Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

construction navale (suite)

La construction en bois

Le radeau et la pirogue sont les ancêtres de tous les bâtiments connus depuis la préhistoire. Dans l’Antiquité grecque, peu de textes concernent la construction proprement dite : Calypso regarde Ulysse construire le bâtiment sur lequel il reprendra son odyssée. Bien avant Homère, Crétois et Phéniciens avaient sillonné les mers ; les vases grecs nous renseignent bien sur le profil de leurs vaisseaux, mais fort peu sur leur technique de construction. Salomon (xe s. av. J.-C.) utilisait déjà les cèdres du Liban, bois noble et coûteux. L’archéologie sous-marine et les appareils modernes de plongée permettent d’étudier quelques épaves très anciennes et de constater que les méthodes fondamentales de construction n’ont guère changé. On construisait des vaisseaux ronds et courts pour le commerce, longs et fins pour le combat ; mais, tandis que les bateaux phéniciens étaient à fond plat et possédaient deux quilles latérales, les bateaux grecs, à quille centrale, avaient plus de creux. On sait que la trière a vu le jour à Corinthe, mais l’on ignore comment elle était faite exactement. Au ve s. son prix à Athènes était d’un talent d’argent (26 kg de métal fin). Tous les bâtiments présentent alors une caractéristique commune : leur coque forme un vase étanche armature intérieurement.

Dès l’origine, dans le Bassin méditerranéen, l’assemblage des bordés constituant la muraille des vaisseaux se faisait à franc-bord comme les lames d’un parquet. Plus tard, les Nordiques pratiquent l’assemblage à clin (où les bordés, à leur jonction, se recouvrent comme les tuiles d’un toit), car ils ont trouvé le moyen de courber les planches à la vapeur. Ces deux modes d’assemblage se sont perpétués jusqu’à nos jours, le système à clin étant réservé aux petits bâtiments. Chez les Grecs, les bordés sont cloués sur un squelette solidement construit à partir de la quille, pièce maîtresse qui assure la tenue longitudinale de l’ensemble et garantit la solidité des fonds. Chez les Phéniciens, la membrure est plus légère. Dans les deux cas, l’étanchéité s’obtient en obturant avec de la poix les interstices entre les planches. Dans l’ensemble, les Romains se sont bornés à copier les Phéniciens, en augmentant la taille des navires : avec les galères du lac de Nemi, ils ont même donné un premier exemple de gigantisme, d’ailleurs sans lendemain.


De la nef au vaisseau

Pour des raisons de solidité et de cubage, les nefs médiévales étaient construites comme les vaisseaux ronds de l’Antiquité grecque. La grande largeur relative de leur coque leur donnait un roulis naturel très brutal. Pour l’adoucir, il fallait charger les hauts ; d’où la nécessité d’adopter les mâtures lourdes que l’on remarque sur les miniatures de l’époque. Les mâts monoblocs faits d’arbres de fort diamètre, les châteaux surélevés à l’avant et à l’arrière assuraient une répartition de poids à peu près satisfaisante, comme le démontre actuellement la théorie du navire, science que les Anciens ne connaissaient que par instinct et par expérience. La nef reste un bateau de dimension moyenne, de l’ordre de 100 à 300 tonneaux (de 300 à 900 m3). Ces dimensions, assez faibles, ne posaient pas de problèmes insolubles d’assemblage. On ne sentait pas la nécessité de dresser des plans, et l’on a construit par approximations successives. La Renaissance a connu quelques essais de navires géants. Rabelais s’en est fait l’écho dans la description de la Thalamège, qui correspond à la Grande-Françoise, construite au Havre sous le règne de François Ier. Elle portait cinq mâts et devait dépasser 1 500 tonneaux, ce qui, pour l’époque, était énorme. Les problèmes de construction statique semblent avoir été résolus, puisqu’elle fut terminée. Mais ce mastodonte se révéla incapable de naviguer, et il fallut le dépecer sur place. En Angleterre, le Sovereign of the Seas, plus tardif, sans doute mieux conçu, put prendre la mer sans convaincre les contemporains de son utilité en service courant. La réussite de ce bâtiment de prestige annonce toutefois les grands vaisseaux des marines militaires du siècle suivant. Le xviie s. voit la consécration des maîtres constructeurs pragmatiques, et les vaisseaux à trois ponts des flottes de l’Europe occidentale constituent une réussite technique qui conduit à l’apogée de la construction en bois au xviiie s. Henri Louis Duhamel du Monceau (1700-1782), sir Thomas Slade, Antoine Groignard (1727-1799) et Jacques Noël Sané (1740-1831) se placent en modèles pour les architectes navals. Et tous procèdent de la même façon à quelques détails près.


L’architecture du vaisseau

La cale de construction en pierre figure un plan incliné sur lequel repose une semelle de bois dur. Sur celle-ci est posée la quille, assemblage rigide de pièces de bois chevillées les unes aux autres. Perpendiculairement à la quille sont posées, à intervalles égaux, les varangues, qui constituent la base du couple et sur lesquelles sont articulés les genoux, qui donnent sa forme au couple. Les allonges continuent les genoux et se terminent par les jambettes, sur lesquelles est fixé le plat-bord. Entre les couples sont disposés transversalement les baux, ou grosses poutres reposant sur la bauquière, pièce longitudinale et continue de chaque bord de l’avant à l’arrière, et qui est fixée contre la face intérieure des couples (la serre-bauquière soutient la bauquière). Sur les baux sont fixés les ponts ; les couples sont liés longitudinalement et à l’extérieur par six préceintes, groupées deux à deux. L’ensemble des couples, préceintes et baux constitue la membrure, qui est renforcée intérieurement et à intervalles par des couples plus forts et plus épais, les porques. La membrure est construite en chêne et reçoit à l’extérieur les bordés, généralement en pin ou en sapin, qui forment la coque ; à l’intérieur, on cloue sur les couples des planches formant paroi continue, qui constituent le vaigrage.