Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Carissimi (Giacomo) (suite)

Les oratorios de Carissimi adoptent des formes diverses, depuis Lucifer, où un chanteur unique personnifie successivement le récitant, Lucifer et la voix de Dieu, jusqu’au Dives malus (ou Historia Divitis), le plus long de ses oratorios, où l’historicus se différencie des autres personnages bibliques, tandis que la horde des démons (Daemonum turba) agite devant le mauvais riche l’image des tortures de l’enfer en une polyphonie à 8 voix en double chœur. Du plus célèbre des oratorios de Carissimi, Jephté, on a surtout retenu l’admirable déploration de la fille de Jephté, Plorate colles, qu’Athanasius Kircher (1602-1680), dès 1650. citait dans sa Musurgia universalis en exemple du style du compositeur, et qui est caractéristique, en effet, de l’émotion que celui-ci apporte dans l’expression des sentiments humains. On peut citer aussi, pour illustrer la diversité de coloris de sa palette, l’arioso d’Ezechia, « Dextera Domini fecit virtutem », avec ses modulations hardies et son chromatisme expressif, la description de la violente tempête dans Jonas, ou encore l’évocation de la douce mélancolie du jour qui s’achève dans l’Historia dei pellegrini di Emmaus. Après lui, l’oratorio allait décliner, s’identifiant de plus en plus au théâtre et perdant ainsi la belle simplicité qui avait permis à Carissimi d’atteindre sans effort à l’expression la plus profonde des sentiments de l’âme.

Parmi les motets, le Tolle sponsa se distingue nettement par son développement dramatique, qui l’apparente à un oratorio. Il constitue même l’une des œuvres les plus singulièrement expressives dans la production de Carissimi, qui a su recréer l’atmosphère mystique du Cantique des cantiques dans le dialogue entre l’époux et l’épouse, tandis que le chœur termine sur une note de pitié profonde. Dans le Hodie Simon Petrus, 2 voix avec basse continue suffisent au musicien pour exprimer avec l’émotion qui convient les martyres de saint Pierre et de saint Paul.

Des 8 messes de Carissimi, une seule a été éditée. À 3 voix et basse continue, sa savante simplicité s’oppose à la mode alors si répandue des grands ensembles à plusieurs chœurs, sans que l’émotion en soit pour autant complètement absente.

Les cantates sur texte italien ont dû remporter un énorme succès du temps même de Carissimi, si l’on en juge par les nombreux manuscrits qui se trouvent dans toutes les bibliothèques européennes. Comme dans ses œuvres religieuses, le compositeur atteint à une grande puissance d’expression, qui se marque notamment par les plaintes émouvantes de la femme abandonnée dans la cantate à voix seule Dunque degl’horti miei, mais surtout dans la Serenata à 3 voix, I Naviganti, toute baignée d’une « livide et tempétueuse atmosphère marine » (L. Bianchi).

Durant sa longue vie professorale, Carissimi a formé plusieurs générations de disciples, parmi lesquels devaient devenir célèbres : Christoph Bernhard (1627-1692), Johann Kaspar von Kerll (1627-1693), Johann Philipp Krieger (1649-1725) et Marc Antoine Charpentier*. C’est à ce dernier que l’on doit la diffusion des oratorios de Carissimi en France, dès la fin du xviie s. Quant à ses disciples d’Allemagne, ils ont sauvé de l’oubli son Ars cantandi, petit traité élémentaire de musique à l’usage de ses jeunes élèves et dont on ne connaît que l’édition allemande.

Les œuvres complètes de Carissimi sont en cours de publication par les soins de L. Bianchi (Rome, Istituto per la storia della musica).

N. B.

carlisme

Mouvement qui ébranla l’Espagne par trois fois au xixe s., en opposant le nord de la Péninsule au gouvernement de Madrid.



Les causes

Le carlisme tire son nom de l’infant Don Carlos (Charles de Bourbon, 1788-1855), comte de Molina, deuxième fils de Charles IV et frère de Ferdinand VII, qui, comme ses successeurs, entendit défendre ce qu’il jugeait être ses droits à la couronne d’Espagne face à Isabelle, fille de Ferdinand VII, et à ses descendants.

Avant l’arrivée des Bourbons en Espagne, la succession était réglée par la loi de « Las Partidas », aux termes de laquelle, à la mort d’un souverain, la couronne revenait à ses enfants — les fils ayant droit de préséance sur les filles — ou, s’il n’en avait pas, à son parent le plus proche. Avec l’avènement de Philippe V, duc d’Anjou et petit-fils de Louis XIV, était apparue la loi semi-salique, qui exclut les femmes de la succession, sauf dans le cas où il n’y a de descendant mâle ni direct ni dans la branche collatérale.

En 1830, Ferdinand VII, n’ayant qu’une fille, Isabelle, décide de rétablir la loi de « Las Partidas » par la « pragmatique sanction » et exile au Portugal son frère Charles, ôtant à celui-ci ainsi qu’à ses descendants tout droit à la couronne. À la mort de Ferdinand VII (29 sept. 1833), sa fille est proclamée reine sous le nom d’Isabelle II, la régence étant assumée par sa mère Marie-Christine (1806-1878). Charles de Bourbon refuse de prêter serment à sa nièce et se considère comme le légitime successeur de son frère en déclarant que la « pragmatique sanction » est irrégulière. C’est le point de départ du soulèvement carliste.

En dehors de ce motif qui n’est qu’un prétexte, le carlisme a des racines beaucoup plus profondes. Il traduit en réalité l’antagonisme existant entre les défenseurs à outrance de l’ancien régime, les « apostoliques », partisans d’une monarchie décentralisée et du respect des idées catholiques, et ceux qui sont sensibles aux idées libérales et favorables à la centralisation. On trouve les « isabellins » surtout parmi les libéraux, les bourgeois des villes, une partie de la noblesse et dans l’armée, alors que les carlistes regroupent les membres du clergé, les catholiques fervents, les habitants des provinces jalouses de leurs privilèges et les petits propriétaires ruraux. À l’extérieur, les premiers sont soutenus par les puissances libérales (France, Angleterre, Portugal) et les seconds par les nations dites « absolutistes » (Russie, Prusse, Autriche, Sicile, Sardaigne).