Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Capote (Truman) (suite)

Les personnages réels de In Cold Blood sont des être réels, bien différents des personnages imaginaires des romans antérieurs. Pourtant, on retrouve dans le livre l’angoisse qui affleurait sous le style et la cocasserie onirique des œuvres précédentes. « Je revis peut-être dans la vraie vie les obsessions de mes premiers romans », déclare Capote. Capote poursuit ainsi, par de nouvelles voies, cette fascination pour le jeu de hasard entre l’innocence et le crime, qui marque l’« agonie et la rhétorique » sudistes. Malgré le succès du livre, malgré les efforts de l’auteur pour imposer son nouveau personnage de romancier-reporter, la critique est restée réservée, devinant une secrète continuité entre les deux périodes de l’œuvre. Même dans In Cold Blood, l’importance des problèmes de technique romanesque dissimule mal l’inspiration angoissée de Truman Capote.

J. C.

 J. Brown, Panorama de la littérature contemporaine aux États-Unis (Gallimard, 1954). / M. Geismar, American Moderns (New York, 1958). / I. Hassan, Radical Innocence. The Contemporary American Novel (Princeton, New Jersey, 1961). / P. Dommergues, les Écrivains américains d’aujourd’hui (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1965 ; 2e éd., 1967) ; les U. S. A. à la recherche de leur identité (Grasset, 1967). / J. Mouton, Littérature et sang-froid (Desclée De Brouwer, 1967).

Cappadoce

Région centrale de l’Asie Mineure, selon la géographie ancienne. À l’époque classique, elle se situait entre le Taurus, l’Euphrate et le Pont. Antérieurement, on lui donnait une plus grande étendue, jusqu’au rivage du Pont-Euxin. C’est un pays très montagneux, sauvage, partagé entre des pâturages steppiques et des forêts dont l’étendue s’est singulièrement restreinte depuis lors.



Les origines

Le pays fut peuplé de Sémites dès avant le IIIe millénaire. Les tablettes cunéiformes cappadociennes, qui furent trouvées à Kültepe (Kanesh) et qui datent du IIe millénaire, racontent l’invasion des Hittites*, venus se superposer aux populations antérieures (v. Anatolie). La Cappadoce représente le cœur de l’Empire hittite pendant de longs siècles, jusqu’à ce que celui-ci soit démantelé vers 1200 av. J.-C. par l’arrivée des « peuples de la mer ». Le morcellement en plusieurs royaumes n’empêche pas la civilisation hittite de survivre jusque vers 600 av. J.-C. Les sites archéologiques qui en témoignent sont nombreux.

Le pays tombe alors en partie sous la domination lydienne. C’est à cette époque que remontent nos plus anciens renseignements d’origine littéraire. Les Perses et les Grecs qualifiaient les gens de Cappadoce de Leucosyriens, « Syriens blancs », par opposition à ceux de la Syrie propre. Les Cappadociens étaient réputés frustes et courageux, et surtout perfides : « Un serpent mordit un Cappadocien, ce fut le serpent qui creva », disait-on. Une vaste population de serfs était dominée par une aristocratie féodale. De villes, il n’y en avait pas ou peu : Mazaca (Kayseri), Tyane (Kemer Hisar) ; il existait plutôt des lieux de culte importants, comme Comana, véritable ville sainte, immense sanctuaire de Mâ.

Dès le milieu du vie s., les Lydiens furent battus par les Perses, qui firent de la Cappadoce une satrapie, puis qui la divisèrent en deux, la Grande Cappadoce et la Cappadoce pontique, ce qui n’empêcha pas le pays de conserver une bonne part d’autonomie réelle. Au temps de la révolte de Cyrus le Jeune, un certain Mithridate s’était rendu tout à fait indépendant et régnait sur l’ensemble du pays. Au temps d’Alexandre, une dynastie locale s’établit, dont les souverains portaient le nom d’Ariarathês. Ariarathês Ier fut tué par Perdiccas, qui opérait pour le compte d’Eumenês, héritier d’Alexandre. Bien que la Cappadoce ait alors fait en principe partie de l’Empire séleucide, la dynastie des Ariarathês reprit le pouvoir à la fin du ive s. et s’y maintint deux siècles grâce à une fréquente entente avec les rois séleucides malgré quelques vicissitudes. L’un des souverains de la dynastie aida Antiochos III contre Rome grâce à ses mercenaires galates. Un autre combattit Aristonicos aux côtés des Romains. Les guerres de Mithridate mirent fin à cette dynastie.

Le royaume de Cappadoce était alors divisé en dix stratégies, ou préfectures. Pays d’élevage, réputé pour ses chevaux et ses moutons, il était aussi remarquable par ses immenses troupes d’esclaves, esclaves du roi ou esclaves sacrés, et serfs des vastes domaines sacerdotaux, presque des États, qui entouraient les grands sanctuaires (Comana, Venasa).


L’époque romaine

Les Romains proposèrent aux Cappadociens un gouvernement républicain ; ils réclamèrent un roi et désignèrent Ariobarzane, qui régna sous la surveillance d’un procurateur romain. La nouvelle dynastie, tributaire de Rome, se maintint sur le trône pendant un siècle. Beaucoup d’esclaves avaient été emmenés à Rome. Archélaos, dernier souverain, fut conduit à Rome et condamné à mort par Tibère (17 apr. J.-C.). La Cappadoce devint une province romaine. Elle fut un moment rattachée à la Galatie. Bien que demeurée à un stade de civilisation relativement archaïque, peu urbanisée, peu hellénisée (on y parlait un grec barbare), elle connut à l’époque romaine une incontestable prospérité. À Tyane vécut le philosophe néo-pythagoricien Apollonios († 97 apr. J.-C.), Césarée (nouveau nom de Mazaca) devint un des foyers du christianisme asiatique.


L’époque chrétienne

Le christianisme civilisa le pays en l’hellénisant. La Cappadoce fut le pays d’origine de Basile de Césarée, de Grégoire de Nysse et de Grégoire de Nazianze. Au ive s., le rayonnement intellectuel de Césarée atteignait l’Arménie. C’est là que fut baptisé Grégoire l’Illuminateur, convertisseur des Arméniens. En revanche, la Cappadoce allait en partie adopter la langue arménienne, au point qu’au temps des croisades sa partie méridionale était qualifiée de terre arménienne. À partir de 913, de nombreux moines s’installèrent dans les couvents troglodytes de la région de Korama (Göreme) et de Haghios Prokopios (Ürgüp), à l’ouest de Césarée, dans une région pittoresque où les habitations troglodytes existaient depuis le vie s. au moins. À la fin du xie s., la Cappadoce fut envahie par les Turcs Seldjoukides. Les retours offensifs des troupes byzantines ruinèrent le pays, mais la population chrétienne se maintint grâce à la tolérance des Seldjoukides. L’arrivée, vers 1300, des Osmanlis, moins tolérants, coïncida avec l’abandon des établissements monastiques troglodytes. Néanmoins, l’évêché de Césarée (Kayseri) a survécu jusqu’en 1923.

R. H.

➙ Anatolie / Assyrie.