publiques, de graves avertissements. Mais le souple Louis VII, en France, échappe en fait à l’emprise pontificale ; quant au roi d’Angleterre, Henri II, le pape s’en est fait un ennemi, circonstance qui pèsera lourd dans les relations entre Rome et les Anglais.

Juriste romain, auteur de cinq cents décrétales, canoniste plus que théologien, Alexandre III contribua puissamment à la centralisation pontificale : de toute la chrétienté, on faisait appel à Rome des décisions des tribunaux ecclésiastiques. Mais déjà se dessinaient les abus d’une telle politique ; en premier lieu, ceux qui étaient liés à l’envahissante fiscalité romaine.

Rome fut ingrate à l’égard de ce pape. Gagnés à la cause impériale, les féodaux romains obligèrent Alexandre III à se réfugier dans la forteresse de Civitacastellana, où il mourut (30 août 1181). Ramenée à Rome, sa dépouille fut souillée de boue par la populace.

P. P.

➙ Frédéric Ier Barberousse / Louis VII / Sacerdoce et Empire / Thomas Becket.

 H. Reuter, Geschichte Alexanders III und der Kirche seiner Zeit (Leipzig, 1860-1864, 3 vol.). / R. Foreville et J. Rousset de Pina, Du premier concile du Latran à l’avènement d’Innocent III, 1123-1198 (« Histoire de l’Église » fondée par A. Fliche et V. Martin, t. IX, 2e partie ; Bloud et Gay, 1953). / M. Pacaut, Alexandre III, étude sur la conception du pouvoir pontifical dans sa pensée et dans son œuvre (Vrin, 1956).

Alexandre VI

(Játiva, Espagne, 1431 - Rome 1503), pape de 1492 à 1503.