Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Āgrā (suite)

Les tombeaux

Le mausolée d’Akbar à Sikandara (8 km d’Āgrā), sans doute commencé du vivant de l’empereur, ainsi que peut le prouver son soubassement, mais achevé par Djahāngīr en 1613, se présente comme un immense effort de renouvellement après la réussite grandiose que fut la tombe de Humāyūn à Delhi ; l’agencement des cinq terrasses supérieures manque pourtant de pureté et se révèle un demi-échec. Bien plus heureux est celui du grand dignitaire I‘timād al-Dawla (1628), situé, comme tous les tombeaux moghols, dans un vaste jardin, sans doute le plus ancien monument indien construit entièrement en marbre.

Avec le Tādj Maḥall, c’est en faisant un retour au style de la tombe de Humāyūn que les architectes pourront dépasser ce chef-d’œuvre, pour donner un monument unique au monde par sa science et sa beauté. Tout concourt à la gloire du Tādj : son porche, son jardin, la rivière qui le baigne, les deux édifices de grès rouge qui le flanquent, la lumière qui l’éclairé et sans laquelle il est impossible de le comprendre, le roman d’amour dont il est le témoin. Construit pour Mumtāz Maḥall, épouse de Chāh Djahān, sur une terrasse décorée d’arcades lobées et portant quatre minarets (aux quatre angles), il apparaît comme un cube de marbre blanc (55,80 m de côté) aux pans coupés, surmonté d’une coupole bulbeuse haute de 57 m, entièrement travaillé et orné d’incrustations. Si des artistes venus de tout l’empire et de l’étranger y travaillèrent (de 1631 à 1643 au moins), l’intervention d’un architecte vénitien est bien une légende.

Fathpūr-Sīkrī

Cette ville fut fondée à 37 km à l’ouest d’Āgrā comme capitale cérémonielle et ne connut qu’une brève période de vie (1570-1586). Abandonnée aussitôt qu’achevée, elle se présente à nous comme un exemple unique et remarquable de l’architecture de la seconde moitié du xvie s. Enfermée dans une enceinte de forme rectangulaire, elle n’est pas à proprement parler une cité, mais une succession de terrasses et de cours, avec pavillons et palais disposés suivant un axe nord-sud. On y retrouve l’équivalent des édifices qu’Akbar avait fait construire à Āgrā et qui ont disparu. Dans plusieurs d’entre eux, Dīwān-i Khāṣṣ, Pānč Maḥall, palais de Myriam et de la sultane, de grandes concessions ont été faites aux traditions locales. La Grande Mosquée, érigée en 1571, est une des plus vastes et des plus nobles de l’Inde. Elle présente sur sa face sud un porche monumental, le Buland Darwāza, en marbre rouge et blanc, qu’Akbar fit ériger plus tard comme arc triomphal. Dans l’immense cour de la mosquée se dresse la tombe de Salīm Čichtī, petit mausolée de marbre blanc remarquable par la finesse de ses détails.

J.-P. R.

➙ Inde / Islām / Moghols.

 S. M. Latif, Agra, Historical Descriptive (Londres, 1896). / M. Ashraf Husain, A Guide to Fatehpur Sikri (Delhi, 1937). / P. Brown, Indian Architecture (The Islamic Period) [Bombay, 1942].

agressivité

Ensemble des tendances et des processus psychiques qui peuvent s’actualiser dans un comportement animal ou humain, et qui se caractérisent par des activités visant à détruire, à dégrader, à humilier, à contraindre.



L’agressivité chez l’homme

La notion d’agressivité peut être considérée comme le développement de la nuance introduite par l’usage du français entre l’agression et l’attaque. Tandis que l’attaque délimite un type de conduite, l’agression en impute la responsabilité. Dans ce registre ordonné aux critères et au langage du droit international ou de l’histoire militaire, se trouvera tout naturellement associée à l’imputation de l’attaque l’idée d’une disposition à en prendre l’initiative, et cette caractéristique, individualisée et affranchie de son contexte juridique et moral, sera désignée comme agressivité. C’est bien parce qu’elle se trouve avoir été élaborée dans l’esprit d’une théorie dynamique de la personnalité que la notion visera désormais à prêter statut scientifique à la longue tradition philosophique, dont les anticipations n’ont fait que préparer les modèles de la psychanalyse, de la psychologie expérimentale et de la psychologie sociale.


Freud et Adler

De Nietzsche* en effet dérive directement A. Adler*, dont l’étude sur l’infériorité organique introduit en 1907 la notion d’une pulsion agressive. À cette époque, cependant, la description clinique des comportements agressifs est déjà largement amorcée par Freud*. En relation avec la conception qu’il se forme alors du rôle de l’attentat traumatique dans l’étiologie des névroses, son attention s’est portée sur le retournement de l’agression subie en agression exercée. Dès 1896, par exemple, est évoqué le cas typique du garçon qui, soumis aux entreprises d’une femme (et dont la libido s’est trouvée de ce fait sollicitée à un éveil précoce), a répété vis-à-vis d’une sœur les procédés dont il avait été lui-même victime. La critique de la notion de traumatisme une fois développée, et le fantasme rapporté à ses racines pulsionnelles, c’est au sadisme anal que sera rapportée cette agressivité. En 1909, enfin, l’analyse du petit Hans permettra d’expliquer l’angoisse par le refoulement des tendances agressives, alors partagées entre les tendances « hostiles » contre le père et « sadiques » contre la mère.

Mais à cette date vient de paraître l’essai d’Adler sur la pulsion agressive. Concurremment à la description et à l’analyse cliniques des formes de l’agression s’impose donc à Freud la discussion de la notion d’une pulsion agressive spécifique. Tout en rendant hommage au travail « fort suggestif » d’Adler, il en récuse le principe : Adler, remarque-t-il dans l’analyse de Hans, a hypostasié sous les espèces d’une pulsion d’agression l’attribut de toute pulsion, l’impulsivité qui est capacité de mettre la motricité en branle. Il ne resterait alors pour caractériser une pulsion que le seul rapport au but. Pourtant, à la même date, l’analyse de « l’homme aux rats » — un cas de névrose obsessionnelle — témoigne de sa perplexité.