Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Breton (André) (suite)

L’œuvre en prose de Breton présente un aspect beaucoup plus classique. Cependant, malgré l’instrument conventionnel de la langue, qu’il ne semble guère vouloir éprouver, Breton demeure à la recherche de la vie réelle réconciliée avec le rêve. Nadja (1928) est l’exemple type de ces récits rapportant un épisode de sa vie, qui peut apparaître comme une fiction. Ce récit n’est que la découverte des relations qui unissent Nadja et Breton. Au hasard de longues promenades dans les rues, chaque événement, dont ils sont tous les deux témoins, est poussé, à l’aide du pouvoir de l’inconscient, au-delà des apparences, parachevant ainsi le donné incertain et fluctuant du réel. Ce qui pouvait passer pour le fait du hasard devient « objectif ». Nadja, qui est douée de pouvoirs inhabituels, détient la vraie vie, mais elle est la preuve de l’impossibilité qu’il y a encore de concilier le rêve et la réalité : elle sera enfermée dans un asile d’aliénés. Pourtant, le temps de leur rencontre, le rêve s’est réalisé, la vie a été rêvée : deux êtres exceptionnels ont su tirer du quotidien l’extraordinaire.

D’une façon plus expérimentale, mais toujours dans la même perspective, Breton, dans les Vases communicants (1932), poursuit cette exploration du domaine de l’inconscient. Il note une série de rêves et essaie de trouver leurs corrélations avec des faits de la vie éveillée. Cette attention permanente au moindre événement de la vie diurne ou nocturne permet d’étayer l’existence, soutenue ainsi par une trame permanente où chaque fait trouve sa signification et guide vers un « point suprême » une vie qui jusque-là se perdait dans la confusion. Cette « soif d’errer à la rencontre de tout », cette recherche continue des relations qui unissent les objets et les individus les uns aux autres, les prémonitions, l’attention aux coïncidences, cet examen permanent des données du réel pour tenter de l’éclaircir et d’atteindre à une « transparence totale de la réalité » se manifestent encore sous forme de récits dans l’Immaculée Conception (1930), l’Amour fou (1937), Arcane 17 (1947).

Mais ce changement de la vie tel que l’entend Breton n’a pas de raison d’être sans la transformation du monde. Cette expérience individuelle doit pouvoir être faite par tous et tous doivent trouver les conditions matérielles qui la rendraient réalisable. C’est pourquoi, dès 1925, Breton et ses amis se joignent au groupe d’intellectuels communistes de la revue Clarté. En 1927, il adhère au parti communiste. Il s’efforce, la « révolution surréaliste » étant faite, de mettre « le surréalisme au service de la révolution ». Les communistes trouvent suspect ce concours jugé idéaliste, et, après maintes tentatives de conciliation, la rupture est définitive en 1933. Cependant, jusqu’à sa mort, Breton ne cessera de prendre position sur les problèmes de l’heure (guerres d’Espagne, d’Algérie, du Viêt-nam).

Breton travaille d’ailleurs sans relâche à étendre l’audience de l’activité surréaliste : il participe à des manifestations à Prague (1935), à Londres (1936), à Mexico (1938). En 1938 a lieu la première exposition surréaliste à Paris. Mais lorsque éclate la Seconde Guerre mondiale, Breton s’exile aux États-Unis (l’Anthologie de l’humour noir est censurée par le gouvernement de Vichy), où il travaille avec Marcel Duchamp à des expositions d’art surréaliste et à la nouvelle revue VVV.

Après la guerre se reconstitue à Paris un groupe très différent du premier courant surréaliste, mais qui reconnaît toujours un maître à penser en Breton qui signe des tracts, dirige des revues (Néon, le Surréalisme même, la Brèche), dénonce les supercheries littéraires (Flagrant Délit, 1949), donne en 1952 des Entretiens à la Radiodiffusion française.

Malgré les attaques dont il fut l’objet, Breton n’a jamais failli à la ligne de conduite qu’il s’était tracée depuis sa rencontre avec Jacques Vaché. On a pu lui reprocher un autoritarisme quasi dictatorial lorsqu’il excluait, selon son bon plaisir, usant du prestige qu’il avait auprès de ses amis, ceux du groupe qui s’étaient écartés de la « voie royale de l’inconscient ». Il ne faisait qu’exercer à leur égard l’intransigeance qu’il exigeait de lui-même, refusant toutes les compromissions, les honneurs, ne réclamant qu’une fidélité sans faille à des principes fondamentaux qu’il maintint avec une constance remarquable, faisant de sa vie et de son œuvre une ascèse, une purification.

M. B.

➙ Surréalisme.

 J. Gracq, André Breton (J. Corti, 1948). / C. Mauriac, André Breton (Éd. de Flore, 1949 ; nouv. éd., Grasset, 1970). / J. L. Bédouin, André Breton (Seghers, 1950 ; nouv. éd., 1970). / V. Crastre, André Breton (Arcanes, 1952). / S. Alexandrian, André Breton par lui-même (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1971). / G. Durozoi et B. Lecherbonnier, André Breton, l’écriture surréaliste (Larousse, 1974). / M. Bonnet, André Breton et les débuts de l’aventure surréaliste (Corti, 1975).

Breuer (Marcel)

Architecte américain d’origine hongroise (Pécs 1902).


Élève puis professeur au Bauhaus, Breuer ne vient à l’architecture qu’après 1928, et sa carrière se développe hors de l’Allemagne. Chassé par le nazisme, il se rend d’abord en Suisse, où il construit l’une de ses premières œuvres (immeubles du Dolderthal, Zurich, 1935-1936 — avec Alfred et Emil Roth), puis en Angleterre comme associé de Francis Reginald Stevens Yorke (1906-1962), avant d’aller rejoindre les États-Unis.

Associé de Walter Gropius* et professeur avec lui à l’université Harvard jusqu’en 1946, il édifie des maisons en préfabrication légère, adaptées au marché américain. Gropius et lui subissent fortement l’influence de Frank Lloyd Wright* et de sa prédilection pour les matériaux naturels : après quelque quinze ans de « style international », cette évolution trahit les doutes de toute une génération sur les vertus de l’esthétique « puriste ».