Metteur en scène de cinéma français (Niort 1907 - Paris 1977).
Il s’oriente tout d’abord vers l’École navale, puis entreprend des études de droit avant de devenir secrétaire du chansonnier René Dorin. De 1927 à 1930, il collabore au quotidien Paris-Midi. En 1932, il est à Berlin et s’occupe des versions françaises de plusieurs films tournés pour l’Universum-Film AG. (UFA). Après une interruption de quatre années (1934-1938) due à des raisons de santé, il reprend sa place dans le monde du spectacle, écrit des pièces de théâtre et des scénarios. Il débute comme scénariste dans le Dernier des six (1941), de Georges Lacombe, et dans les Inconnus dans la maison (1942), d’Henri Decoin. Son premier film de réalisateur est une comédie policière de S. A. Steeman, L’assassin habite au 21 (1942). L’année suivante, il tourne le Corbeau d’après un scénario corrosif de Louis Chavance. L’œuvre soulève de vives polémiques, qui ne sont pas exclusivement cinématographiques. Les divers procès d’intention que l’on fait à l’auteur nuisent à la rapidité de sa carrière. Il ne rejoint les studios qu’en 1947 : c’est pour donner à Louis Jouvet l’un de ses meilleurs rôles, dans Quai des Orfèvres. En 1948, il tente avec un bonheur inégal de moderniser le roman de l’abbé Prévost (Manon). Après l’un des sketches de Retour à la vie (« le Retour de Jean », 1949), il adapte un vaudeville de Flers et Caillavet, Miquette et sa mère (1949). Parti en 1950 au Brésil, il ne parvient pas à réaliser le film auquel il avait un instant songé, mais en profite pour écrire un livre en forme d’étude ethnographique, le Cheval des dieux, publié en 1951. Le Salaire de la peur (1953) lui apporte les éloges de la critique et la consécration du public. L’œuvre, tirée d’un récit âpre et violent de Georges Arnaud, lui permet de prouver son talent et de préciser son éthique. Au-delà d’une anecdote réaliste et spectaculaire, il se passionne pour l’exploration de l’âme humaine, qu’il « désacralise » et dénude sans concessions. Ses films suivants ne seront plus que les étapes d’une même pensée pessimiste, volontiers cynique et désabusée : les Diaboliques (1954), les Espions (1957), la Vérité (1960, avec Brigitte Bardot), la Prisonnière (1968). En 1956, l’intérêt qu’il porte à la peinture le conduit à réaliser l’un des meilleurs documentaires sur le sujet, le Mystère Picasso. Quant au film qu’il avait entrepris en 1964, l’Enfer, interrompu en cours de tournage par des malchances diverses, il ne sera jamais achevé.
On peut parler de Clouzot comme d’un entomologiste de la cruauté (à condition de donner à ce mot le sens que lui confère Antonin Artaud en parlant d’un « théâtre de la cruauté »). Il affectionne les anti-héros, les êtres veules, médiocres, malades, malsains qui bien souvent doivent se défendre contre le cynisme de leur destin avec les moyens du bord. La prédilection du metteur en scène pour le côté poisseux et trouble de l’existence le conduit par moments à un réalisme proche du naturalisme où les complaisances de la dramatisation viennent parfois désamorcer la vigueur de la description. Il y a chez Clouzot une force et une férocité qui ont besoin d’être soutenues par un scénario exigeant et sans failles. Dans le cinéma français, il est sans nul doute l’un de ceux qui ont osé s’aventurer le plus loin dans les zones d’ombre de la conscience humaine.
J.-L. P.
F. Chalais, H. G. Clouzot (J. Vautrain, 1950). / M. Cournot, le Premier Spectateur (Gallimard, 1957). / F. Lacassin et R. Bellour, le Procès Clouzot (Le Terrain vague, 1964). / P. Pilard, Henri Georges Clouzot (Seghers, 1969).