Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Charles Ier (suite)

C’est alors que la crise éclate : ulcéré des mesures financières et de la politique religieuse du roi, le Parlement se montre plus hostile que jamais. Lorsque le roi, effrayé, veut l’ajourner, les députés obligent le « speaker », sir John Finch, à continuer la séance, consacrée à l’examen de mesures extrémistes proposées par sir John Eliot, le leader du parti « populaire » (par opposition aux royalistes). Cette fois, le roi dissout le Parlement et fait arrêter neuf de ses membres les plus en vue. Pendant onze ans, il va gouverner sans Parlement.

Cette « tyrannie », comme l’appelleront les puritains, sera pourtant assez douce. Le gouvernement du pays est aux mains d’une bonne Administration, qui fera progresser le pays dans de nombreux domaines (par exemple celui, très important, des lois sur la pauvreté, d’autant que l’on multiplie les efforts pour trouver du travail aux chômeurs). À Londres, aucune personnalité politique n’émerge. Le principal conseiller du roi, Laud, ne s’occupe que de matières religieuses ; Thomas Wentworth (plus tard comte de Strafford) [1593-1641] gouverne tyranniquement l’Irlande, un des rares endroits de son royaume d’où le roi puisse tirer de l’argent sans avoir besoin du Parlement. Le problème financier reste en effet capital, et les exactions du gouvernement royal, qu’une politique étrangère incohérente et gratuite oblige à entretenir une importante flotte de guerre, mécontentent la gentry et la bourgeoisie, c’est-à-dire les électeurs de la Chambre des communes.

Ce n’est pas de là, pourtant, que vont naître les difficultés, mais de la politique religieuse de Laud. Ce dernier travaille à réformer l’Église dans le sens voulu par le haut clergé, les évêques anglicans en particulier. Cet « épiscopalisme » se heurte à l’influence calviniste, baignant le puissant courant « presbytérien », qui, au sein même de l’Église anglicane, nie les pouvoirs de l’évêque et réclame leur transfert aux prêtres et à la congrégation des fidèles.

Pour supprimer cette divergence, Laud décide, en 1637, d’imposer un nouveau livre de prières, nettement épiscopaliste. Il veut surtout en étendre l’usage à l’Écosse, tout entière presbytérienne. De violentes bagarres éclatent aussitôt, et on fait savoir à Charles Ier qu’il lui faudrait 40 000 hommes pour imposer le livre de prières. Or, il ne peut en réunir que la moitié, et la « première guerre des évêques » (mai-juin 1639), par la faute de cette armée médiocre, se termine par le traité de Berwick upon Tweed, grave humiliation pour le roi. S’il veut une armée pour imposer ses vues épiscopalistes, il faut qu’il obtienne les moyens de l’entretenir d’un Parlement.

Le « Court Parlement » (avr.-mai 1640) est, comme ses prédécesseurs, « populaire » et puritain, donc favorable aux presbytériens. Charles Ier doit le dissoudre et recourir à des mesures répressives contre les puritains. Il n’arrive cependant pas à lever une armée suffisante, et, lors de la « deuxième guerre des évêques », les troupes royales sont écrasées par les Écossais à la bataille de Newburn (28 août 1640). Après avoir conclu une trêve, Charles doit se résoudre à convoquer son cinquième Parlement : ce sera le « Long Parlement ». Un bon nombre de ses membres sortent des prisons royales, et la violence de l’attaque menée contre Strafford s’explique assez bien. Le Parlement possède en outre en John Pym (1584-1643) un remarquable leader. Face à lui, le roi sera indécis et ondoyant ; tantôt il se montre intraitable, tantôt il fait de surprenantes concessions. Il intrigue sans cesse, cherchant l’appui des presbytériens écossais ou des catholiques irlandais, aggravant ainsi les suspicions et la méfiance des députés.

Dès sa réunion, le Parlement accuse Strafford d’avoir trahi les lois du royaume. Venu à Londres sous le couvert d’un sauf-conduit royal, Strafford est néanmoins arrêté et condamné à mort. Le roi hésite, mais, finalement, consent à son exécution, tout en demandant au Parlement de le gracier (mai 1641). Laud, arrêté lui aussi, ne sera exécuté qu’en 1645. L’abandon de Strafford marque-t-il le début d’une nouvelle politique ? Certains des membres du parti « populaire », effrayés par la violence des attaques menées contre l’Église anglicane, se rapprochent du roi. C’est ainsi que sir Edward Hyde (plus tard 1er comte de Clarendon et l’historien de la « Grande Rébellion ») [1609-1674] devient l’inspirateur des discours et proclamations royales : il cherche à démontrer que le roi est le gardien de la Constitution, de la loi et de la justice contre les innovations dangereuses des chefs du Parlement, animés par une ambition égoïste.

Cette idée simple est immédiatement populaire (surtout dans les campagnes), et c’est pour sa défense que beaucoup prendront part aux côtés du roi à la guerre civile. Encore aurait-il fallu mettre en pratique cette politique : or, contre Hyde et ses amis, une faction extrémiste agit sur le roi (la reine Henriette-Marie, sir Kenelm Digby [1603-1665]), et le roi ne l’écoute que trop souvent, niant ses paroles par ses actes.

Ainsi, lorsqu’en octobre 1641 éclate un soulèvement en Irlande, Charles Ier n’hésite pas à entamer des négociations secrètes avec les catholiques irlandais. Surtout, lorsque les Communes s’attaquent à la catholique Henriette-Marie, il fait arrêter cinq des membres des Communes, parmi lesquels Pym lui-même. Dans ces conditions, l’action du Parlement est facilitée : de la Grande Remontrance, adressée au roi en novembre 1641, aux Dix-Neuf Propositions, formulées en juin 1642 et qui sont un véritable ultimatum, il y a une progression parfaitement justifiée par la politique royale elle-même. Mais, cette fois-ci, Charles ne peut accepter ces propositions, qui ne feraient de lui qu’un souverain nominal et qui confieraient aux puritains la réforme de l’Église d’Angleterre. Or, le Parlement dispose d’une armée. C’est la guerre civile.

Politique, religieuse, cette guerre est aussi sociale : Londres, les ports, les villes industrielles tiennent pour le Parlement, même si la gentry est divisée. Il est certain que la cause parlementaire a regroupé les éléments les plus dynamiques de la société, et c’est ce qui, à long terme, assure sa victoire. Au début, les royalistes remportent de grands succès : certes, la bataille d’Edgehill (23 oct. 1642) est indécise, mais la cavalerie du prince Rupert, le neveu du roi, donne la maîtrise du terrain aux royalistes, qui peuvent ainsi se constituer une solide base dans les Midlands, autour d’Oxford. Le Parlement réagit : l’un des députés les plus en vue, Oliver Cromwell*, recrute dans les comtés du Sud-Est la terrible cavalerie des « Côtes de fer ». En outre, Pym, juste avant sa mort (1643), signe un accord avec les presbytériens écossais. Battu à Marston Moor (2 juill. 1644) et à Naseby (14 juin 1645), Charles se rend à l’armée écossaise, qui ne tarde pas à le livrer au Parlement.